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18/10/2010 | FRANCE | N°326020

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 18 octobre 2010, 326020


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 11 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Moïse Jockneam Alao A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 janvier 2009 en ce qu'il a rejeté son appel contre le jugement du 5 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 7 septembre 2005 ayant ordonné sa reconduite à la frontière ;r>
2°) réglant l'affaire au fond, de surseoir à statuer jusqu'à ce que les...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 11 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Moïse Jockneam Alao A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 28 janvier 2009 en ce qu'il a rejeté son appel contre le jugement du 5 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 7 septembre 2005 ayant ordonné sa reconduite à la frontière ;

2°) réglant l'affaire au fond, de surseoir à statuer jusqu'à ce que les autorités judiciaires se soient prononcées sur la question de sa nationalité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Copper-Royer, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Copper-Royer, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, né le 4 décembre 1970 à Lomé (Togo), est entré en France au mois d'octobre 2000 ; que l'intéressé n'étant pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, le préfet de police, sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris à son encontre, le 7 septembre 2005, un arrêté de reconduite à la frontière ; que le tribunal administratif de Paris, saisi par le requérant, a, par son jugement du 5 octobre 2005, rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral ; que la cour administrative d'appel de Paris, après avoir sursis à statuer sur la demande d'annulation de ce jugement présentée par M. A, par un premier arrêt du 14 juin 2006, jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se fût prononcée, en application de l'article 29 du code civil, sur le point de savoir si l'intéressé avait la nationalité française, a rejeté sa requête par l'article 1er de l'arrêt du 28 janvier 2009, contre lequel l'intéressé se pourvoit en cassation ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 431-1 et R. 811-13 du code de justice administrative que, lorsqu'une partie est représentée devant la cour administrative d'appel par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du même code, c'est-à-dire par un avocat, par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou par un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ; que si, en vertu de l'article R. 776-1 de ce code, inséré au début du chapitre relatif au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, Les dispositions suivantes sont seules applicables à la présentation, à l'instruction et au jugement des recours en annulation dirigés contre les décisions visées aux articles L. 776-1 et L. 776-2 , et si les dispositions spéciales de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dérogent à la règle énoncée à l'article R. 431-1 du code de justice administrative pour ce qui concerne le recours formé devant le tribunal administratif contre un arrêté de reconduite à la frontière, en imposant une convocation personnelle du requérant à l'audience, même s'il est assisté d'un avocat, ces dispositions ne s'appliquent pas au recours formé devant le juge d'appel, qui reste soumis à la procédure de droit commun ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que l'avocate du requérant a été avisée, le 23 décembre 2008, de l'audience prévue pour le 9 janvier 2009, conformément aux dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A n'avait pas à en être rendu personnellement destinataire, dès lors que son avocate l'avait régulièrement été ;

Considérant toutefois, que le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, est tenu de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie, dans le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposent ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que M. A, qui était nécessairement représenté en appel par un avocat, conformément aux dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative, a été informé, quelques jours seulement avant l'audience fixée au 9 janvier 2009, que son avocate n'assurerait plus sa représentation ; qu'il a alors sollicité le report de l'audience et entrepris des démarches pour solliciter un nouvel avocat ; que la cour qui, ainsi qu'il a été dit, avait d'abord sursis à statuer, afin que l'autorité judiciaire se prononce sur la nationalité du requérant, n'a pas accordé ce report et a rejeté l'appel de M. A, au motif que l'intéressé n'établissait ni n'alléguait avoir demandé l'infirmation d'une décision du 25 novembre 2008, par laquelle le greffier en chef du tribunal d'instance d'Ecouen lui avait refusé la délivrance d'un certificat de nationalité française ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu, d'une part, de la brièveté du délai dont il disposait pour organiser sa défense et, d'autre part, du caractère récent de la décision du 25 novembre 2008 sur laquelle la cour s'est fondée pour opposer au requérant son absence de diligence à saisir l'autorité judiciaire, M. A est fondé à soutenir que des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire imposaient à la cour de faire droit à sa demande ; qu'ainsi la cour a méconnu le caractère contradictoire de la procédure en refusant de reporter l'audience ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'article 1er de l'arrêt attaqué doit être annulé ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'arrêt du 28 janvier 2009 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Moïse Jockneam Alao A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326020
Date de la décision : 18/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - OBLIGATION DE CONVOQUER PERSONNELLEMENT À L'AUDIENCE LE REQUÉRANT DEMANDANT AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF L'ANNULATION D'UN ARRÊTÉ DE RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - MÊME S'IL EST ASSISTÉ D'UN AVOCAT (ART - L - 512-2 DU CESEDA) - APPLICATION À L'INSTANCE D'APPEL - ABSENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE LA PROCÉDURE DE DROIT COMMUN (ART - R - 431-1 ET R - 811-13 DU CJA).

335-03-03 Par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative (CJA), les dispositions spéciales de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) imposent une convocation personnelle à l'audience du requérant, même assisté d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière portés devant les tribunaux administratifs. Ces dispositions spéciales ne sont toutefois pas applicables aux requêtes et recours formés devant le juge d'appel, qui sont seulement régis par la procédure de droit commun prévue à l'article R. 431-1 du CJA, applicable à l'appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - TENUE DES AUDIENCES - 1) OBLIGATION DE CONVOQUER PERSONNELLEMENT À L'AUDIENCE LE REQUÉRANT DEMANDANT AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF L'ANNULATION D'UN ARRÊTÉ DE RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - MÊME S'IL EST ASSISTÉ D'UN AVOCAT (ART - L - 512-2 DU CESEDA) - APPLICATION À L'INSTANCE D'APPEL - ABSENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE LA PROCÉDURE DE DROIT COMMUN (ART - R - 431-1 ET R - 811-13 DU CJA) - 2) DEMANDE DE REPORT D'AUDIENCE - OBLIGATION POUR LE JUGE D'Y FAIRE DROIT - ABSENCE - EXCEPTION [RJ1] - ESPÈCE.

54-06-02 1) Par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative (CJA), les dispositions spéciales de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) imposent une convocation personnelle à l'audience du requérant, même assisté d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière portés devant les tribunaux administratifs. Ces dispositions spéciales ne sont toutefois pas applicables aux requêtes et recours formés devant le juge d'appel, qui sont seulement régis par la procédure de droit commun prévue à l'article R. 431-1 du CJA, applicable à l'appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code.,,2) Le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation, hormis le cas où des motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient, de faire droit à une demande de report de l'audience formulée par une partie. En l'espèce, l'avocat du requérant l'a informé, quelques jours avant l'audience, qu'il n'assurerait plus sa représentation. Ce dernier a alors engagé des démarches pour solliciter un nouvel avocat. En outre, la cour, qui avait initialement sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se prononce sur le point de savoir si l'intéressé avait la nationalité française, a statué quelques semaines seulement après que ce dernier se soit vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française. Dans ces conditions, le requérant justifiait de l'existence de motifs exceptionnels tirés des exigences du débat contradictoire, qui imposaient à la cour de faire droit à sa demande de report d'audience.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 16 juillet 2010, Colomb, n° 294239, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2010, n° 326020
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Bruno Chavanat
Rapporteur public ?: M. Roger-Lacan Cyril
Avocat(s) : COPPER-ROYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:326020.20101018
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