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24/09/2010 | FRANCE | N°338034

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 24 septembre 2010, 338034


Vu le pourvoi, enregistré le 29 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Laurence A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a refusé, d'une part, de prononcer sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 février 2010 par laquelle la directrice générale de la Caisse de garantie du logement locatif social l'a licenciée de se

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Vu le pourvoi, enregistré le 29 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Laurence A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a refusé, d'une part, de prononcer sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 10 février 2010 par laquelle la directrice générale de la Caisse de garantie du logement locatif social l'a licenciée de ses fonctions de secrétaire générale et, d'autre part, d'enjoindre la Caisse de garantie du logement locatif social de la réintégrer à ce poste ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la Caisse de garantie du logement locatif social la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de Mme Laurence A et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la Caisse de garantie du logement locatif social,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat de Mme Laurence A et à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la Caisse de garantie du logement locatif social,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la directrice de la Caisse de garantie du logement locatif social a prononcé, par une lettre du 10 février 2010, le licenciement dans l'intérêt du service de Mme A, qui exerçait les fonctions de secrétaire générale ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 23 mars 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de cette décision de licenciement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la lettre de la directrice de la Caisse de garantie du logement locatif social du 10 février 2010 ne comporte l'énoncé d'aucune des considérations de fait qui fondent la décision de licenciement prise à l'encontre de Mme A ; que, dans ces conditions, le juge des référés ne pouvait, sans erreur de droit, se borner à relever que la décision litigieuse indiquait que les raisons pour lesquelles le licenciement était envisagé avaient été évoquées lors d'un entretien préalable pour juger que n'était pas susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse le moyen tiré de ce qu'elle n'était pas suffisamment motivée ; que Mme A est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme A ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre de la directrice de la Caisse de garantie du logement locatif social du 10 février 2010 ne comporte l'énoncé d'aucune des considérations de fait qui fondent la décision de licenciement prise à l'encontre de Mme A ; que si cette lettre indique que les raisons pour lesquelles ce licenciement était envisagé ont été évoquées lors de l'entretien préalable qui s'était tenu le 26 janvier 2010, le moyen tiré par Mme A de ce que la lettre de licenciement du 10 février 2010 n'est pas suffisamment motivée paraît, en l'état de l'instruction, faire naître un doute sérieux sur sa légalité ;

Considérant, d'autre part, que la décision de licenciement litigieuse a eu pour effet de priver Mme A de la rémunération dont elle bénéficiait en qualité de secrétaire générale de la Caisse de garantie du logement locatif social et de la placer, alors même qu'elle a pu bénéficier d'une indemnité de licenciement de 6 246,25 euros et d'une allocation d'assurance chômage, dans une situation financière difficile lui causant des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ; que, dans ces circonstances, cette décision créait pour Mme A une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'il suit de là que Mme A est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision de la directrice de la Caisse de garantie du logement locatif social du 10 février 2010 prononçant son licenciement ;

Considérant que la suspension de l'exécution de la décision du 10 février 2010 prononçant le licenciement de Mme A implique nécessairement sa réintégration jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa demande d'annulation de la même décision et au plus tard jusqu'au terme de son contrat ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, la somme que demande la Caisse de garantie du logement locatif social au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la Caisse de garantie du logement locatif social, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 23 mars 2010 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du 10 février 2010 de la directrice de la Caisse de garantie du logement locatif social prononçant le licenciement de Mme A est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint à la Caisse de garantie du logement locatif social de réintégrer Mme A dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision et au plus tard jusqu'au terme de son contrat.

Article 4 : La Caisse de garantie du logement locatif social versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la Caisse de garantie du logement locatif social tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Laurence A et à la Caisse de garantie du logement locatif social.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 sep. 2010, n° 338034
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP BOUTET ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 24/09/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 338034
Numéro NOR : CETATEXT000022859554 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-09-24;338034 ?
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