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10/09/2010 | FRANCE | N°341063

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 10 septembre 2010, 341063


Vu l'ordonnance du 21 juin 2010, enregistrée le 30 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le vice-président de la 1ère section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la SCI BENOIT DU LOUROUX tendant à la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 à raison d'un immeuble situé 1, rue Saint-Eleuthère à Paris (75018), a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958

, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux d...

Vu l'ordonnance du 21 juin 2010, enregistrée le 30 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le vice-président de la 1ère section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la SCI BENOIT DU LOUROUX tendant à la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 à raison d'un immeuble situé 1, rue Saint-Eleuthère à Paris (75018), a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l'article 1389 du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts notamment son article 1389 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que la SCI BENOIT DU LOUROUX soutient devant le Conseil d'Etat que les dispositions du I de l'article 1389 du code général des impôts méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et portent atteinte au droit de propriété ainsi qu'à l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ;

Considérant, en premier lieu, que la question de l'atteinte portée par les dispositions contestées au droit de propriété énoncé aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'a pas été soumise au tribunal administratif et ne peut être présentée pour la première fois devant le Conseil d'Etat, saisi, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une ordonnance de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels ;

Considérant, en deuxième lieu, que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1389 du code général des impôts : "I. Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin. / Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée (...) ; que ces dispositions subordonnent le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties à la condition, notamment, que la vacance de l'immeuble normalement destiné à la location ou l'inexploitation de l'immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel soit indépendante de la volonté du propriétaire ; que le caractère contraignant de la vacance s'apprécie eu égard aux circonstances dans lesquelles cette vacance est intervenue et aux démarches accomplies par le propriétaire, selon les possibilités qui lui étaient offertes, en fait comme en droit, pour la prévenir ou y mettre fin ; que ces dispositions se fondent ainsi sur un critère objectif prenant en compte, au regard de l'objet de la loi, la différence de situation du contribuable, selon qu'il ne peut plus donner le logement en location ou exploiter l'immeuble industriel ou commercial malgré les diligences qu'il a entreprises en raison d'une circonstance indépendante de sa volonté ou qu'il effectue en toute connaissance de cause le choix de conserver en l'état ce local d'habitation impropre à la location ou cet immeuble inexploité ; que, dès lors, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI BENOIT DU LOUROUX, au Premier ministre et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Paris.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

54-10-02 PROCÉDURE. - QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ TRANSMISE AU CONSEIL D'ETAT PAR UNE JURIDICTION - RECEVABILITÉ DEVANT LE CONSEIL D'ETAT DE NOUVEAUX MOYENS D'INCONSTITUTIONNALITÉ - ABSENCE [RJ1] - NÉCESSITÉ, LORSQUE LE JUGE ENTEND OPPOSER D'OFFICE UNE TELLE IRRECEVABILITÉ, D'EN INFORMER PRÉALABLEMENT LES PARTIES AFIN DE LES METTRE À MÊME D'EN DÉBATTRE (ART. R. 611-7 DU CJA) - ABSENCE (SOL. IMPL.).

54-10-02 La question de la méconnaissance par les dispositions législatives contestées du droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'a pas été soumise au tribunal administratif et ne peut être présentée pour la première fois devant le Conseil d'Etat, saisi, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, d'une ordonnance de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels. Le Conseil d'Etat, lorsqu'il entend opposer une telle irrecevabilité alors que le défendeur à la question prioritaire de constitutionnalité ne s'en prévaut pas, n'est pas tenu d'en informer préalablement les parties afin de les mettre à même d'en débattre en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative (CJA).


Références :

[RJ1]

Cf. 16 juillet 2010, Sté de brasseries et casinos Les Flots Bleus, n° 339292, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation: CE, 10 sep. 2010, n° 341063
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 10/09/2010
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 341063
Numéro NOR : CETATEXT000022825778 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-09-10;341063 ?
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