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24/09/2010 | FRANCE | N°341685

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 24 septembre 2010, 341685


Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 juillet 2010, l'arrêt du 12 juillet 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, avant de statuer sur la requête de M. Patrick A tendant à l'annulation du jugement du 4 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président de l'Assemblée nationale du 12 juillet 2007 rejetant sa demande de majoration de pension en qualité de fonctionnaire handicapé à plus de 80 %, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l

'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au C...

Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 juillet 2010, l'arrêt du 12 juillet 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, avant de statuer sur la requête de M. Patrick A tendant à l'annulation du jugement du 4 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président de l'Assemblée nationale du 12 juillet 2007 rejetant sa demande de majoration de pension en qualité de fonctionnaire handicapé à plus de 80 %, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 3ème alinéa de l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de la loi n° 2006-737 du 27 juin 2006 visant à accorder une majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment le Préambule et l'article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, notamment l'article 8 ;

Vu la loi n° 2006-737 du 27 juin 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l'Assemblée nationale,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l'Assemblée nationale ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que, dans cette hypothèse, le Conseil d'Etat est régulièrement saisi et se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise, quelle que soit l'interprétation que cette juridiction en a donnée dans sa décision de transmission ; que, par suite, l'Assemblée nationale ne peut utilement soutenir ni que le Conseil d'Etat ne serait pas valablement saisi de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A devant la cour administrative d'appel de Paris, que cette dernière lui a transmise, aux motifs que la cour en aurait dénaturé la portée, de sorte que la question transmise devrait être regardée comme ayant été soulevée d'office par elle, ni que la cour n'aurait pas rempli son office, dès lors qu'elle ne se serait pas prononcée sur le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle lui était posée et que son arrêt de transmission n'identifierait pas les droits et libertés garantis par la Constitution invoqués ;

Considérant que M. A, agent de l'Assemblée nationale admis à la retraite, soutient, pour contester le refus opposé à sa demande tendant au bénéfice de la majoration de pension prévue, pour les fonctionnaires d'Etat lourdement handicapés, par la loi du 27 juin 2006, que le 3ème alinéa de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui prévoit que leurs agents titulaires sont des fonctionnaires de l'Etat dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le bureau de l'assemblée intéressée, et la loi du 27 juin 2006, en tant qu'elle ne s'applique pas aux agents des assemblées parlementaires, portent atteinte au principe d'égalité, en privant ces agents de l'avantage institué par cette loi, et méconnaissent le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; que, par ailleurs, il soutient que le 3ème alinéa de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 méconnaît le droit au recours juridictionnel effectif, en prévoyant seulement que la juridiction administrative connaît des litiges individuels concernant les agents des assemblées, sans qu'une voie d'action directe ne leur soit ouverte à l'encontre des décisions des bureaux des assemblées en matière de statut de leurs agents ;

Considérant, en premier lieu, que la loi du 27 juin 2006 a pour objet de permettre aux fonctionnaires handicapés d'être admis à la retraite avant l'âge légal sans être financièrement pénalisés ; que cette loi, qui s'applique aux agents relevant des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite, et non aux agents des assemblées parlementaires, ainsi que le 3ème alinéa de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, ne peuvent être sérieusement regardés comme créant une rupture d'égalité, ni comme méconnaissant le 11ème alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; que d'ailleurs, le régime de retraite des agents de l'Assemblée nationale comporte des dispositions comparables, notamment relatives au congé spécial, qui permettent à ceux d'entre eux qui sont atteints d'un handicap de bénéficier d'une retraite anticipée ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ne prévoit pas de voie d'action directe ouverte aux agents de l'Assemblée nationale à l'encontre des décisions des bureaux des assemblées en matière statutaire, ceux-ci peuvent contester ces décisions, par voie d'exception, à l'occasion des litiges relatifs à leur situation individuelle qu'ils portent devant la juridiction administrative ; que les dispositions de cet article ne peuvent, par suite, être sérieusement regardées comme portant atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant, enfin, que si M. A soutient également que le 3ème alinéa de l'article 8 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 a privé les agents des assemblées parlementaires d'une protection équivalente à celle reconnue aux autres fonctionnaires de l'Etat en confiant au bureau de chaque assemblée le soin de fixer le régime applicable aux agents de celle-ci et en prévoyant seulement que la juridiction administrative, appelée à statuer sur les litiges individuels, se prononce au regard des principes généraux de droit et des garanties fondamentales reconnues à l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat, alors qu'il appartient à la loi, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l'Etat et de déterminer les principes fondamentaux de la sécurité sociale, cette question n'a pas été soumise à la cour administrative d'appel de Paris et ne peut être présentée pour la première fois devant le Conseil d'Etat saisi, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, d'une décision de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité tirée de la méconnaissance d'autres dispositions ou principes constitutionnels ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick A, au Président de l'Assemblée nationale, au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique et au Premier ministre.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Paris.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ - DÉTERMINATION DU CHAMP DE LA TRANSMISSION OU DU RENVOI - CHAMP DE LA TRANSMISSION - QUESTION SOULEVÉE DANS LE MÉMOIRE DISTINCT PRÉSENTÉ DEVANT LA JURIDICTION L'AYANT TRANSMISE AU CONSEIL D'ETAT - CONSÉQUENCE - INTERPRÉTATION DE LA QUESTION PAR CETTE JURIDICTION DANS SA DÉCISION DE TRANSMISSION - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE.

54-07-01 Lorsque, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, une juridiction a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat, ce dernier se prononce sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise, quelle que soit l'interprétation que cette juridiction en a donnée dans sa décision de transmission.

PROCÉDURE - QUESTION SOULEVÉE DANS LE MÉMOIRE DISTINCT PRÉSENTÉ DEVANT LA JURIDICTION L'AYANT TRANSMISE AU CONSEIL D'ETAT - CONSÉQUENCE - INTERPRÉTATION DE LA QUESTION PAR CETTE JURIDICTION DANS SA DÉCISION DE TRANSMISSION - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE.

54-10-06 Lorsque, en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, une juridiction a transmis une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat, ce dernier se prononce sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question telle qu'elle a été soulevée dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise, quelle que soit l'interprétation que cette juridiction en a donnée dans sa décision de transmission.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 sep. 2010, n° 341685
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Jean Lessi
Rapporteur public ?: Mme Vialettes Maud
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 24/09/2010
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 341685
Numéro NOR : CETATEXT000022859567 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-09-24;341685 ?
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