Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 13 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 février 2008 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant que celui-ci, faisant droit pour partie à la demande de M. Régis A, a condamné l'Etat à verser à l'intéressé la somme de 3 841,04 euros correspondant à la prise en charge de frais de changement de résidence au titre de sa concubine, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 89-271 du 12 avril 1989 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christine Allais, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Régis A, inspecteur du Trésor public, affecté dans le département de la Martinique à compter du 1er septembre 2004, a sollicité une prise en charge complémentaire de frais de changement de résidence d'un montant de 3 841,04 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire des frais de transport de mobilier de sa concubine, sur le fondement du décret du 12 avril 1989 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais de changements de résidence des personnels civils à l'intérieur des départements d'outre-mer, entre la métropole et ces départements, et pour se rendre d'un département d'outre-mer à un autre ; que l'administration a rejeté cette demande par une décision du 15 octobre 2004 ; qu'à la suite d'un recours hiérarchique contre cette décision, resté sans réponse, l'intéressé a saisi le tribunal administratif de Fort-de-France, le 31 janvier 2005, d'un recours de plein contentieux tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser, d'une part, une somme de 3 841,04 euros correspondant aux frais de changement de résidence qu'il estimait lui être dus au titre de sa concubine, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation et, d'autre part, une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que par un jugement du 14 février 2008, le tribunal administratif a rejeté cette demande de dommages et intérêts, mais fait droit aux autres conclusions de M. A ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT se pourvoit en cassation contre ce jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. A la somme de 3 841,04 euros, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 12 avril 1989, dans sa rédaction applicable au présent litige : Pour l'application du présent décret, sont considérés comme : (...) 3. Mariés, concubins ou partenaires d'un pacte civil de solidarité : les époux, concubins ou partenaires d'un pacte civil de solidarité au sens respectivement des articles 213, 515-8 et 515-1 du code civil (...) 4. Membres de la famille : à condition qu'ils vivent habituellement sous le toit de l'agent, le conjoint, le concubin ou le partenaire d'un pacte civil de solidarité (...) ; qu'aux termes de l'article 17 du même décret : L'agent qui change de résidence peut prétendre à la prise en charge des frais qui en résultent pour lui-même à la condition que ces frais n'aient pas été pris en charge par l'employeur de son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité. / L'agent peut, en outre, à la même condition, prétendre à la prise en charge des frais : / 1. De son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité, si l'une ou l'autre des deux conditions suivantes est remplie : / a) Les ressources personnelles du conjoint, du concubin ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité sont inférieures au traitement soumis à retenues pour pension afférent à l'indice brut 340 ; / b) Le total des ressources personnelles du conjoint, du concubin ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité et du traitement brut de l'agent n'excède pas trois fois et demie le traitement soumis à retenues pour pension afférent à l'indice brut 340. / 2. Des autres membres de sa famille visés à l'article 5 ci-dessus. (...) ;
Considérant que les dispositions précitées de l'article 17 du décret du 12 avril 1989 réservent aux membres de la famille de l'agent, définie par les dispositions de l'article 5 du même décret, la prise en charge des frais liés au changement de résidence ; qu'en vertu de l'article 5 du décret, le conjoint, le concubin ou le partenaire de pacte civil de solidarité ne sont considérés comme membres de la famille de l'agent pour l'application du décret que s'ils vivent habituellement sous le toit de l'agent ;
Considérant, par suite, qu'en jugeant que les attestations certifiant la communauté de vie de M. A et de sa concubine depuis le 13 avril 2004 et le contrat de location d'un appartement en Martinique souscrit conjointement par les intéressés le 1er septembre 2004 rendaient M. A éligible à la prise en charge des frais de changement de résidence de sa concubine, en application des dispositions de l'article 17 du décret du 12 avril 1989, sans rechercher si les intéressés satisfaisaient à la condition de résidence habituelle commune prévue par les dispositions précitées, le tribunal administratif de Fort-de-France a commis une erreur de droit ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que celui-ci a condamné l'Etat à verser à M. A la somme de 3 841,04 euros, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation, correspondant aux frais de changement de résidence qu'il estimait lui être dus au titre de sa concubine ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 14 février 2008 est annulé en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. A la somme de 3 841,04 euros, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Fort-de-France.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Régis A.