La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2010 | FRANCE | N°338121

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 22 septembre 2010, 338121


Vu, 1° sous le n° 338121, le déféré, enregistré le 30 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ; le PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, demande au Conseil d'Etat la rectification pour erreur matérielle des résultats des opérations électorales qui se sont déroulées dans la région Limousin le 21 mars 2010 en vue de l'élection des membres du conseil régional ;

Vu, 2° sous le n° 338181, la protestation, enregistrée le 31 mars 2010 au secrétariat du contentieux

du Conseil d'Etat, présentée par M. Raymond F, demeurant ... ; M. F demand...

Vu, 1° sous le n° 338121, le déféré, enregistré le 30 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ; le PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, demande au Conseil d'Etat la rectification pour erreur matérielle des résultats des opérations électorales qui se sont déroulées dans la région Limousin le 21 mars 2010 en vue de l'élection des membres du conseil régional ;

Vu, 2° sous le n° 338181, la protestation, enregistrée le 31 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Raymond F, demeurant ... ; M. F demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées dans la région Limousin le 21 mars 2010 pour l'élection des membres du conseil régional ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu, 3° sous le n° 338373, la protestation, enregistrée le 6 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Hélène H, demeurant ... ; Mme H demande au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 21 mars 2010 dans la commune de Saint-Priest-Taurion pour l'élection des membres du conseil régional du Limousin ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral :

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

Considérant que le déféré du PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, et les protestations de M. F et de Mme H concernent les mêmes opérations électorales qui se sont déroulées le 21 mars 2010 en vue de la désignation des membres du conseil régional du Limousin ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la recevabilité de la protestation de Mme H :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 361 du code électoral : Les élections au conseil régional peuvent être contestées dans les dix jours suivant la proclamation des résultats par tout candidat ou tout électeur de la région devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la protestation de Mme H n'a été postée que le 1er avril 2010 et a été enregistrée le 6 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, soit après l'expiration du délai de dix jours prévu par les dispositions de l'article L. 361 du code électoral ; qu'elle est donc tardive et, par suite, irrecevable ;

Sur le déféré du PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE :

Considérant que l'article L. 338 du code électoral prévoit une répartition des sièges entre listes concurrentes selon une méthode attribuant le quart des sièges à pourvoir à la liste arrivée en tête puis une répartition à la proportionnelle des sièges restants ; qu'en vertu de l'article L. 338-1 du même code, les sièges attribués à chaque liste sont répartis entre les sections départementales qui la composent au prorata des voix obtenues par la liste dans chaque département ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté que le nombre des suffrages obtenus par la liste La France change, le Limousin doit changer aussi, tel qu'il ressort du procès-verbal du recensement des votes dans la commune de Saint-Hilaire-les-Places, a été à tort attribué à la liste Limousin terre de gauche, unis pour la justice sociale, l'écologie et la démocratie , lors du report sur le procès-verbal du recensement des votes émis dans le département de la Haute-Vienne, le nombre de suffrages obtenus par la seconde liste étant, à l'inverse, attribué à tort à la première ; que cette erreur a été reprise dans le procès-verbal du recensement général des votes émis dans la région Limousin établi par la commission prévue à l'article L. 359 du code électoral ; qu'il y a lieu de rectifier en conséquence les énonciations erronées de ces deux procès-verbaux en ajoutant cinquante voix au nombre de suffrages exprimés pour la liste La France change, le Limousin doit changer aussi dans le département et la région et en retirant le même nombre de voix au nombre des suffrages exprimés en faveur de la liste Limousin terre de gauche, unis pour la justice sociale, l'écologie et la démocratie ; que cette rectification ne modifie pas l'attribution, selon les modalités rappelées ci-dessus, des quarante-deux premiers sièges de conseillers régionaux aux trois listes en présence au second tour de scrutin ; que, pour l'attribution du quarante-troisième et dernier siège, la moyenne de la liste Limousin terre d'avenir s'établit à 8 801,63, et celle de la liste La France change, le Limousin doit changer aussi , à 8 803,45 ; que, sur ces bases, le quarante-troisième siège devrait, comme le relève le PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, être attribué, selon la méthode de la plus forte moyenne, à M. L, candidat de la liste La France change, le Limousin doit changer aussi et non à Mme Dominique M, candidate de la liste Limousin terre d'avenir ;

Mais considérant qu'il y a lieu de vérifier si, eu égard aux griefs soulevés par M. F dans sa protestation enregistrée sous le n° 338181, il y a lieu de remettre en cause l'ensemble des résultats du scrutin du 21 mars 2010 ou, à défaut, l'attribution du seul quarante-troisième et dernier siège de conseiller régional ;

Sur la protestation de M. F :

Considérant, en premier lieu, que, si M. F soutient que la liste La France change, le Limousin doit changer aussi a été privée à tort de cinquante voix en raison d'une erreur commise lors du report sur le procès-verbal du recensement des votes émis dans le département de la Haute-Vienne du nombre de voix qu'elle a obtenues dans la commune de Saint-Hilaire-les-Places lors du scrutin du 21 mars 2010, cette erreur matérielle doit seulement donner lieu à la rectification demandée par le préfet de la région Limousin, préfet de la Haute-Vienne, dans les conditions indiquées ci-dessus ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 64 du même code : Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d'impossibilité dûment reportée sur la liste d'émargement ; qu'ainsi, la constatation d'un vote par l'apposition, sur la liste d'émargement, soit d'une croix, soit d'une signature qui présente des différences significatives entre les deux tours du scrutin sans qu'il soit fait mention d'un vote par procuration, ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité de ce vote ; qu'il en va de même de la constatation d'un vote par l'apposition sur la liste d'émargement d'une signature qui s'avère identique à l'émargement figurant en regard du nom d'un autre électeur pour le même tour de scrutin, sans qu'il soit fait mention d'un vote par procuration ;

