Vu le pourvoi du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, enregistré le 6 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 11 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement du 16 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du préfet de l'Essonne des 10 janvier et 21 décembre 2005 refusant l'éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des dépenses d'investissement relatives aux marchés communaux engagées par la commune de Brunoy ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier Domino, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la commune de Brunoy,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la commune de Brunoy ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 10 janvier 2005, le préfet de l'Essonne a refusé d'attribuer à la commune de Brunoy, au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, les sommes de 35 011,48 euros et de 792 050,84 euros pour l'année 2002 correspondant à des travaux de réhabilitation et de mise aux normes des marchés des Bosserons et du Centre et Donjon, dont la gestion est confiée à l'entreprise Les fils de Mme Géraud dans le cadre d'une délégation de service public ; que, par une décision du 21 décembre 2005, le préfet de l'Essonne a également refusé d'attribuer à la commune une somme de 473 635,56 euros au même titre pour l'année 2003, pour des dépenses d'investissement de même nature au marché des Bosserons ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il a interjeté du jugement du 16 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé ces décisions ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales : Les ressources du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales comprennent les dotations budgétaires ouvertes chaque année par la loi et destinées à permettre progressivement le remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses réelles d'investissement ; qu'aux termes de l'article L. 1615-7 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : Les immobilisations cédées ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, ne peuvent donner lieu à une attribution dudit fonds ; qu'il ressort tant des travaux préparatoires que des circonstances qui ont présidé à l'adoption du III de l'article 42 de la loi du 29 décembre 1988 dont sont issues ces dispositions que, par mise à disposition au profit d'un tiers , le législateur a entendu viser les seuls cas où les conditions dans lesquelles une immobilisation est remise ou confiée par la collectivité ou l'établissement qui l'a réalisée à un tiers, non bénéficiaire du fonds de compensation, font apparaître que l'investissement a principalement eu pour objet ou pour effet d'avantager ce tiers ; que la notion de mise à disposition au profit d'un tiers a conservé, lors de l'entrée en vigueur de l'article 49 de la loi du 30 décembre 1993, qui a prévu des exceptions temporaires au principe de non-éligibilité des immobilisations cédées ou mises à disposition, la portée qui lui avait été donnée initialement par le législateur ;
Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article R. 1615-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : Ne figurent pas au nombre des dépenses réelles d'investissement ouvrant droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée : / [...] 4° Les dépenses concernant les biens concédés ou affermés dans les conditions prévues par l'article 216 ter de l'annexe II du code général des impôts ; qu'aux termes de l'article 216 bis de l'annexe II au code général des impôts dans sa version alors en vigueur : La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé certains biens constituant des immobilisations et utilisés pour la réalisation d'opérations soumises à cette même taxe peut être déduite, dans les conditions et suivant les modalités prévues par les articles 216 ter et 216 quater, par l'entreprise utilisatrice qui n'en est pas elle-même propriétaire. , et qu'aux termes de l'article 216 ter de la même annexe, dans sa version alors en vigueur : La taxe déductible est celle afférente : / [...] 1° aux investissements publics que l'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics ont concédés ou affermés [...] ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si le recours d'une collectivité publique aux services d'un délégataire n'est pas de nature à constituer une mise à disposition d'un bien au profit d'un tiers, et ne saurait légalement justifier à lui seul l'exclusion des dépenses relatives à ce bien du champ des dépenses ouvrant droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, sont toutefois exclues de ce champ les dépenses relatives à des biens concédés ou affermés dans les conditions prévues par l'article 216 ter de l'annexe II au code général des impôts, c'est-à-dire, celles qui peuvent faire l'objet d'une déduction de taxe par l'entreprise concessionnaire ou fermière, qu'une telle déduction ait été ou non effectuée et que la somme correspondante ait été ou non reversée par le concessionnaire ou le fermier à la personne publique contractante ;
Considérant dès lors qu'en jugeant que le préfet n'était pas légalement fondé à refuser de regarder les dépenses litigieuses comme éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au seul motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier, notamment du contrat d'affermage conclu le 22 octobre 1985, que la taxe sur la valeur ajoutée déduite par la société Les Fils de Mme Géraud ait été reversée à la commune de Brunoy, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Brunoy demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 11 décembre 2008 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Brunoy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à la commune de Brunoy.