La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2010 | FRANCE | N°314046

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 10 novembre 2010, 314046


Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 7 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 décembre 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant que, faisant partiellement droit à la requête de la SA Gaillard, il a déchargé celle-ci des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 et réformé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 fév

rier 2004 en ce sens ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'app...

Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 7 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 27 décembre 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant que, faisant partiellement droit à la requête de la SA Gaillard, il a déchargé celle-ci des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 et réformé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2004 en ce sens ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la SA Gaillard ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SA Gaillard,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SA Gaillard,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Gaillard, créée le 7 décembre 1995 afin de reprendre une entreprise en difficulté conformément au plan de cession adopté par un jugement du tribunal de grande instance de Bonneville du 6 décembre 1995, s'est placée sous le régime de l'exonération temporaire d'impôt sur les sociétés prévu par les dispositions du premier alinéa de l'article 44 septies du code général des impôts ; qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de ce régime, en raison de l'absorption par la SA Gaillard, au cours de l'année 1996, conformément aux dispositions de l'article 1844-5 du code civil, de la SA Etablissement Farmio dont elle était actionnaire unique ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir réformé le jugement du 12 février 2004 du tribunal administratif de Grenoble, a déchargé la SA Gaillard des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ; que, par la voie du pourvoi incident, la SA Gaillard demande l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution de 10 % et de contribution temporaire de 15 % sur l'impôt sur les sociétés ;

Sur le pourvoi principal du ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 44 septies du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur pendant les années d'imposition en litige : Les sociétés créées à compter du 1er octobre 1988 pour reprendre une entreprise industrielle en difficulté qui fait l'objet d'une cession ordonnée par le tribunal en application des articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises sont exonérées d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création (...) / Lorsqu'une société créée dans les conditions prévues aux trois alinéas ci-dessus interrompt, au cours des trois premières années d'exploitation, l'activité reprise ou est affectée au cours de la même période par l'un des événements mentionnés au premier alinéa du 2 de l'article 221 du présent code, l'impôt sur les sociétés dont elle a été dispensée en application du présent article devient immédiatement exigible sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 et compté à partir de la date à laquelle il aurait dû être acquitté. ; qu'aux termes du premier alinéa du 2 de l'article 221 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : En cas de dissolution, de transformation entraînant la création d'une personne morale nouvelle, d'apport en société, de fusion, de transfert du siège ou d'un établissement à l'étranger, l'impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l'article 201 ; qu'aux termes de l'article 1844-5 du code civil : La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. / (...) / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. (....) La transmission du patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées ;

Considérant, en premier lieu, que la transmission universelle de patrimoine entraînée, en vertu de l'article 1844-5 du code civil, par la dissolution sans liquidation d'une société dont toutes les parts ont été réunies en une seule main ne procède pas d'une opération de fusion, au sens que revêt ce terme en droit civil comme en droit des sociétés ; que le terme fusion mentionné par le premier alinéa précité du 2 de l'article 221 du code général des impôts, auquel renvoient les dispositions précitées de l'article 44 septies du même code, s'applique à une catégorie d'opération définie et régie par le droit des sociétés et ne saurait, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, s'entendre comme incluant toutes autres opérations, non mentionnées par ce texte, qui, sans constituer une fusion proprement dite, ont pour conséquence une transmission universelle de patrimoine ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 44 septies du code général des impôts, ni d'ailleurs des travaux préparatoires de la loi du 23 décembre 1988 portant loi de finances pour 1989 dont elles sont issues, que le législateur devrait être regardé comme ayant nécessairement entendu inclure, parmi les événements qui conduisent à la perte du bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés que prévoient ces dispositions, les opérations de dissolution sans liquidation régies par l'article 1844-5 du code civil, alors même qu'elles présentent certaines similitudes avec une fusion ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la cour n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que la transmission à la SA Gaillard du patrimoine de la SA Etablissement Farmio, faisant suite à la dissolution de cette dernière en vertu des dispositions de l'article 1844-5 du code civil, ne pouvait être assimilée, pour l'application de l'article 44 septies du code général des impôts, à une opération de fusion et justifier la remise en cause, pour les années 1996 et 1997, de l'exonération de l'impôt sur les sociétés dont bénéficiait la société ; qu'ainsi le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 27 décembre 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a déchargé la SA Gaillard des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 :

