La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2010 | FRANCE | N°308629

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 06 octobre 2010, 308629


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 16 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme ECA 3, dont le siège est Immeuble Espace Buro, Rue du Thoron à Fréjus (83600), représentée par son gérant en exercice ; la SA ECA 3 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille n'a que partiellement fait droit à son appel dirigé contre le jugement du 17 juin 2004 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté sa dem

ande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les société auxque...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 16 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme ECA 3, dont le siège est Immeuble Espace Buro, Rue du Thoron à Fréjus (83600), représentée par son gérant en exercice ; la SA ECA 3 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille n'a que partiellement fait droit à son appel dirigé contre le jugement du 17 juin 2004 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les société auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 1993, 1994 et 1995 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de la SA ECA 3,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Laugier, Caston, avocat de la SA ECA 3 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA ECA 3, qui exerce depuis 1975 l'activité d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, est détenue à hauteur des deux tiers de son capital par M. A, qui exerce la profession de commissaire aux comptes ; que cette société, qui avait son siège social à Paris, disposait d'un second établissement à Fréjus ; que les bureaux de Fréjus, où la société a installé son siège social en 1997, sont pris en location à la société civile immobilière ARSINOE, qui est établie à la même adresse que les époux A, qui en détiennent directement et indirectement 80 % des parts, et dont Mme A est la gérante ; qu'à la suite de vérifications de comptabilité ayant conduit à redressement, la société anonyme ECA 3 demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 juin 2007 en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 1993 à 1995, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ; que les impositions supplémentaires en litige portent sur des chefs de redressement relatifs au niveau des loyers consentis en 1992, 1993 et 1994 à la SCI ARSINOE par la société ECA 3, au calcul des intérêts versés par cette dernière sur le compte d'associé ouvert dans ses écritures au nom de M. A et à l'abandon de créance que la SCI ARSINOE aurait consenti à la société ECA 3 ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'en jugeant qu'il ne résultait d'aucune disposition législative ou règlementaire que la notification de redressement adressée au contribuable doive comporter, ainsi que le soutenait la société requérante, la mention des articles L. 10, L. 13 et L. 55 du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel de Marseille a suffisamment motivé sa décision ;

Sur le bien fondé de l'arrêt attaqué :

En ce qui concerne les impositions supplémentaires issues du caractère excessif, selon l'administration, des loyers versés par la société ECA 3 à la SCI ARSINOE :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA ECA 3 a soutenu que les services fiscaux avaient estimé, à tort, qu'elle avait commis un acte anormal de gestion en acceptant de verser des loyers d'un montant excessif à la SCI ARSINOE pour la jouissance de locaux à usage de bureaux à Fréjus ; que la cour administrative d'appel de Marseille, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, a souverainement apprécié la qualité des comparaisons effectuées par l'administration et notamment le caractère similaire aux locaux loués des locaux à usage de bureaux dont le niveau de loyer a servi de référence pour ces comparaisons, ainsi que l'absence de caractère exceptionnel des travaux réalisés par la société bailleresse ;

En ce qui concerne les intérêts non perçus par la société ECA 3 sur le compte d'associé de M. A :

Considérant que la société requérante soutient que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en estimant que l'absence de perception d'intérêts sur le compte-courant d'associé de M. A, lorsque ce compte était débiteur, serait constitutive d'un acte anormal de gestion, dès lors que, du fait qu'elle ne versait pas d'intérêts à son associé sur les sommes portées au crédit de ce compte, il existait pour elle une contrepartie à cette absence de perception d'intérêts, exclusive d'une gestion anormale de ses intérêts ; que ce moyen est inopérant dès lors que, si la cour a jugé que la société ECA 3 avait commis un acte anormal de gestion en ne percevant pas d'intérêts sur le compte d'associé dont il s'agit lorsqu'il était débiteur, elle a aussi jugé que l'administration avait à tort refusé de prendre en compte l'absence de versement d'intérêts sur ce compte lorsqu'il était créditeur et a prononcé la décharge correspondant à la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société et celles résultant de la prise en compte, tant des intérêts non versés que de ceux non réclamés ;

