La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2010 | FRANCE | N°314366

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 19 novembre 2010, 314366


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 17 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI START IMMO dont le siège social est 83 rue Le Verrier à Vineuil (41350) ; la SCI START IMMO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 18 décembre 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a refusé de lui accorder l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 3 100 m2 spécialisé en équipement de la personne à

l'enseigne Le Château des Marques à Mer (Loir-et-Cher) ;

2°) de surseoir...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 17 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI START IMMO dont le siège social est 83 rue Le Verrier à Vineuil (41350) ; la SCI START IMMO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 18 décembre 2007 par laquelle la commission nationale d'équipement commercial a refusé de lui accorder l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 3 100 m2 spécialisé en équipement de la personne à l'enseigne Le Château des Marques à Mer (Loir-et-Cher) ;

2°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi nº 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SCI START IMMO,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SCI START IMMO,

Considérant que par une décision du 18 décembre 2007, la commission nationale d'équipement commercial a refusé d'accorder à la SCI START IMMO l'autorisation de créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 3 100 m² spécialisé en équipement de la personne à l'enseigne le Château des marques , comprenant vingt-trois boutiques dont deux de plus de 300 m² à Mer (Loir-et-Cher) ; que la SCI START IMMO demande l'annulation de cette décision ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que les décisions de la commission nationale d'équipement commercial doivent porter mention de la régularité de la composition de la commission et de ce que ses membres ont pu prendre connaissance du dossier en temps utile ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée n'a pas fait état du respect de ces formalités doit être écarté ;

Considérant que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la commission nationale d'équipement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que celle-ci soit tenue de se prononcer explicitement sur chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en se référant notamment à la situation démographique et à l'état de l'appareil commercial de la zone de chalandise, en relevant que la densité en grandes et moyennes surfaces spécialisées, tant en équipement de la personne qu'en équipement de la maison, était supérieure aux moyennes nationale et départementale, ainsi qu'en indiquant que le projet pouvait remettre en cause l'équilibre entre les différentes formes de commerce et qu'il ne présentait pas, par ailleurs, d'avantages suffisants au regard des autres critères posés par la loi du 27 décembre 1973, la commission a, en l'espèce, suffisamment motivé sa décision ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission nationale d'équipement commercial, qui s'est prononcée au vu de l'ensemble des éléments du dossier, a pris en compte la spécificité de la politique commerciale du type de magasins projetés dans le cadre d'un centre de marques et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 752-6 du code de commerce alors applicable ;

Considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dans leur version en vigueur à la date de la décision attaquée, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après la réalisation du projet contesté, la densité de la zone de chalandise en grandes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne serait de 95 m2 pour 1 000 habitants et dépasserait ainsi nettement les moyennes nationale et départementale de référence, lesquelles se situent respectivement à 75 et 66 m2 pour 1 000 habitants ; que, dès lors, comme l'a relevé la commission nationale d'équipement commercial qui n'a pas commis d'erreur de droit en se référant aux critères de densité commerciale au titre du 2°, alors en vigueur, de l'article L. 752-6 du code de commerce applicable à toutes les catégories de commerces soumis à autorisation, ce projet serait de nature à porter atteinte à l'équilibre constaté entre les différentes formes de commerce ;

Considérant que les effets positifs susceptibles de résulter de l'octroi de l'autorisation en matière de satisfaction des consommateurs, d'animation de la concurrence, de création d'emplois et d'aménagement du territoire ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'importance des dépassements de densité précités, de nature à compenser ce déséquilibre ; que, dès lors, la commission nationale d'équipement commercial a fait une exacte appréciation des objectifs fixés par les dispositions législatives précitées en rejetant pour ces motifs l'autorisation demandée ;

Sur les moyens relatifs à l'incompatibilité de la législation applicable avec le droit communautaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, alors en vigueur : Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. / La liberté d'établissement comporte (...) la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 48, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres établissements (...) ; qu'il résulte de ces stipulations, telles que les a interprétées la Cour de justice de l'Union européenne, que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent s'appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; qu'à cet égard, il incombe au juge national de se prononcer au vu des modalités concrètes d'application de la réglementation contestée devant lui ;

Considérant que les dispositions de la loi du 27 décembre 1973 et de la loi du 5 juillet 1996, qui soumettent notamment l'implantation ou l'extension de certains commerces de détail d'une surface de plus de 300 m2 à une autorisation délivrée par la commission départementale d'équipement commercial et, sur recours, par la commission nationale d'équipement commercial, sous le contrôle du juge, si elles n'instaurent pas d'inégalité de traitement, directe ou indirecte, susceptible de défavoriser les entreprises ayant leur siège dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, dès lors qu'elles s'appliquent indistinctement à toutes les personnes susceptibles d'exploiter un équipement commercial de ce type quelle que soit leur nationalité, peuvent cependant être de nature à restreindre, pour les ressortissants d'un des Etats membres de l'Union européenne ou installés à l'intérieur de celle-ci, la liberté d'établissement ou la libre prestation des services ; que, toutefois, les limitations qui peuvent découler de la mise en oeuvre de ces dispositions répondent à des motifs d'intérêt général, liés notamment à la préservation des petites entreprises, à l'emploi et à l'aménagement du territoire ; que ces motifs constituent des raisons impérieuses d'intérêt général de nature à justifier une limitation à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services ;

Considérant qu'aux termes de l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne alors en vigueur : Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ;

Considérant que les autorisations de création ou d'extension de magasins de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m² sont accordées par une commission départementale d'équipement commercial, dont les décisions peuvent faire l'objet d'un recours devant la commission nationale d'équipement commercial ; qu'eu égard à la composition et aux conditions de fonctionnement des commissions d'équipement commercial, les décisions qu'elles prennent ne peuvent être regardées comme des ententes entre entreprises que les pouvoirs publics auraient imposées ou favorisées ou dont ils auraient renforcé les effets ; que les commissions départementales et la commission nationale d'équipement commercial sont des organes de l'Etat, dont les décisions, fondées sur les critères fixés par le législateur, sont soumises au contrôle du juge administratif ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les pouvoirs publics auraient délégué leurs compétences à des opérateurs économiques privés en méconnaissance de l'article 81 CE du traité ci-dessus rappelé ;

Considérant que si la requérante a également entendu invoquer l'incompatibilité de ces dispositions avec les articles 49 et 82 du même traité, ce moyen n'est assorti d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que la décision attaquée est antérieure à la date d'expiration du délai imparti pour la transposition de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, fixée au 28 décembre 2009 ; que, dès lors, la société requérante ne peut utilement soutenir qu'à la date de la décision attaquée, les dispositions de la directive auraient fait obstacle à l'application des lois du 27 décembre 1973 et du 5 juillet 1996 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SCI START IMMO n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise sur le fondement de dispositions nationales incompatibles avec le droit de l'Union européenne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI START IMMO n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SCI START IMMO au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SCI START IMMO est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCI START IMMO, à la commission nationale d'aménagement commercial et à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 314366
Date de la décision : 19/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2010, n° 314366
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:314366.20101119
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award