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29/09/2010 | FRANCE | N°325524

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 29 septembre 2010, 325524


Vu la décision du 6 novembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 novembre 2008, en tant que cet arrêt a rejeté sa demande d'indemnisation à hauteur de 115 470,37 euros présentée au titre des frais financiers supplémentaires, consécutifs au retard de signature du contrat ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrat

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Vu la décision du 6 novembre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 novembre 2008, en tant que cet arrêt a rejeté sa demande d'indemnisation à hauteur de 115 470,37 euros présentée au titre des frais financiers supplémentaires, consécutifs au retard de signature du contrat ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la décision du Conseil d'Etat était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait du report du chantier sont nouvelles en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du Conseil général des Bouches-du-Rhône,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du Conseil général des Bouches-du-Rhône ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI a conclu un marché public de travaux avec le département des Bouches-du-Rhône, pour la réalisation d'un collège à Salon-de-Provence ; qu'à l'issue de ce marché, elle a contesté le décompte général ; que par un jugement du 8 octobre 2002, le tribunal administratif de Marseille a constaté la nullité du marché et ordonné une expertise en vue de déterminer le coût des travaux exécutés et ayant constitué des dépenses utiles pour le maître d'ouvrage ; que par un arrêt du 13 novembre 2008, la cour administrative d'appel de Marseille n'a que partiellement fait droit aux conclusions de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI contre le second jugement du tribunal administratif, rendu le 17 janvier 2006 ; que celle-ci s'est pourvue en cassation contre cet arrêt ; que par une décision du 6 novembre 2009, le Conseil d'Etat a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi dirigées contre cet arrêt, en tant qu'elles portent sur le rejet de la demande d'indemnisation, à hauteur de 115 470,37 euros, au titre des frais financiers supplémentaires, consécutifs au retard de signature du contrat ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI a présenté en appel des conclusions à fin d'indemnisation, d'une part au titre des dépenses utiles exposées pour le département, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, et, d'autre part, sur le fondement distinct de la responsabilité extra-contractuelle au titre de la faute commise par le département à avoir tardé à signer le marché ; que, contrairement à ce que soutient le département des Bouches-du-Rhône, ces dernières conclusions sont bien celles qui ont été admises par le Conseil d'Etat ; qu'en ne répondant que sur le terrain des dépenses utilement exposées pour le département, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler, pour ce motif, l'arrêt attaqué, en tant qu'il a refusé de faire droit à la demande présentée par la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI au titre du préjudice causé par le retard dans la signature du contrat ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI demande en appel la réparation des frais subis du fait du report du chantier, au motif que le département des Bouches-du-Rhône, après l'avoir invitée, notamment par les indications données dans l'avis d'appel d'offres, à mobiliser ses moyens de production dans des conditions d'urgence, a tardé à signer le marché et ainsi commis une faute engageant sa responsabilité extra-contractuelle ;

Considérant que le juge ayant constaté la nullité du marché, la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI pouvait poursuivre le litige en demandant à être indemnisée sur le fondement de la faute du département ayant causé la nullité du marché, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce moyen n'aurait pas été soulevé dans sa demande introductive d'instance ; que dans le cadre de l'instance d'appel, le moyen tiré de la faute du département à avoir tardé à signer le marché, s'il se fonde sur une autre faute que celle invoquée en première instance, ne relève pas d'une cause juridique distincte ; que, contrairement à ce que soutient le département, il est donc recevable ;

Considérant, toutefois, que la circonstance que le département des Bouches-du Rhône n'ait pas immédiatement signé le marché après le choix de l'offre de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI, alors qu'il n'est pas allégué que cette signature serait intervenue après l'expiration du délai de validité de l'offre, n'est pas constitutive d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à engager la responsabilité pour faute du département ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département des Bouches-du-Rhône au titre des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que sois mis à la charge du département des Bouches-du-Rhône, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 novembre 2008 est annulé en tant qu'il n'a pas statué, en ce qui concerne le préjudice subi du fait du retard de signature du contrat, sur la responsabilité pour faute du département des Bouches-du-Rhône.

Article 2 : Les conclusions de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI tendant à la réparation du préjudice mentionné à l'article 1er sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI et du département des Bouches-du-Rhône tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES TRAVAUX DU MIDI et au département des Bouches-du-Rhône.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS À L'ÉGARD DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITÉ EXTRACONTRACTUELLE - CAUSE JURIDIQUE DISTINCTE - ABSENCE - FAUTE DE L'ADMINISTRATION AYANT ENTRAÎNÉ LA NULLITÉ DU CONTRAT - FAUTE DE L'ADMINISTRATION À AVOIR RETARDÉ LA SIGNATURE DU CONTRAT [RJ1].

39-06-01 Cocontractant de l'administration ayant demandé à être indemnisé sur le fondement de la faute de celle-ci ayant causé la nullité du marché. Le moyen tiré de la faute de l'administration à avoir tardé à signer le marché, s'il se fonde sur une autre faute que celle invoquée en première instance, ne relève pas d'une cause juridique distincte et peut, ainsi, être invoqué pour la première fois dans le cadre de l'instance d'appel.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - VOIES DE RECOURS - APPEL - MOYENS RECEVABLES EN APPEL - EXISTENCE - INVOCATION EN PREMIÈRE INSTANCE DE LA FAUTE DE L'ADMINISTRATION AYANT ENTRAÎNÉ LA NULLITÉ DU CONTRAT - INVOCATION POUR LA PREMIÈRE FOIS EN APPEL DE LA FAUTE DE L'ADMINISTRATION À AVOIR RETARDÉ LA SIGNATURE DU CONTRAT [RJ1].

39-08-04-01-01 Cocontractant de l'administration ayant demandé à être indemnisé sur le fondement de la faute de celle-ci ayant causé la nullité du marché. Le moyen tiré de la faute de l'administration à avoir tardé à signer le marché, s'il se fonde sur une autre faute que celle invoquée en première instance, ne relève pas d'une cause juridique distincte et peut, ainsi, être invoqué pour la première fois dans le cadre de l'instance d'appel.


Références :

[RJ1]

Rappr. 9 juillet 2010, Commune de Lorry-lès-Metz, n° 310032, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation: CE, 29 sep. 2010, n° 325524
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 29/09/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 325524
Numéro NOR : CETATEXT000022877000 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-09-29;325524 ?
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