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20/10/2010 | FRANCE | N°317565

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 20 octobre 2010, 317565


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 23 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Serafino A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils ont interjeté du jugement du 23 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales aux

quels ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 n'ayant pas fa...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 23 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Serafino A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 14 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils ont interjeté du jugement du 23 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 n'ayant pas fait l'objet de dégrèvements, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier Domino, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de M. et Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1999 et 2000 ; qu'en l'absence de réponse à la demande de justifications qui leur a été adressée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant, d'une part, de la taxation d'office de différents revenus d'origine indéterminée et, d'autre part, de la taxation selon la procédure contradictoire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'une somme de 50 050 F, initialement qualifiée par l'administration de revenu d'origine indéterminée, ont été mises à leur charge au titre de l'année 2000 ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 14 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils ont interjeté du jugement du 23 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 n'ayant pas fait l'objet de dégrèvements, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la présente procédure: En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (....) ; qu'une somme inscrite au crédit d'un compte bancaire ou d'un compte courant d'un contribuable en exécution d'un virement opéré depuis un autre compte bancaire ou compte courant retenu par l'administration pour sa comparaison ne peut constituer un indice de revenu dissimulé ; que, par suite, si les dispositions précitées, qui permettent à l'administration de comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander à l'intéressé des justifications, ne l'obligent pas à procéder à un examen critique préalable de ces crédits, ni, quand elle l'a fait, à se référer comme terme de comparaison aux seuls crédits dont l'origine n'est pas justifiée après le premier examen, elles ne la dispensent pas de neutraliser, afin de déterminer le montant total des crédits à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, les virements de compte à compte de l'intéressé ;

Considérant, dès lors, qu'en jugeant que l'administration n'était pas tenue, pour apprécier si la comparaison entre le total des crédits portés aux comptes bancaires des contribuables et le montant de leurs revenus déclarés établissait l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander aux intéressés des justifications, de procéder à une neutralisation des virements de compte à compte, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le total des crédits portés sur les différents comptes bancaires de M. et Mme A au titre de l'année 2000 s'élevait, abstraction faite des virements de compte à compte, à 1 424 155 F et le montant de leurs revenus bruts déclarés, à 733 500 F ; que cet écart n'autorisait pas l'administration à adresser aux contribuables une demande de justifications ; que M. et Mme A sont, dès lors, fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 novembre 2006, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Considérant que, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à verser à M. et Mme A au titre des frais exposés par eux en première instance, ainsi qu'en appel et en cassation, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 14 avril 2008 et le jugement du tribunal administratif de Melun du 23 novembre 2006 sont annulés.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 restant en litige après l'admission partielle de leur réclamation, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Serafino A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 317565
Date de la décision : 20/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-003 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. - CONDITION - PRODUCTION PAR L'ADMINISTRATION D'ÉLÉMENTS ÉTABLISSANT L'EXISTENCE DE REVENUS DISSIMULÉS (ART. L. 16 DU LPF) - MÉTHODE CONSISTANT À COMPARER LE MONTANT DES SOMMES APPARAISSANT AU CRÉDIT DES COMPTES BANCAIRES À CELUI DES REVENUS DÉCLARÉS [RJ1] - OBLIGATION POUR L'ADMINISTRATION DE NEUTRALISER LES VIREMENTS DE COMPTE À COMPTE - EXISTENCE.

19-01-03-01-003 L'article L. 16 du livre des procédures fiscales (LPF) autorise l'administration à demander au contribuable des justifications de ses revenus lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir qu'ils peuvent être plus importants que ceux qu'il a déclarés. Une somme inscrite au crédit d'un compte bancaire ou d'un compte courant d'un contribuable en exécution d'un virement opéré depuis un autre compte bancaire ou compte courant retenu par l'administration pour sa comparaison ne peut constituer un indice de revenu dissimulé. Par suite, si les dispositions précitées, qui permettent à l'administration de comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir l'existence d'indices de revenus dissimulés l'autorisant à demander à l'intéressé des justifications, ne l'obligent pas à procéder à un examen critique préalable de ces crédits, ni, quand elle l'a fait, à se référer comme terme de comparaison aux seuls crédits dont l'origine n'est pas justifiée après le premier examen, elles ne la dispensent pas de neutraliser, afin de déterminer le montant total des crédits à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, les virements de compte à compte de l'intéressé.


Références :

[RJ1]

Cf., sur cette méthode et la règle dite « du double », 5 mars 1999, Bancarel, n° 164412, T. pp. 733-746-754-755.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2010, n° 317565
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Xavier Domino
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:317565.20101020
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