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30/07/2010 | FRANCE | N°293478

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 30 juillet 2010, 293478


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 15 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE VELECLAIR, représentée par Me Chavanne de Dalmassy en sa qualité de mandataire judiciaire, demeurant 3, place Mezirard à Dreux (28100) ; la SOCIETE VELECLAIR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 février 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur son appel tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande

tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée don...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 15 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE VELECLAIR, représentée par Me Chavanne de Dalmassy en sa qualité de mandataire judiciaire, demeurant 3, place Mezirard à Dreux (28100) ; la SOCIETE VELECLAIR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 février 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, sur son appel tendant à l'annulation du jugement du 14 octobre 2003 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estime disposer au 31 décembre 1997 et à ce que soit accordé le remboursement demandé, d'une part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE VELECLAIR à concurrence de la somme de 399 786,50 euros et, d'autre part, rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE VELECLAIR,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Odent, avocat de la SOCIETE VELECLAIR ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours des années 1992 à 1995, la SOCIETE VELECLAIR a importé des bicyclettes qu'elle a déclarées comme provenant du Viet-Nam ; que l'administration des douanes, estimant qu'elles avaient en réalité été fabriquées en Chine a, d'une part, dressé des procès-verbaux pour fausse déclaration d'origine à l'importation et assujetti la société requérante à des droits de douane et à des droits anti-dumping d'un montant de près de 4 millions d'euros, eux-mêmes assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation pour un montant de 735 437 euros ; que l'administration des douanes a, d'autre part, informé l'administration fiscale que cette taxe n'avait pas été acquittée ; que, par une ordonnance du 12 février 1999, le juge commissaire a constaté la forclusion de cette créance, au motif qu'elle n'avait pas été déclarée à titre définitif dans les douze mois de la publication du redressement judiciaire de la SOCIETE VELECLAIR ; que cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 17 février 2000 ; que le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt par l'administration a été rejeté par la Cour de cassation le 8 juillet 2003 ; que la SOCIETE VELECLAIR a formé une demande de remboursement, à hauteur de 723 503,37 euros, du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle s'estimait titulaire au 31 décembre 1997 à raison du rehaussement de taxe sur la valeur ajoutée à l'importation opéré par l'administration des douanes ; que cette demande a été rejetée par l'administration fiscale au motif que le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation était subordonné à son paiement préalable par le redevable ; que la société a contesté en vain cette décision devant le tribunal administratif d'Orléans ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 février 2006 de la cour administrative d'appel de Nantes qui, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer à concurrence d'une somme de 399 786,50 euros, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement et au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 323 716,87 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 : "1. Sont considérés comme : (...) / b) exigibilité de la taxe : le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d'un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté. / 2. Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée (...) / 3. Le fait générateur a lieu et la taxe devient exigible au moment où l'importation du bien est effectuée (...)" ; qu'aux termes de l'article 17 de la même directive : "1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. / 2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : (...) / b) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés (...)" ; qu'aux termes de son article 18 : "1. Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l'assujetti doit : (...) / b) pour la déduction visée à l'article 17 paragraphe 2 sous b), détenir un document constatant l'importation qui le désigne comme destinataire ou importateur et qui mentionne ou permet de calculer le montant de la taxe due (...). / 2. La déduction est opérée globalement par l'assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu du paragraphe 1, au cours de la même période (...)" ; qu'enfin, aux termes de son article 21 : "La taxe sur la valeur ajoutée est due : (....) / 2. à l'importation : par la ou les personnes désignées ou reconnues par l'Etat membre d'importation" ;

Considérant qu'aux termes de l'article 293 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au 31 décembre 1997 : "A l'importation, le fait générateur se produit et la taxe devient exigible au moment où le bien est considéré comme importé, au sens du 2 du I de l'article 291 (...). / La taxe doit être acquittée par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d'importation (...)" ; qu'aux termes du 2 du I de l'article 291 du même code : "Est considérée comme importation d'un bien : / a. l'entrée en France d'un bien, originaire ou en provenance d'un Etat ou d'un territoire n'appartenant pas à la Communauté européenne et qui n'a pas été mis en libre pratique (...)" ; que selon le 1 du II de l'article 271 du code général des impôts : "Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon les cas : (...) / b. celle qui est perçue à l'importation (...)" ;

Considérant que la SOCIETE VELECLAIR soutient que l'administration ne pouvait subordonner l'exercice de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation dont elle était redevable au paiement de cette taxe ; qu'elle fait à cet égard valoir que les dispositions du b du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts, en tant qu'elles prévoient que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation est conditionné par sa perception effective par l'administration et non par sa seule exigibilité, est incompatible avec les dispositions du paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la sixième directive ;

Considérant que pour apprécier le bien-fondé de ce moyen, il y a lieu de déterminer si le paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la sixième directive permet à un Etat membre de subordonner le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation, compte tenu notamment des risques de fraude, au paiement effectif de cette taxe par le redevable, lorsque le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation et le titulaire du droit à déduction correspondant sont, comme en France, la même personne ;

Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat ; qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le pourvoi de la SOCIETE VELECLAIR ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il est sursis à statuer sur le pourvoi présenté par la SOCIETE VELECLAIR jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : le paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la sixième directive permet-il à un Etat membre de subordonner le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation, compte tenu notamment des risques de fraude, au paiement effectif de cette taxe par le redevable, lorsque le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation et le titulaire du droit à déduction correspondant sont, comme en France, la même personne '

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE VELECLAIR, au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 293478
Date de la décision : 30/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - RENVOI PRÉJUDICIEL À LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - CONDITIONS DE DÉDUCTION DE LA TVA À L'IMPORTATION (ART - 17 - §2 - B DE LA SIXIÈME DIRECTIVE) - POSSIBILITÉ POUR LES ETATS MEMBRES DE SUBORDONNER CETTE DÉDUCTION À LA PERCEPTION EFFECTIVE DE CETTE TAXE - QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE.

15-03-02-01 Il découle du b) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts (CGI) que les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) peuvent opérer la déduction de la taxe qui est perçue à l'importation. Moyen tiré de ce que ces dispositions, en tant qu'elles prévoient que le droit à déduction de la TVA à l'importation est conditionné par sa perception effective par l'administration et non par sa seule exigibilité, sont incompatibles avec les dispositions du paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 (sixième directive), qui prévoient la faculté de déduire la taxe due ou acquittée pour les biens importés. Pour apprécier le bien-fondé du moyen, il y a lieu de déterminer si ces dispositions de la sixième directive permettent à un Etat membre de subordonner le droit à déduction de la TVA à l'importation, compte tenu notamment des risques de fraude, au paiement effectif de cette taxe par le redevable, lorsque le redevable de la TVA à l'importation et le titulaire du droit à déduction correspondant sont, comme en France, la même personne. Cette question présentant une difficulté sérieuse est renvoyée, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - FISCALITÉ - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - CONDITIONS DE DÉDUCTION DE LA TVA À L'IMPORTATION (ART - 17 - §2 - B DE LA SIXIÈME DIRECTIVE) - POSSIBILITÉ POUR LES ETATS MEMBRES DE SUBORDONNER CETTE DÉDUCTION À LA PERCEPTION EFFECTIVE DE CETTE TAXE - QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE.

15-05-11-01 Il découle du b) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts (CGI) que les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) peuvent opérer la déduction de la taxe qui est perçue à l'importation. Moyen tiré de ce que ces dispositions, en tant qu'elles prévoient que le droit à déduction de la TVA à l'importation est conditionné par sa perception effective par l'administration et non par sa seule exigibilité, sont incompatibles avec les dispositions du paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 (sixième directive), qui prévoient la faculté de déduire la taxe due ou acquittée pour les biens importés. Pour apprécier le bien-fondé du moyen, il y a lieu de déterminer si ces dispositions de la sixième directive permettent à un Etat membre de subordonner le droit à déduction de la TVA à l'importation, compte tenu notamment des risques de fraude, au paiement effectif de cette taxe par le redevable, lorsque le redevable de la TVA à l'importation et le titulaire du droit à déduction correspondant sont, comme en France, la même personne. Cette question présentant une difficulté sérieuse est renvoyée, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DÉDUCTIONS - CONDITIONS DE LA DÉDUCTION - DÉDUCTIBILITÉ DE LA TVA À L'IMPORTATION SUBORDONNÉE À SA PERCEPTION EFFECTIVE PAR L'ADMINISTRATION (ART - 271 - II - 1 - B DU CGI) - COMPATIBILITÉ AVEC LES DISPOSITIONS DE LA SIXIÈME DIRECTIVE (ART - 17 - §2 - B) - QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE.

19-06-02-08-03-02 Il découle du b) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts (CGI) que les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) peuvent opérer la déduction de la taxe qui est perçue à l'importation. Moyen tiré de ce que ces dispositions, en tant qu'elles prévoient que le droit à déduction de la TVA à l'importation est conditionné par sa perception effective par l'administration et non par sa seule exigibilité, sont incompatibles avec les dispositions du paragraphe 2 sous b) de l'article 17 de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 (sixième directive), qui prévoient la faculté de déduire la taxe due ou acquittée pour les biens importés. Pour apprécier le bien-fondé du moyen, il y a lieu de déterminer si ces dispositions de la sixième directive permettent à un Etat membre de subordonner le droit à déduction de la TVA à l'importation, compte tenu notamment des risques de fraude, au paiement effectif de cette taxe par le redevable, lorsque le redevable de la TVA à l'importation et le titulaire du droit à déduction correspondant sont, comme en France, la même personne. Cette question présentant une difficulté sérieuse est renvoyée, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).


Publications
Proposition de citation : CE, 30 jui. 2010, n° 293478
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:293478.20100730
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