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19/07/2010 | FRANCE | N°328419

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 19 juillet 2010, 328419


Vu 1°/, sous le n° 328419, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 27 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société FRANCE TELECOM, dont le siège est 6 place d'Alleray à Paris (75505 Cedex 15) ; FRANCE TELECOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de Mme Liliane B, mis à la charge solidaire de FRANCE TELECOM et de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les co

nditions d'existence ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'a...

Vu 1°/, sous le n° 328419, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 27 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société FRANCE TELECOM, dont le siège est 6 place d'Alleray à Paris (75505 Cedex 15) ; FRANCE TELECOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de Mme Liliane B, mis à la charge solidaire de FRANCE TELECOM et de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de Mme B ;

3°) de mettre à la charge de Mme B le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°/, sous le n° 328586, le pourvoi, enregistré le 5 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de Mme B, mis à la charge solidaire de France Télécom et de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

....................................................................................

Vu 3°/, sous le n° 328654, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 8 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Liliane A, demeurant 3, allée Gaston Bachelard à Paris (75014) ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 mars 2009 en tant que la cour administrative d'appel de Paris a limité à la somme de 5 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt, le montant de la somme mise à la charge solidaire de France Télécom et de l'Etat en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions devant les juges du fond et de capitaliser les intérêts échus depuis le dépôt de la requête en application de l'article 1154 du code civil ;

3°) de mettre à la charge de France Télécom et de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2010, présentée pour Mme A ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 ;

Vu le décret n° 90-1237 du 31 décembre 1990 ;

Vu le décret n° 91-99 du 24 janvier 1991 ;

Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Gargoullaud, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de FRANCE TELECOM et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de FRANCE TELECOM et à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme A ;

Considérant que les pourvois formés par FRANCE TELECOM, par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI et par Mme A sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. / L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ;

Considérant, d'une part, que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de FRANCE TELECOM de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les nouveaux corps dits de reclassification créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de reclassification , ne dispensait pas le président de FRANCE TELECOM, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement ; qu'il appartenait, en outre, au ministre chargé des postes et télécommunications de veiller de manière générale au respect par France Télécom de ce droit à la promotion interne, garanti aux fonctionnaires reclassés comme aux fonctionnaires reclassifiés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ;

Considérant, d'autre part, que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par FRANCE TELECOM cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires reclassés ; que, par suite, les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement , en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, sont devenus illégaux à compter de la cessation des recrutements externes le 1er janvier 2002 ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne au bénéfice des fonctionnaires reclassés après cette date, le président de FRANCE TELECOM a, de même, commis une illégalité ; que des promotions internes pour les fonctionnaires reclassés non liées aux recrutements externes ne sont redevenues possibles, au sein de FRANCE TELECOM, que par l'effet du décret du 24 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de FRANCE TELECOM ;

Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel de Paris, pour retenir la responsabilité solidaire de l'Etat et de FRANCE TELECOM à l'égard de Mme A, fonctionnaire reclassée , a jugé que le président de FRANCE TELECOM avait, en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés , commis une illégalité engageant la responsabilité de sa société et que l'Etat avait, de même, commis une faute en attendant le 26 novembre 2004 pour prendre les décrets organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement de cette société ; que la cour n'a, ce faisant, pas relevé d'office un moyen qui n'aurait pas été invoqué devant elle par Mme A ; qu'elle n'a pas omis de se prononcer sur des moyens non inopérants et a suffisamment motivé son arrêt ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en retenant l'existence d'une faute engageant la responsabilité de FRANCE TELECOM, distincte de la faute imputable à l'Etat, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel a pu, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique, accorder à Mme A une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à raison des fautes relevées, consistant à priver de manière générale les fonctionnaires reclassés de toute possibilité de promotion interne, alors même qu'au cas particulier Mme A n'aurait pas eu de chances sérieuses d'obtenir une promotion ; qu'en déterminant le montant de l'indemnité due à Mme A au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, la cour a suffisamment motivé son arrêt et s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, qui est exempte de dénaturation ;

Considérant, en troisième lieu, que la cour administrative d'appel s'est fondée, pour refuser d'accorder à Mme A une indemnité au titre du préjudice de carrière, sur le motif que la promotion au choix ne constitue jamais un droit pour les fonctionnaires ; qu'en déduisant de ce seul motif la conséquence que Mme A ne pouvait établir une perte de chance sérieuse de promotion, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que FRANCE TELECOM et le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué mais que Mme A, si elle n'est pas fondée à demander l'annulation de cet arrêt en tant qu'il lui a accordé une indemnité au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle soulève à cette fin, à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnité au titre du préjudice de carrière ;

Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme A, fonctionnaire de l'administration des postes et télécommunications depuis 1968 ayant accédé au grade d'agent d'administration principal du service général en 1983, aurait eu, alors même qu'elle remplissait les conditions statutaires pour être promue et compte tenu des appréciations portées sur sa manière de servir, une chance sérieuse d'accéder au corps supérieur des contrôleurs de FRANCE TELECOM, eu égard à la nature des fonctions susceptibles d'être confiées aux membres de ce corps, si des promotions avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires reclassés après 1993 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière qu'elle estime avoir subi ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par FRANCE TELECOM et Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 mars 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant la cour administrative d'appel de Paris tendant à l'indemnisation du préjudice de carrière sont rejetées.

Article 3 : Les pourvois de FRANCE TELECOM et du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de FRANCE TELECOM et de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Liliane A, à FRANCE TELECOM et à la MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 328419
Date de la décision : 19/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2010, n° 328419
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Gargoullaud
Rapporteur public ?: M. Lenica Frédéric
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:328419.20100719
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