En ce qui concerne les impositions supplémentaires issues de l'abandon de créance que la SCI ARSINOE aurait consenti à la société ECA 3 :

Considérant qu'aux termes, respectivement, des articles 1271 et 1277 du code civil : La novation s'opère de trois manières : / (...) 3° Lorsque, par l'effet d'un nouvel engagement, un nouveau créancier est substitué à l'ancien, envers lequel le débiteur se trouve déchargé et La simple indication faite, par le débiteur, d'une personne qui doit payer à sa place, n'opère point novation. / Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d'une personne qui doit recevoir pour lui ;

Considérant qu'il est allégué que la créance constituée des deniers d'entrée dus par la société ECA 3, locataire, à la SCI ARSINOE, bailleresse, a fait l'objet d'une novation par la substitution de M. A, nouveau créancier, à l'ancien créancier que serait devenue la SCI ARSINOE ; qu'il ne ressort cependant pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SCI ARSINOE a entendu libérer la société ECA 3 de la dette qu'elle avait à son égard ; que, notamment, à la suite d'une décision en ce sens de son assemblée générale du 22 février 1991, la société bailleresse a indiqué à sa locataire, dans une lettre du 25 février 1991, que M. A devait recevoir pour elle ; que si le rapport spécial établi le 12 mars 1992 par le commissaire aux comptes de la société ECA 3 débitrice fait état de l'acceptation par cette société de cette demande, il n'en ressort pas qu'elle aurait résulté d'une novation par substitution de créancier ; que la novation alléguée ne saurait par suite être considérée comme opérée et que la demande reçue et acceptée par la société ECA 3 doit être regardée comme consistant en une indication de payer entre les mains d'un tiers les sommes qu'elle continuait de devoir à la SCI ARSINOE ; que la cour administrative d'appel a par suite commis une erreur de droit en jugeant que l'absence de versement direct des deniers d'entrée de la société ECA 3 à la SCI ARSINOE n'avait d'autre cause qu'un abandon de créance consenti à elle par cette dernière société, sans rechercher au préalable à quel titre la société ECA 3 s'était acquittée de sa dette auprès d'un tiers ; que l'arrêt attaqué doit pour ce motif être annulé, en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives au redressement dont il s'agit ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'indication reçue par la société requérante de payer entre les mains d'un tiers les sommes qu'elle continuait devoir à la SCI ARSINOE ne saurait être regardée comme résultant d'un abandon de créance que lui aurait consenti cette dernière société ; que la société ECA 3 est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a regardé les sommes dont il s'agit comme ayant fait l'objet d'un abandon de créance et les a intégrées à ce titre aux bases d'imposition de la société au titre de l'impôt sur les sociétés, et à demander en conséquence la réformation en ce sens du jugement du 17 juin 2004 du tribunal administratif de Nice ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'après avoir tenu compte, par une motivation qui n'est pas insuffisante et sans dénaturer les faits de l'espèce, de la nature des irrégularités constatées et de leur répétition, du montant des droits éludés, de ce que les nombreuses irrégularités relevées correspondaient toutes à des avantages consentis par la société à son dirigeant et de ce que ce dernier était en outre un professionnel de la comptabilité, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de qualification en jugeant que les éléments ainsi relevés suffisaient à caractériser la mauvaise foi du contribuable, pour l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;

Sur les conclusions de la société ECA 3 tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société ECA 3 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 26 juin 2007 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête de la société ECA 3 tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie en conséquence du chef de redressement tenant à l'abandon de créance qui lui aurait été consenti par la SCI ARSINOE.

Article 2 : Les bases d'imposition de la société ECA 3 seront fixées en excluant les sommes intégrées par l'administration au titre des deniers d'entrée qui ont fait l'objet de l'indication de payer qui lui a été notifiée par la SCI ARSINOE.

Article 3 : La société ECA 3 est déchargée de la différence entre le montant des droits auxquels elle a été assujettie au titre de l'impôt sur les sociétés et le montant de ceux qui résultent de l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 17 juin 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la société ECA 3 un somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société ECA 3 est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme ECA 3 et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308629
Date de la décision : 06/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 oct. 2010, n° 308629
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:308629.20101006
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award