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23/07/2010 | FRANCE | N°308020

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 23 juillet 2010, 308020


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 24 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Pierrette A, demeurant ...; Mme A, épouse B demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 29 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé le jugement du 30 décembre 2003 du tribunal administratif de Pau la déchargeant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a ét

assujettie au titre de l'année 1993, a rejeté sa demande devant ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 24 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Pierrette A, demeurant ...; Mme A, épouse B demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 29 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a annulé le jugement du 30 décembre 2003 du tribunal administratif de Pau la déchargeant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993, a rejeté sa demande devant le tribunal administratif de Pau et a remis ces impositions à sa charge ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 15 juillet 1991, Mme A, son frère et sa mère ont reçu de tiers une proposition de rachat de leur participation de 50 % au capital de la société à responsabilité limitée (SARL) H et R Marmajou, soit 1 120 actions, pour un montant de 4,2 millions de francs, soit 3 750 F par part ; qu'en application des statuts de cette société, les autres associés, issus d'une seconde branche de la famille Marmajou, ont refusé d'agréer cette cession puis, le 18 janvier 1993, ont apporté leur propre participation de 50 % au capital de la SARL H et R Marmajou à la SARL Holding Marmajou pour une valeur de 964 F par part sociale ; que le 1er mars 1993, cette société holding a acquis auprès de Mme A, de son frère et de sa mère l'autre moitié du capital de la SARL H et R Marmajou au prix unitaire de 2 165 F par part ; qu'après avoir vérifié la comptabilité de la société holding, l'administration a regardé comme une libéralité consentie à Mme A, son frère et sa mère l'écart entre le prix de cession et la valeur vénale des titres cédés, laquelle a été évaluée à 964 F par part ; qu'elle a redressé les bases de l'impôt sur le revenu de Mme A dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts et mis en recouvrement une imposition supplémentaire ; que saisi du rejet de sa réclamation, le tribunal administratif de Pau, par un jugement du 30 décembre 2003, a déchargé Mme A de cette imposition supplémentaire au motif que les conditions d'application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts que l'administration avait substitué à la base légale initialement retenue n'étaient pas réunies ; que, la cour administrative d'appel de Bordeaux, accueillant la demande du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de substituer en tant que fondement légal du redressement le c de l'article 111 du même code, a remis l'imposition en litige à la charge de Mme A par un arrêt en date du 29 mai 2007 contre lequel cette dernière se pourvoit en cassation ;

Sur les motifs de l'arrêt en tant qu'il statue sur la substitution de base légale :

Considérant que lorsque l'administration procède à une substitution de base légale pour rejeter la réclamation d'un contribuable, sa décision ne saurait créer un droit au maintien de cette base légale, ni lui interdire de changer de base légale à tout moment dès lors que cette substitution n'a pas pour effet de priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'administration, qui avait, pour rejeter la réclamation de Mme A, renoncé à appliquer le c de l'article 111 du code général des impôts au profit du 1° du 1 de l'article 109 du même code, pouvait demander en appel, après s'être prévalue en première instance des dispositions de cet article 109, que l'imposition en litige soit établie sur le fondement légal mentionné dans la notification de redressement ;

Sur les motifs de l'arrêt en tant qu'il statue sur l'écart entre le prix de cession et la valeur vénale :

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués ... c) les rémunérations et avantages occultes ; qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes de l'arrêt que la cour a jugé que l'administration établissait que le prix de la cession des parts au 1er mars 1993 excédait de manière significative la valeur vénale de la part telle qu'elle résultait des calculs opérés par ses services ; que la cour ne s'est pas fondée sur l'opération d'apport de titres effectuée par l'autre branche de la famille à la société holding Marmajou le 18 janvier 1993 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en se fondant sur cette valeur d'apport pour évaluer la valeur vénale de la part doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la valeur vénale de titres non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ;

Considérant, d'une part, que si la valeur réelle des titres d'une société doit être évaluée par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu'elle ressort des transactions portant à la même époque sur ces titres, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance, en revanche, une proposition de rachat de titres qui ne conduit pas à une cession effective ne saurait constituer une transaction susceptible de servir de terme de comparaison ; qu'en l'absence de toute transaction ou de transaction équivalente, l'appréciation de la valeur vénale est faite en utilisant les méthodes d'évaluation qui permettent d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, en écartant de manière suffisamment motivée la comparaison avec le prix de vente de 3 750 F par part fixé dans le cadre de l'offre reçue le 15 août 1991 qui n'a pas conduit à une cession effective et en examinant les autres méthodes d'évaluation retenues par l'administration ;

Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration s'est référée aux données économiques et comptables de la SARL H et R Marmajou, qui exploite une entreprise de feux d'artifice, et notamment aux résultats des années 1990 à 1993, et a recouru à diverses méthodes généralement utilisées pour l'évaluation des titres à l'époque des faits, parmi lesquelles la valeur mathématique reconstituant l'actif réel et le passif réel, la valeur de productivité et la valeur tirée de la marge brute d'autofinancement ; qu'elle a finalement accepté de porter à 964 F par part l'évaluation, plus favorable aux contribuables, de la valeur vénale, correspondant à la valeur d'apport des titres à la société holding Marmajou le 18 janvier 1993 qu'avait validée un commissaire aux apports ; que la cour, qui a répondu de manière précise aux critiques de la requérante qui portaient sur la valeur vénale du terrain appartenant à la société sur lequel se trouvait implantée l'entreprise, sur la prise en compte dans les résultats des années 1990 à 1993 d'une partie des salaires versés aux gérants et d'indemnités de licenciement, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'administration par la combinaison de ces différentes méthodes établissait que le prix de cession excédait significativement la valeur vénale du titre et en jugeant implicitement mais nécessairement que le chiffre qu'elle proposait était aussi voisin que possible de celui qu'aurait entrainé le jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue ;

Sur les motifs de l'arrêt en tant qu'il statue sur l'intention libérale :

Considérant que la cour a relevé, par une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, que les circonstances du dossier ne suffisaient pas à renverser la présomption d'intention libérale que créaient les liens familiaux unissant les parties au litige et en a déduit, sans commettre d'erreur de droit, ni insuffisamment motiver son arrêt, que l'administration en faisant état des liens familiaux unissant Mme A aux associés de la société holding qui lui a racheté ses parts, devait être regardée comme apportant la preuve de l'intention des parties respectivement de recevoir et de consentir une libéralité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme A doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Pierrette A, épouse B et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 jui. 2010, n° 308020
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 23/07/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 308020
Numéro NOR : CETATEXT000022512917 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-07-23;308020 ?
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