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22/10/2010 | FRANCE | N°319569

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 22 octobre 2010, 319569


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 4 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la zone de défense sud du 26 août 2005 refusant de lui verser des indemnités au titre de services accomplis avant sa mise à la retraite et de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejet

ant son recours hiérarchique, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 août et 4 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Guy A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la zone de défense sud du 26 août 2005 refusant de lui verser des indemnités au titre de services accomplis avant sa mise à la retraite et de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique, ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser ces indemnités ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande et d'assortir la somme accordée des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-972 du 26 octobre 1984 ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Vu le décret n° 95-657 du 9 mai 1995 ;

Vu le décret n° 2000-194 du 3 mars 2000 ;

Vu le décret n° 2003-402 du 29 avril 2003 ;

Vu l'arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Blanc, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de M. A ;

Considérant que, pour rejeter la demande présentée par M. A, ancien brigadier-chef de police du corps de maîtrise et d'application de la police nationale, tendant à l'annulation des décisions du préfet de la zone de défense sud et du ministre de l'intérieur lui ayant refusé le versement de diverses indemnités au titre de services accomplis avant sa mise à la retraite le 28 septembre 2005 et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser ces indemnités, le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur ce que le moyen tiré de l'article 30 du décret du 24 janvier 1968 n'était pas assorti de précision suffisante pour lui permettre d'en apprécier le bien fondé, le requérant ne citant aucun texte réglementaire lui ouvrant droit aux indemnités en cause ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que le demandeur soutenait de façon précise qu'il avait droit au paiement d'heures et de jours supplémentaires travaillés au-delà de ses obligations de service et que, si le texte invoqué par lui avait été abrogé, il appartenait au juge de rechercher les textes applicables au litige, le tribunal administratif a méconnu son office ; que M. A est, dès lors, fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 juin 2008 ;

Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement à M. A d'indemnités pour heures supplémentaires de service :

En ce qui concerne la recevabilité de ces conclusions :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-3 du code de justice administrative : (...) l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° en matière de plein contentieux (...) ;

Considérant que c'est par une décision implicite que le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique formé le 6 décembre 2005 par M. A contre la décision du 26 août 2005, notifiée le 11 octobre 2005, par laquelle le préfet de la zone de défense sud avait rejeté sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires de service qu'il aurait effectuées ; qu'il résulte dès lors des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative que les conclusions de la demande de M. A, enregistrées au greffe du tribunal administratif le 7 juin 2006, tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser des indemnités rémunérant ces heures supplémentaires de service, ne sont pas tardives ;

En ce qui concerne le bien-fondé de ces conclusions :

