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08/11/2010 | FRANCE | N°338555

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 08 novembre 2010, 338555


Vu 1°), sous le n° 338555, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 20 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Muthafar A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 25 février 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes tendant à la suspension des décisions des 22 décembre 2009 et 8 janvier 2010 et de la décision du 18 jan

vier 2010 par lesquelles le recteur de l'académie de Versailles, respec...

Vu 1°), sous le n° 338555, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 20 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Muthafar A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 25 février 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes tendant à la suspension des décisions des 22 décembre 2009 et 8 janvier 2010 et de la décision du 18 janvier 2010 par lesquelles le recteur de l'académie de Versailles, respectivement, lui a proposé de signer un contrat de recrutement à temps incomplet en qualité d'agent contractuel enseignant pour exercer au collège Saint-Joseph à Boulogne-Billancourt et a mis fin à ses fonctions d'enseignant en le privant du bénéfice de l'obligation d'emploi ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes ;

Vu 2°), sous le n° 340178, le pourvoi, enregistré le 2 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Muthafar A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 6 avril 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision du 18 janvier 2010 du recteur de l'académie de Versailles le privant du bénéfice de l'obligation d'emploi en tant que travailleur handicapé et mettant fin à ses fonctions d'enseignant au collège Saint-Joseph ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;

Vu le décret n° 95-979 du 25 août 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Talabardon, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. A,

Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que, par des courriers du 22 décembre 2009 et du 8 janvier 2010, le recteur de l'académie de Versailles a refusé de modifier sa proposition adressée à M. A, qui enseignait les arts plastiques en qualité de maître auxiliaire comme suppléant au sein du collège Saint-Joseph de Boulogne-Billancourt lié à l'Etat par un contrat d'association, de le recruter, avec effet à compter du 1er septembre 2009, en tant qu'agent contractuel à temps incomplet au sein de ce même établissement, au titre des dispositions de l'article 27-II de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 1er du décret du 25 août 1995 modifié relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique ; qu'à la suite du refus définitif de M. A de signer le contrat qui lui avait été adressé ainsi que le procès verbal d'installation l'accompagnant, le recteur a, par une décision du 18 janvier 2010, retiré sa proposition et informé l'intéressé qu'il ne pourrait plus bénéficier d'un recrutement au titre de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-2 du code du travail ;

Considérant que, par une première ordonnance du 25 février 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de suspension présentée par M. A contre les décisions susvisées au motif, s'agissant de la décision résultant des courriers du 22 décembre 2009 et du 8 janvier 2010, que le demandeur n'apportait pas de justifications de nature à établir l'existence d'une situation d'urgence et, s'agissant de la décision du 18 janvier 2010, qu'aucun des moyens invoqués par l'intéressé n'était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que, par une seconde ordonnance du 6 avril 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a de nouveau rejeté la demande de suspension présentée par M. A à l'encontre de la décision prise par le recteur de l'académie de Versailles le 18 janvier 2010 au motif que les moyens invoqués n'étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ladite décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Sur la décision résultant des courriers du 22 décembre 2009 et du 8 janvier 2010 :

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 521-1, R. 522-1 et R. 742-2 du code de justice administrative que le juge des référés qui rejette une demande de suspension de l'exécution d'une décision administrative au motif qu'il n'est pas justifié de l'urgence de l'affaire au sens des dispositions de l'article L. 521-1, n'est pas tenu d'analyser les moyens relatifs à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, pour justifier de l'existence d'une situation d'urgence à l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de la décision du recteur de l'académie de Versailles révélée par les courriers du 22 décembre 2009 et du 8 janvier 2010 refusant de modifier sa proposition de contrat de recrutement au titre de l'article 27-II de la loi du 11 janvier 1984 en tant que cette proposition portait sur un service à temps incomplet et ne prévoyait pas une titularisation immédiate en qualité de professeur agrégé, M. A s'est borné à faire valoir, sans autre précision, qu'il devait entamer sa formation et avait commencé à assurer des enseignements depuis le 1er septembre 2009 ; qu'en jugeant que le requérant ne justifiait pas ainsi de l'urgence à suspendre la décision litigieuse, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a entaché l'ordonnance attaquée, ni de dénaturation, ni d'erreur de droit ;

Sur la décision du 18 janvier 2010 et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois :

Considérant que M. A soutenait devant le juge des référés que le recteur de l'académie de Versailles n'avait pu légalement décider qu'il cesserait de bénéficier des dispositions de l'article 27-II de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 25 août 1995 en tant qu'agent contractuel recruté au titre de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-2 du code du travail au motif qu'il avait refusé la proposition qui lui avait été adressée à ce titre le 22 décembre 2009 ; qu'en ne retenant pas ce moyen comme étant de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, alors que le bénéfice des dispositions de l'article 27-II dépend de la qualité de personne handicapée, le juge des référés, eu égard à l'office que lui attribuent les articles L. 511-1 et L. 521-1 du code de justice administrative, a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 25 février 2010 en tant qu'elle s'est prononcée sur sa demande de suspension de l'exécution de la décision du 18 janvier 2010 du recteur de l'académie de Versailles ainsi que l'annulation de l'ordonnance du 6 avril 2010 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre des procédures de référé engagées par M. A, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence nécessitant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

Considérant que, si le ministre de l'éducation nationale fait valoir que M. A a été rémunéré à la fin du mois de mars 2010 à l'échelle de rémunération des maîtres auxiliaires de deuxième catégorie en contrepartie du service accompli entre le 1er septembre 2009 et le 17 février 2010, il résulte de l'instruction que la décision litigieuse du recteur de l'académie de Versailles prive définitivement le requérant de la possibilité de bénéficier d'un recrutement contractuel au titre de l'article 27-II de la loi du 11 janvier 1984 et a pour effet de l'empêcher de poursuivre, depuis la fin de cette période, une activité d'enseignement au sein de l'établissement considéré ; que, dans ces conditions, alors même que la situation du requérant est liée à son refus d'accepter la proposition de contrat de recrutement que le recteur lui a adressée, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le recteur a commis une erreur de droit en estimant que le refus de M. A d'accepter sa proposition de recrutement en qualité d'agent contractuel bénéficiant de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-2 du code du travail du 22 décembre 2009 était de nature à priver ce dernier du bénéfice des dispositions de l'article 27-II de la loi du 11 janvier 1984 est de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 18 janvier 2010 du recteur de l'académie de Versailles ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la suspension de cette décision ;

Considérant que la présente décision, si elle implique que le recteur de l'académie de Versailles réexamine la situation de M. A, n'implique pas nécessairement qu'il lui propose un contrat de recrutement à temps complet sur le poste convoité par l'intéressé ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte, présentées par M. A, doivent être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme globale de 3 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 25 février 2010 est annulée en tant qu'elle se prononce sur la demande de M. A visant à la suspension de l'exécution de la décision du 18 janvier 2010 du recteur de l'académie de Versailles.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 6 avril 2010 est annulée.

Article 3 : L'exécution de la décision du 18 janvier 2010 du recteur de l'académie de Versailles est suspendue.

Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des pourvois de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Muthafar A et au ministre de l'éducation nationale, porte-parole du gouvernement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 08 nov. 2010, n° 338555
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: M. Olivier Talabardon
Rapporteur public ?: Mme Dumortier Gaëlle
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 08/11/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 338555
Numéro NOR : CETATEXT000023038966 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-11-08;338555 ?
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