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06/10/2010 | FRANCE | N°330538

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 06 octobre 2010, 330538


Vu le pourvoi, enregistré le 5 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES ; le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 mai 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son recours tendant d'une part, à l'annulation du jugement du 9 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à payer une somme de 412 194,34 euros mise à la charge d

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Vu le pourvoi, enregistré le 5 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES ; le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 mai 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son recours tendant d'une part, à l'annulation du jugement du 9 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à payer une somme de 412 194,34 euros mise à la charge de l'association Lova par décision de justice la condamnant à indemniser les victimes de dommages causés par trois mineurs placés sous sa garde, d'autre part, au rejet de la demande présentée par la compagnie Groupama Alsace, assureur de l'association Lova, devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de régler l'affaire au fond et de faire droit à ses conclusions présentées en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la compagnie Groupama Alsace,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la compagnie Groupama Alsace ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que dans la nuit du 10 au 11 octobre 1997, plusieurs véhicules appartenant à la société Cariane, stationnés à Sainte-Marie-aux-Mines, ont été détruits par un incendie provoqué par trois mineurs placés auprès de l'association Lova ; qu'un seul de ces mineurs était placé au titre d'une mesure prise par le juge des enfants sur le fondement de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les deux autres étant placés auprès de l'association Lova au titre d'une mesure d'assistance éducative prise sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil ; qu'à la suite de cet incendie, la victime et son assureur ont recherché la responsabilité de l'association Lova ; que l'assureur de cette dernière, après avoir versé la somme de 412 194,34 euros au paiement de laquelle l'association a été condamnée par un jugement du tribunal de grande instance de Colmar le 26 novembre 2003, s'est retourné contre l'Etat en lui demandant le remboursement de la somme exposée ; que par un arrêt confirmatif du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 janvier 2008, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté le recours formé par le ministre de la justice contre la condamnation à verser à Groupama Alsace la totalité de la somme de 412 194,34 euros ; que le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant, d'une part, que la décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure prise en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945, à l'une des personnes mentionnées par cette ordonnance, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; que si, en raison des pouvoirs dont elle se trouve ainsi investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur, l'action ainsi ouverte ne fait pas obstacle à ce que soit également recherchée, devant la juridiction administrative, la responsabilité de l'Etat en raison du risque spécial créé pour les tiers du fait de la mise en oeuvre d'une des mesures de liberté surveillée prévues par l'ordonnance du 2 février 1945 ;

Considérant, d'autre part, que la décision par laquelle le juge des enfants confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative prise en vertu des dispositions des articles 375 et suivants du code civil, à l'un des services ou établissement mentionnés à l'article 375-3 du même code, transfère la responsabilité d'organiser, diriger, contrôler la vie du mineur à ce service ou à cet établissement, dont la responsabilité est engagée pour les dommages causés aux tiers par ce mineur, même sans faute, sans qu'il puisse, lorsqu'il ne relève pas de l'autorité de l'Etat, rechercher la responsabilité pour risque de ce dernier au titre des agissements du mineur concerné ;

Considérant, enfin, que lorsque l'un des coauteurs d'un dommage a indemnisé intégralement la victime des préjudices qu'elle a subis, il ne peut, par la voie de l'action subrogatoire, se retourner contre un autre coauteur que dans la limite de la responsabilité encourue individuellement par ce dernier ;

Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nancy a condamné l'Etat à rembourser à l'assureur de l'association Lova l'intégralité de la dette dont il s'était acquitté pour les dommages causés par les trois mineurs ; qu'en mettant ainsi à la charge de l'Etat l'intégralité de cette somme au motif que le fait que les dommages soient également imputables à deux autres jeunes, mineurs placés auprès de l'association Lova au titre d'une mesure d'assistance éducative prise sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil, ne supprime, ni ne restreint la responsabilité de l'Etat à l'égard des victimes du dommage , alors qu'il lui appartenait de rechercher, au vu des circonstances de l'espèce, quelle était la part respective des mineurs coauteurs dans la réalisation du dommage afin de déterminer la somme due par l'Etat, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 mai 2009 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la compagnie Groupama Alsace tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES et à la compagnie Groupama Alsace.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 330538
Date de la décision : 06/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 oct. 2010, n° 330538
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Pierre Chaubon
Rapporteur public ?: M. Roger-Lacan Cyril
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:330538.20101006
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