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 22 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : Les services accomplis au-delà de la durée hebdomadaire normale du travail sont compensés par des repos égaux ou équivalents qui doivent être accordés dans les plus courts délais compatibles avec les besoins du service, ou dans des conditions définies par décret, par un régime indemnitaire adapté ; qu'aux termes de l'article 113-17 de l'arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général d'emploi de la police nationale : Les services supplémentaires effectués au-delà de la durée réglementaire du travail (heures non sécables) ouvrent droit 1. A des repos égaux ou équivalents dans les conditions précisées par l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale. Ces repos doivent être utilisés dans l'année civile à l'exception d'un volant de trente heures qui peuvent faire l'objet d'un report sur l'année suivante, sous réserve des nécessités du service ; 2. Ou à une indemnisation forfaitaire dans les conditions fixées par décret... ; qu'aux termes de l'article 1er du décret 3 mars 2000 fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 15 avril 2008 : Les fonctionnaires actifs de la police nationale, à l'exclusion des fonctionnaires du corps de conception et de direction, peuvent, lorsqu'ils sont amenés à effectuer des services supplémentaires non susceptibles de donner lieu à récupération, bénéficier d'une indemnité pour services supplémentaires ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires actifs de la police nationale appartenant au corps de maîtrise et d'application de la police nationale peuvent prétendre à une indemnisation, dès lors que les services supplémentaires qu'ils ont effectués ne sont pas susceptibles de donner lieu à récupération sous forme de repos égaux ou équivalents ; que l'impossibilité de récupérer de tels services supplémentaires peut être la conséquence d'une décision de l'administration, prise pour les besoins du service, ou résulter de la situation du fonctionnaire concerné, notamment de son état de santé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 1er du décret du 3 mars 2000 qui prévoient l'indemnisation des services supplémentaires non susceptibles de donner lieu à récupération ; qu'il ne peut toutefois en bénéficier que pour des services supplémentaires effectués à compter de l'entrée en vigueur du décret du 3 mars 2000 ; que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le nombre d'heures supplémentaires ainsi effectuées ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la décision du préfet de la zone de défense sud du 26 août 2005 ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique de M. A, en tant qu'elles ont refusé à ce dernier le versement d'une somme correspondant à des heures de services supplémentaires effectuées depuis l'entrée en vigueur du décret du 3 mars 2000 et non susceptibles de récupération, et de renvoyer M. A devant le ministre de l'intérieur pour qu'il soit procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues ; que ces sommes porteront intérêts à compter du 2 août 2005, date de réception par le préfet de la zone de défense sud de la demande de M. A tendant au paiement des indemnités en cause ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par un mémoire du 4 novembre 2008 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement à M. A d'indemnités pour jours supplémentaires de service :

Considérant, en premier lieu, que ni les dispositions de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et ni celles de l'article 64 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat n'ont pour objet ni pour effet d'instituer une rémunération de jours supplémentaires de service ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 5 du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l'Etat : Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice ; que M. A ne saurait donc demander aucune indemnité à ce titre ;

Considérant, enfin, que le décret du 29 avril 2003 portant création d'une indemnité spécifique allouée notamment aux fonctionnaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale, qui institue en faveur de ces fonctionnaires une indemnité compensant certains jours de repos travaillés, n'est pas applicable à des jours de travail effectués antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'il résulte de l'instruction que M.A a été mis en congé de maladie du 28 mars 2002 au 28 septembre 2005, date de sa mise à la retraite ; qu'il n'est donc pas susceptible de bénéficier des dispositions du décret du 29 avril 2003 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur à ces conclusions, M. A n'est pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser des indemnités pour des jours supplémentaires de service ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à M. A aux titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 juin 2008 est annulé.

Article 2 : La décision du 26 août 2005 du préfet de la zone de défense sud, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique de M. A, sont annulées, en tant qu'elles ont refusé à ce dernier le versement d'indemnités pour services supplémentaires effectués à compter de l'entrée en vigueur du décret du 3 mars 2000 et qui n'ont pas fait l'objet de récupération.

Article 3 : M. A est renvoyé devant le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales pour qu'il soit procédé à la liquidation de la somme due au titre de ces indemnités.

Article 4 : Les sommes dues à M. A au titre de l'article précédent porteront intérêts à compter du 2 août 2005. Les intérêts échus à la date du 4 novembre 2008, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour porter eux même intérêts.

Article 5 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. Guy A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319569
Date de la décision : 22/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-07-01-07 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. DEVOIRS DU JUGE. - REQUÉRANT SE PRÉVALANT D'UN TEXTE ABROGÉ À L'APPUI DE PRÉTENTIONS PRÉCISES - OBLIGATION POUR LE JUGE DE RECHERCHER LES TEXTES APPLICABLES.

54-07-01-07 Jugement ayant rejeté la demande au motif que le moyen n'était pas assorti de précisions suffisantes pour lui permettre d'en apprécier le bien fondé, le requérant ne citant aucun texte réglementaire fondant ses prétentions. Ce faisant, le tribunal a méconnu son office dès lors que le demandeur avait des prétentions précises et que, si le texte qu'il invoquait avait été abrogé, il appartenait au juge de rechercher les textes applicables au litige.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2010, n° 319569
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:319569.20101022
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