Considérant que les croix figurant sur les listes d'émargement sous les numéros 96, 123 et 301 du bureau de vote n° 1 de la commune d'Oradour-sur-Vayres, sous les numéros 1015 du bureau de vote n° 1 et 99 du bureau de vote n° 2 de la commune de Bessines-sur-Gartempe, sous le n° 508 du bureau de vote de la commune de La Croisille-sur-Briance et sous le numéro 326 du bureau de vote de la commune de Champagnac La Rivière, sans que soit mises en oeuvre les dispositions de l'article L. 64 du code électoral, ne peuvent être regardées comme garantissant l'authenticité de ces votes ;

Considérant, par ailleurs, que les signatures figurant sur les listes d'émargement sous les numéros 170, 692 et 693 du bureau de vote n° 1 de la commune de Bessines-sur-Gartempe, sous les numéros 284 et 634 du bureau de vote de la commune de La Meyze et sous le numéro 168 du bureau de vote de la commune de Champsac présentent, sans explication, des différences significatives entre les deux tours de scrutin ; que ces émargements ne peuvent être regardés comme attestant le vote des électeurs en cause dans les conditions fixées par les dispositions des articles L. 62-1 et L. 64 du code électoral ;

Considérant, enfin, que, pour les électeurs figurant sur les listes d'émargement sous les numéros 203 et 204 du bureau de vote n° 1 de la commune de La Croisille-sur-Briance, sous les numéros 356 et 357 du bureau de vote de la commune de Champsac, sous les numéros 39 et 40 du bureau de vote n° 1 de la commune de La Porcherie et sous les numéros 349 et 350 du bureau de vote n° 1 de la commune de Pierre-Buffière, des signatures identiques sont portées en face des noms d'électeurs différents, sans mention d'une procuration ; que ces émargements ne peuvent être regardés comme attestant le vote des électeurs en cause dans les conditions fixées par les dispositions des articles L. 62-1 et L. 64 du code électoral ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que vingt-et-une signatures figurant sur les listes d'émargement de huit communes de la Haute-Vienne ne peuvent être regardées comme attestant le vote des électeurs en cause ; que ces irrégularités n'ont pu, compte tenu de l'écart des voix entre les listes en présence au second tour, affecter l'attribution des quarante-deux premiers sièges de conseiller régional ; qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer l'annulation de l'élection dans son ensemble ; qu'en revanche, ces irrégularités sont de nature à avoir faussé l'attribution du quarante-troisième et dernier siège de conseiller régional selon la règle de la plus forte moyenne ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce quarante-troisième siège ne peut être attribué avec certitude, selon la méthode de la plus forte moyenne, à M. L, comme il aurait dû l'être, ainsi qu'il a été dit, après la seule rectification de l'erreur commise dans l'établissement des procès-verbaux de recensement des votes, ni à aucun candidat d'une autre liste ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 360 du code électoral prévoient qu'en cas de vacance d'un siège de conseiller régional, pouvant résulter en certains cas de l'annulation d'une élection par le juge, ce siège est normalement pourvu par la désignation du candidat venant immédiatement après le dernier élu de la liste qui doit disposer de ce siège ; que, lorsque ces dispositions ne peuvent être appliquées, le siège demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement du conseil régional ; que, dans le cas de l'espèce, eu égard aux motifs conduisant à l'annulation de l'attribution du quarante-troisième siège, le juge n'est pas en mesure de proclamer élu à ce siège, à la place de Mme Dominique M, un autre candidat ; qu'il y a donc lieu pour le juge de l'élection de constater la vacance de ce siège ;

Considérant que M. F n'est, par suite, fondé à demander que l'annulation de l'attribution du quarante-troisième siège à la liste Limousin terre d'avenir et de l'élection de Mme Dominique M lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 21 mars 2010 pour la désignation des membres du conseil régional du Limousin ; que le surplus de sa protestation doit être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de faire droit au déféré du PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, tendant à la rectification de l'erreur matérielle commise lors du report des résultats des opérations électorales qui se sont déroulées le 21 mars 2010 en vue de la désignation des conseillers régionaux de la région Limousin ; que, toutefois, en raison de l'annulation de vingt-et-un suffrages pour les motifs mentionnés ci-dessus, il n'y a pas lieu d'attribuer le quarante-troisième siège de conseiller régional du Limousin ; que l'élection de Mme Dominique M en qualité de conseiller régional du Limousin doit, en conséquence, être annulée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. F sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La protestation de Mme H est rejetée.

Article 2 : Les résultats des opérations électorales qui se sont déroulées le 21 mars 2010 en vue de la désignation des conseillers régionaux de la région Limousin sont rectifiés dans les procès-verbaux de recensement des votes émis dans le département de la Haute-Vienne et dans la région Limousin conformément aux motifs de la présente décision.

Article 3 : L'attribution du quarante-troisième siège du conseil régional du Limousin à la liste Limousin terre d'avenir et l'élection de Mme Dominique M sont annulées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. F est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA REGION LIMOUSIN, PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à M. Raymond F, à Mme Hélène H, à M. Jean-Jacques E, à Mme Elisabeth G, à Mme Ghislaine B, à M. Christian C, à M. Jean-Paul D, à M. Jean-Louis I et à Mme Nicole A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 sep. 2010, n° 338121
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard

Origine de la décision
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Date de la décision : 22/09/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 338121
Numéro NOR : CETATEXT000022859555 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-09-22;338121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award