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22/09/2010 | FRANCE | N°343147

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 septembre 2010, 343147


Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed A, élisant domicile chez ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 août 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police, d'une part, de le mettre en mesure de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides

et d'examiner sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et, d'...

Vu la requête, enregistrée le 8 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mohamed A, élisant domicile chez ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 août 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police, d'une part, de le mettre en mesure de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et d'examiner sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, de lui indiquer dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir une structure à même de lui délivrer effectivement une adresse postale à laquelle il lui est possible de recevoir toute correspondance ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de procéder au réexamen de la demande de M. A dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile ; qu'en effet, les services préfectoraux ont refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'un formulaire sur lequel la demande doit être présentée, en méconnaissance des dispositions de l'article 6 § 2 de la directive 2005/85/CE et de l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ils ont refusé d'enregistrer sa demande d'asile au motif qu'il ne justifiait pas d'une domiciliation ; que les associations agréées par le préfet de police ont refusé cette domiciliation ; qu'en conséquence, M. A n'a pu être admis au séjour au titre de l'asile ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête n'est pas fondée ; qu'en effet, la connaissance de l'adresse du requérant permet, d'une part, au préfet de police de vérifier sa compétence conformément aux dispositions du 4° de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, au demandeur d'asile de recevoir toute correspondance relative à sa demande ; qu'en outre, aucune exigence particulière ne lui était imposée en matière de domiciliation ; que le requérant s'est vu remettre une liste des associations agréées pour obtenir une domiciliation postale ; qu'il n'a pas pris le soin de rechercher une association dans un autre département que Paris ; qu'il aurait aussi pu fournir une domiciliation postale auprès de son avocat, ce qu'il a pu faire pour les besoins de la procédure contentieuse ; que, par suite, la condition de la domiciliation postale ne porte pas atteinte aux garanties qui s'attachent à la mise en oeuvre du droit d'asile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Mohamed A et, d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 14 septembre 2010 à 11 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du requérant ;

- M. A ;

- les représentants de M. A ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; il soutient que les structures de domiciliation associative ont fonctionné sans interruption depuis le 7 juillet ; que M. A avait la possibilité d'obtenir une domiciliation en s'adressant à une des associations agréées ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 septembre 2010, présenté pour M. A, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient, d'une part, que la domiciliation obéit à des critères discriminatoires ; que sa pratique est donc illicite et ne peut être opposée par l'administration ; que, d'autre part, la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 oblige le préfet de département à assurer l'hébergement des demandeurs d'asile ; que le préfet de Paris ne s'est pas acquitté de cette obligation à l'égard de M. A ; qu'enfin, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ne peut se contenter d'affirmer qu'aucune interruption de la domiciliation associative n'a eu lieu depuis juillet ; qu'il lui appartient d'apporter des éléments prouvant cette prétendue continuité ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2010, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; il soutient qu'il n'y a pas eu d'interruption de la domiciliation depuis juillet ; qu'en outre, les structures de domiciliation associative ne pratiquent pas de discrimination ; qu'elles peuvent refuser certains demandeurs d'asile selon des critères de nationalité, mais qu'elles les réorientent aussitôt vers un autre site d'accueil doté des moyens d'interprétariat disponibles ; que, de plus, M. A n'apporte pas la preuve d'un refus de domiciliation à Créteil ; qu'enfin, la directive du 27 janvier 2003 ne concerne pas la domiciliation mais l'hébergement, et celui-ci ne précède pas la demande d'asile mais la suit ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité ivoirienne, entré en France le 18 juillet 2010, s'est adressé à la préfecture de police pour solliciter son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, notamment le 18 août, les services de la préfecture de police ont refusé d'examiner sa demande au motif que, contrairement aux exigences du 4° de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne justifiait pas d'une adresse de domiciliation ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite son admission au séjour au titre de l'asile en application de l'article L. 741-1 présente à l'appui de sa demande : (...) / 4° L'indication de l'adresse où il est possible de lui faire parvenir toute correspondance pendant la durée de validité de l'autorisation provisoire de séjour délivrée sur le fondement de l'article R. 742-1. Si le choix d'une adresse se porte sur celle d'une association, celle-ci doit être agréée par arrêté préfectoral. L'agrément est accordé pour une durée de trois ans renouvelable aux associations régulièrement déclarées depuis au moins trois années dont l'objet est en rapport avec l'aide ou l'assistance aux étrangers, et justifiant d'une expérience dans les domaines de l'accueil, de la prise en charge, de la domiciliation ou de l'hébergement des demandeurs d'asile, ainsi que de leur aptitude à assurer effectivement la mission de réception et de transmission des courriers adressés aux demandeurs d'asile (...) ; que ces dispositions ont pour objet de permettre le bon fonctionnement des échanges de courrier liés à la procédure de demande d'asile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour les demandeurs d'asile dépourvus d'autres solutions de domiciliation, il existe en Ile-de-France vingt-cinq centres de domiciliation associative gérés par des associations agréées, dont neuf à Paris ; que si M. A soutient, en produisant cinq attestations émanant de centres de domiciliation parisiens au cours de l'été 2010, qu'il a été dans l'impossibilité d'obtenir une adresse de domiciliation en raison de la situation de saturation de ces centres, il ne saurait en être déduit, eu égard à l'objet de la domiciliation et aux possibilités existant en Ile-de-France, que le préfet de police aurait, en refusant le dossier incomplet de M. A, porté, à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile, une atteinte manifestement illégale, notamment au regard de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ; que l'adresse de domiciliation est distincte du logement mentionné dans la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 ; que la circonstance que des associations agréées répartissent dans certains cas les demandeurs entre les centres de domiciliation en fonction de leur nationalité et des capacités d'interprétariat ne constitue pas une illégalité manifeste ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel de M. A doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Mohamed A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 343147
Date de la décision : 22/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 sep. 2010, n° 343147
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:343147.20100922
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