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30/07/2010 | FRANCE | N°309038

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 30 juillet 2010, 309038


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 21 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Helmut A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 septembre 2004 du tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 21 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Helmut A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 septembre 2004 du tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale mis à sa charge au titre des années 1992 à 1997 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête devant la cour administrative d'appel de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Odent, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Odent, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, dirigeant de la société Plasco, dont le siège est à Huningue (Haut-Rhin), a fait l'objet de poursuites pénales pour abus de biens sociaux commis pendant les années 1992 à 1997 ; qu'en cours d'instruction, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Mulhouse a transmis aux services fiscaux, en application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, des rapports du service régional de police judiciaire et d'un expert judiciaire révélant la prise en charge par la société Plasco de dépenses engagées par M. A dans son intérêt personnel ou au profit de son entourage ; que sur le fondement des éléments ainsi recueillis, confirmés par les constatations opérées dans le cadre d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au cours des années 1996 à 1999, l'administration fiscale a notifié à M. A des redressements en matière d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale au titre des années 1992 à 1997 s'élevant au total à 320 686,72 euros, assortis de pénalités pour un montant de 272 883,89 euros ; qu'à la suite du rejet de ses réclamations, M. A a contesté ces redressements devant la juridiction administrative ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 septembre 2004 du tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires et des pénalités correspondantes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ; qu'en se fondant, pour juger que le vérificateur avait donné à M. A des indications suffisantes sur les motifs des redressements litigieux pour lui permettre de faire valoir utilement ses observations, sur ce que la notification de redressements adressée à M. A mentionnait, par catégorie et pour chacune des années d'imposition concernées, le montant des dépenses d'ordre privé que le vérificateur envisageait de rapporter au revenu imposable de M. A dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions de l'article 111 du code général des impôts relatives aux rémunérations et avantages occultes, la cour administrative d'appel, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;

Considérant qu'en déduisant de la circonstance que la notification de redressements adressée au contribuable mentionnait les dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, en vertu desquelles des rémunérations et avantages occultes constituent pour leur bénéficiaire des revenus distribués imposables sur le fondement de ces dispositions, que le vérificateur avait donné des indications suffisantes sur les motifs des redressements correspondants pour permettre au contribuable de faire valoir utilement ses observations, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que si M. A soutient que la qualification de frais strictement personnels que le prévenu a fait supporter à la SA Plasco pendant la période considérée n'a été revêtue de l'autorité de la chose jugée qu'après le prononcé du jugement du 30 mai 2002 du tribunal correctionnel de Mulhouse, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a pu elle-même déduire cette qualification des éléments rassemblés dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SA Plasco qui ont révélé que les frais remboursés par la SA Plasco à son dirigeant concernaient pour une partie importante des dépenses strictement personnelles ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en regardant la notification de redressements du 18 août 2001 comme suffisamment motivée ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales : Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; que si ces dispositions prévoient que cette possibilité de reprise doit nécessairement s'opérer avant la fin de l'année suivant la décision de justice, elles ne font pas obstacle à ce qu'elle soit mise en oeuvre avant l'intervention de cette décision ; qu'ainsi, la cour, après avoir relevé d'une part, que l'instance pénale devant le tribunal correctionnel de Mulhouse à l'encontre du requérant avait été ouverte en 1997 et d'autre part, que la notification de redressements du 18 août 2000 concernant les impositions au titre des années 1992 à 1996 était intervenue avant la fin de l'instance pénale, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les impositions en litige avaient été régulièrement établies avant l'expiration du délai de reprise prévu par les dispositions précitées de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales ont pour objet, dans les limites qu'elles prévoient, de relever l'administration de la prescription propre à la loi fiscale résultant de l'application des dispositions de l'article L. 169 du même livre ; que, dès lors, les dispositions de l'article L. 170, qui régissent les règles de prescription fiscale, ne sont pas affectées par la prescription de l'action pénale à l'encontre des mêmes faits ; que par suite, le moyen tiré de ce que la cour ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, valider les impositions supplémentaires mises à la charge de M. A au titre des années 1992 et 1993, alors que le régime de prescription du délit d'abus de biens sociaux faisait obstacle à ce que l'intéressé fût poursuivi pour des faits commis pendant cette période ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. les rémunérations et avantages occultes (...) ; qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ; qu'en relevant que, si la société Plasco avait inscrit en comptabilité l'ensemble des frais remboursés à M. A, y compris en ce qui concerne la part de ces sommes correspondant à des dépenses à caractère strictement personnel, cette inscription, qui ne répondait pas à l'exigence d'une comptabilisation explicite des avantages en nature au sens des dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts, ne faisait pas obstacle à ce que les sommes versées au requérant fussent qualifiées de rémunérations et avantages occultes au sens des dispositions précitées de l'article 111 du même code, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

Considérant qu'en estimant qu'eu égard aux fonctions de dirigeant exercées par M. A dans la société Plasco et à la nature des sommes en litige, l'administration devait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme établissant l'intention délibérée d'éluder l'impôt de la part du requérant, qui ne pouvait ignorer ni l'existence des avantages occultes dont il a bénéficié et au titre desquels il demandait systématiquement le remboursement de ses frais, ni le fait que les sommes dont il s'agit étaient imposables entre ses mains et auraient dû être déclarées, la cour a porté sur le faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; qu'en déduisant de ces constatations que les redressements mis à la charge de M. A avaient été à bon droit assortis des pénalités pour mauvaise foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a exactement qualifié les faits de la cause ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Helmut A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 jui. 2010, n° 309038
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/07/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 309038
Numéro NOR : CETATEXT000022657157 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-07-30;309038 ?
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