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10/11/2010 | FRANCE | N°335455

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 10 novembre 2010, 335455


Vu l'ordonnance du 21 décembre 2009, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 janvier 2010, par laquelle le président du tribunal administratif de Lille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la REGION NORD-PAS-DE- CALAIS ;

Vu la requête, enregistrée le 11 août 2006 au greffe du tribunal administratif de Lille, présentée par la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, représentée par le président du conseil régional ; la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS demande à l

a juridiction administrative :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la ...

Vu l'ordonnance du 21 décembre 2009, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 janvier 2010, par laquelle le président du tribunal administratif de Lille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la REGION NORD-PAS-DE- CALAIS ;

Vu la requête, enregistrée le 11 août 2006 au greffe du tribunal administratif de Lille, présentée par la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, représentée par le président du conseil régional ; la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS demande à la juridiction administrative :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a rejeté le recours gracieux présenté par le président de son conseil régional contre l'arrêté du 30 janvier 2006 fixant le nombre d'emplois ou de fractions d'emplois affectés aux services transférés par l'Etat et participant aux missions d'accueil, de restauration, d'hébergement et d'entretien général et technique dans les établissements dont elle a la charge ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prendre dans un délai de 6 mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, un nouvel arrêté prenant en compte les ajustements de personnels intervenus à l'occasion de la rentrée scolaire 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam, Auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

Considérant que la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS demande au Conseil d'Etat l'annulation de la décision implicite du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, née le 18 juin 2006 du silence gardé par ce ministre, rejetant son recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 30 janvier 2006 fixant le nombre d'emplois et de fractions d'emplois affectés aux services ou parties de services qui lui ont été transférés par l'Etat et participant aux missions d'accueil, de restauration, d'hébergement et d'entretien général et technique dans les établissements dont elle a la charge ; qu'en attaquant cette décision de refus, la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS doit être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2006 ;

Sur la fin de non- recevoir opposée par le ministre :

Considérant que la fixation du nombre d'emplois et de fractions d'emplois affectés aux services ou parties de services transférés par l'Etat à la collectivité territoriale requérante fait grief à celle-ci ; qu'ainsi le ministre ne saurait soutenir que la requête de la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, qui a été par ailleurs régulièrement présentée, est irrecevable ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de la requête :

Considérant que, par une décision du 16 mai 2008, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé le décret n° 2005-1631 du 26 décembre 2005 fixant les modalités du transfert définitif aux départements et aux régions de services ou de parties de services du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

Considérant que l'arrêté du 30 janvier 2006 fixant le nombre d'emplois et de fractions d'emplois affectés aux services ou parties de services transférés par l'Etat à la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS et participant aux missions d'accueil, de restauration, d'hébergement et d'entretien général et technique exerçant dans les établissements dont elle a la charge, constitue une mesure d'application de l'article 2 du décret du 26 décembre 2005 ; qu'il doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de ce décret ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2006 qu'elle attaque ;

Sur les conséquences de l'illégalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne l'office du juge :

Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;

En ce qui concerne l'application de ces principes à l'arrêté attaqué :

Considérant que l'arrêté attaqué a produit ses effets ; que le droit d'option entre le statut de fonctionnaire territorial et le maintien du statut de fonctionnaire d'Etat ouvert, pour les agents concernés, par les dispositions du I de l'article 109 de la loi du 13 août 2004, ayant été exercé jusqu'au 31 décembre 2007, les décisions individuelles d'intégration ou de détachement qui en résultent ont pris effet au plus tard le 1er janvier 2009, conformément aux dispositions de l'article 147 de la loi de finances pour 2006 ; qu'en outre, les lois de finances pour 2007 et pour 2008 ont autorisé le versement aux collectivités territoriales concernées des compensations financières auxquelles elles ont droit ;

Considérant que, compte tenu des effets que l'arrêté attaqué a produits, et eu égard à l'intérêt qui s'attache d'une part, à la continuité de l'exercice, par les différentes collectivités publiques, de leurs compétences, d'autre part, à la sécurité juridique des collectivités territoriales et des personnels concernés, auxquelles une annulation rétroactive des dispositions de l'arrêté attaqué porterait une atteinte manifestement excessive, il y a lieu de n'en prononcer l'annulation - sous réserve des droits des personnes qui ont engagé une action contentieuse à la date de la présente décision - qu'à compter du 1er janvier 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que l'article L. 911-2 du même code dispose que lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant qu'en fixant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au 1er janvier 2011 la date d'effet de l'annulation de l'arrêté attaqué, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, le Conseil d'Etat a entendu prévenir l'insécurité juridique qui aurait pu, en raison de cette annulation, affecter la situation individuelle des agents concernés par le transfert de leur emploi et remettre en cause le versement par l'Etat de la compensation financière due à la région requérante ; que, pour déroger ainsi, à titre exceptionnel, au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses, le Conseil d'Etat a jugé implicitement mais nécessairement que le moyen d'annulation soulevé par la région à l'appui de sa requête contre l'arrêté n'était pas susceptible d'être accueilli ; que, dès lors, l'Etat, qui a pris l'ensemble des mesures nécessaires pour que soient légalement mises en oeuvre les dispositions du VII de l'article 104 de la loi du 13 août 2004 en prenant les mesures administratives et financières nécessaires au transfert effectif des personnels et au versement à la région de la compensation financière à laquelle elle avait droit, n'est pas tenu de reprendre un arrêté ayant le même objet que l'arrêté attaqué ; que la présente décision n'implique donc, au cas d'espèce, aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de la requête aux fins d'injonction doivent être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, l'arrêté du 30 janvier 2006 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche fixant le nombre d'emplois et de fractions d'emplois affectés aux services ou parties de services transférés par l'Etat à la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS et participant aux missions d'accueil, de restauration, d'hébergement et d'entretien général et technique dans les établissements dont elle a la charge est annulé à compter du 1er janvier 2011.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la REGION NORD-PAS-DE-CALAIS, au ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 335455
Date de la décision : 10/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2010, n° 335455
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam
Rapporteur public ?: Mme Cortot-Boucher Emmanuelle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:335455.20101110
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