Sur le pourvoi incident de la SA Gaillard :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant le tribunal administratif de Grenoble du 19 juin 2001, la SA Gaillard a demandé la décharge non seulement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, mais aussi des cotisations supplémentaires de la contribution supplémentaire de 10 % et de la contribution temporaire de 15 % ainsi que des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ; que, dès lors, la cour ne pouvait juger que ses conclusions d'appel relatives aux contributions de 10 % et 15 % et aux intérêts de retard étaient nouvelles et, par suite, irrecevables ; que la SA Gaillard est ainsi fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires des contributions de 10 % et de 15 % sur l'impôt sur les sociétés, ainsi que des intérêts de retard ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Grenoble, la SA Gaillard a présenté devant lui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des conclusions tendant à la fois à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 et à la décharge des cotisations supplémentaires des contributions de 10 % et 15 % sur l'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard au titre des mêmes années ; qu'il en résulte que la société, qui est définitivement déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à la suite du rejet, par la présente décision, du pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a prononcé cette décharge, est fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point et la décharge des cotisations supplémentaires des contributions de 10 % et 15 % sur l'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ;

Sur les conclusions de la SA Gaillard tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SA Gaillard de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 décembre 2007 et le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 février 2004 sont annulés en tant qu'ils rejettent les conclusions de la SA Gaillard tendant à la décharge des cotisations supplémentaires des contributions de 10 % et de 15 % sur l'impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997.

Article 3 : La SA Gaillard est déchargée des cotisations supplémentaires des contributions de 10 % et de 15% sur l'impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997.

Article 4 : L'Etat versera à la SA Gaillard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la SA Gaillard.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 314046
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. PERSONNES ET ACTIVITÉS IMPOSABLES. EXONÉRATION DE CERTAINES ENTREPRISES NOUVELLES (ART. 44 BIS ET SUIVANTS DU CGI). - EXONÉRATION DES SOCIÉTÉS CRÉÉES POUR REPRENDRE UNE ENTREPRISE INDUSTRIELLE EN DIFFICULTÉ (ART. 44 SEPTIES DU CGI) - 1) NOTION DE FUSION, FAISANT PERDRE À L'ENTREPRISE LE BÉNÉFICE DE L'EXONÉRATION - TRANSMISSION UNIVERSELLE DE PATRIMOINE OPÉRÉE EN CAS DE DISSOLUTION SANS LIQUIDATION D'UNE SOCIÉTÉ DONT TOUTES LES PARTS ONT ÉTÉ RÉUNIES EN UNE SEULE MAIN (ART. 1844-5 DU CODE CIVIL) - EXCLUSION [RJ1] - 2) CONDITIONS - EXERCICE À TITRE EXCLUSIF DE L'ACTIVITÉ REPRISE - ABSENCE [RJ2].

19-04-02-01-01-03 1) La transmission universelle de patrimoine qui s'opère, en vertu de l'article 1844-5 du code civil, en cas de dissolution sans liquidation d'une société dont toutes les parts ont été réunies en une seule main, n'est pas une fusion au sens de l'article 221 du code général des impôts (CGI), auquel renvoie l'article 44 septies du même code pour la détermination des événements faisant perdre à l'entreprise le bénéfice de l'exonération.... ...2) La société repreneuse peut ne pas exercer à titre exclusif l'activité industrielle en difficulté qu'elle a reprise et conserver le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 44 septies.


Références :

[RJ1]

Cf., en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, 1er juillet 2009, SA Supra, n° 285718, T. pp. 706-707.,,

[RJ2]

Comp., s'agissant de l'article 44 sexies, 8 juillet 1998, SARL Seuge Quero Informatique, n° 186279, inédite au Recueil, RJF 08-09/98, n° 921.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2010, n° 314046
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: Mme Cortot-Boucher Emmanuelle
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:314046.20101110
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award