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19/10/2010 | FRANCE | N°326443

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 19 octobre 2010, 326443


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mimoun A et Mme Drifa B, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Tanger refusant un visa d'entrée et de long séjour en France à l'enfant Amine C ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à

Tanger de délivrer le visa sollicité, sous astreinte de 200 euros par jour de ret...

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mimoun A et Mme Drifa B, demeurant ... ; M. A et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision implicite du consul général de France à Tanger refusant un visa d'entrée et de long séjour en France à l'enfant Amine C ;

2°) d'enjoindre au consul général de France à Tanger de délivrer le visa sollicité, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, Auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité française, et son épouse Mme B, de nationalité marocaine, contestent le rejet implicite du recours qu'ils ont formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à l'encontre de la décision du consul général de France à Tanger refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France à Amine C, de nationalité marocaine, né le 26 janvier 2001, recueilli légalement par M. et Mme A en vertu d'un acte de kafala établi par le tribunal de première instance de Nador le 4 avril 2005 ;

Considérant que l'intérêt d'un enfant est, en principe, de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si l'enfant Amine C a toujours vécu au Maroc, les requérants, qui justifient de ressources et de conditions d'accueil suffisantes, disposent, par un acte de kafala dont il n'est pas établi qu'il aurait été obtenu par fraude, d'une délégation d'autorité parentale, de plein droit exécutoire en France, pour prendre toutes mesures de tutelle et de prise en charge de cet enfant ; qu'ainsi, en l'absence de circonstances particulières, en estimant que l'intérêt de l'enfant était de demeurer dans son pays d'origine auprès de sa tante, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant que, eu égard aux motifs de la présente décision, il y a lieu de prescrire au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, la demande de visa ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. et Mme A contre la décision implicite du consul général de France à Tanger refusant à Amine C un visa d'entrée et de long séjour en France est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, la demande de visa d'entrée et de long séjour de Amine C.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Mimoun A, à Mme Drifa B et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 oct. 2010, n° 326443
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice

Origine de la décision
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 19/10/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 326443
Numéro NOR : CETATEXT000022952153 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-10-19;326443 ?
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