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24/11/2010 | FRANCE | N°325383

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 24 novembre 2010, 325383


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Louis A, demeurant au ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA03290 du 19 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement n° 9904258-0014488 du 1er juin 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant le surplus des conclusions de leurs demandes tendant à la décharge des cotisat

ions supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement social de 1...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Louis A, demeurant au ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA03290 du 19 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement n° 9904258-0014488 du 1er juin 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant le surplus des conclusions de leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement social de 1 % et de contribution sociale généralisée auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992 et 1993 ainsi que des pénalités correspondantes et à ce qu'il leur soit accordé le bénéfice du paiement fractionné de ces impositions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion de l'examen de la situation fiscale d'ensemble de M. et Mme A, l'administration a constaté qu'ils avaient vendu en 1992 et 1993 54/300èmes des droits indivis qu'ils détenaient sur un immeuble situé à Paris et qu'ils n'avaient pas déclaré les plus-values dégagées à l'occasion de ces cessions ; qu'en 1995 et 1996, elle leur a notifié des redressements au titre de ces plus-values et a mis en recouvrement en 1998 les impositions supplémentaires en résultant ainsi que les intérêts de retard et pénalités correspondantes ; que M. et Mme A ont contesté ces impositions en demandant le rattachement des plus-values à l'année 1988, l'autorisation de fractionner le paiement des impositions sur le fondement de l'article 150 R du code général des impôts et la décharge de la majoration de 10 % au titre de l'année 1993 ; que par arrêt du 19 décembre 2008 contre lequel ils se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juin 2006 rejetant sur ces points leurs demandes ;

Sur l'arrêt en tant qu'il porte sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 150 S du code général des impôts applicable aux années 1992 et 1993 : Les plus-values imposables sont déclarées dans les mêmes conditions que le revenu global et sous les mêmes sanctions. L'impôt est établi au titre de l'année de cession ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A avaient conclu avec un tiers le 22 novembre 1988 une promesse synallagmatique de vente portant sur 54/300èmes de droits indivis qu'ils détenaient sur un immeuble ; que, par une nouvelle promesse de vente du 10 janvier 1992, ils se sont engagés à revendre à la SNC du Havre et Compagnie, qui se substituait à la personne qui avait signé la précédente promesse de vente, les 4/300èmes de ces droits indivis ; que la cour a relevé que, par une promesse de vente du 17 janvier 1992, ils s'étaient engagés à vendre à la même société les 50/300èmes des droits indivis sur le même immeuble, que cette promesse stipulait qu'elle annulait et remplaçait toute promesse ou convention antérieure s'appliquant à l'immeuble en cause et qu'elle avait abouti à la cession par acte du 12 février 1993 de ces 50/300èmes de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi, la cour a suffisamment motivé son arrêt dès lors que la promesse de vente du 17 janvier 1992, qui portait sur 50/300èmes des droits indivis, avait annulé et remplacé celle du 22 novembre 1988, qui portait sur 54/300èmes des droits et, par suite, sur les 4/300èmes des droits, cédés séparément de ces 50/300èmes en 1992 ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de l'ensemble de ces constatations que les cessions des droits indivis étaient intervenues au moment de la signature des actes de vente, respectivement au cours de l'année 1992 pour les 4/300èmes de ces droits et au cours de l'année 1993 pour les 50/300èmes des droits et qu'en conséquence, les plus-values se rattachaient à ces deux années et non à l'année 1988 ;

Sur l'arrêt en tant qu'il porte sur la demande de paiement fractionné des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 150 R du code général des impôts alors en vigueur : Le total net des plus-values est divisé par cinq. Le résultat est ajouté au revenu global net. L'impôt est égal à cinq fois la cotisation supplémentaire ainsi obtenue ; sous réserve des plus-values définies à l'article 150 K, premier alinéa, son paiement peut être fractionné pendant une période de cinq ans selon des modalités qui seront fixées par décret ; qu'aux termes de l'article 74 R de l'annexe II au code général des impôts alors en vigueur : Le bénéfice du paiement fractionné est subordonné à une demande expresse du contribuable. La mise en recouvrement de l'impôt est alors fractionnée par parts égales sur les cinq années suivant celle de la réalisation de la plus-value. Elle donne lieu au paiement de l'intérêt au taux légal... ;

Considérant que les dispositions de l'article 150 R du code général des impôts ouvrent au contribuable un droit au paiement fractionné, sur une période de cinq ans, des seules cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement social, à l'exception de la contribution sociale généralisée ; que lorsque le contribuable fait l'objet d'une imposition primitive, il a droit, en vertu des dispositions de l'article 74 R de l'annexe II au code, qui ne fixe le point de départ du fractionnement que pour les seules impositions primitives, au paiement fractionné sur une période de cinq ans suivant la réalisation de la plus-value ; que lorsque le contribuable fait l'objet d'une imposition supplémentaire, il a droit à ce paiement fractionné sur une période de cinq ans qui court à compter de la mise en recouvrement de l'imposition supplémentaire ; que, par suite, en jugeant, pour rejeter les conclusions des requérants, que le paiement des impositions supplémentaires correspondant aux plus-values réalisées en 1992 et 1993 ne pouvait être fractionné respectivement que jusqu'en 1997 et en 1998 et que l'année 1998 au cours de laquelle avaient été mises en recouvrement les impositions supplémentaires était la dernière année au cours de laquelle le paiement fractionné aurait pu être accordé, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant que M. et Mme A sont fondés à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur la majoration de 10 % relative à l'imposition de l'année 1993 :

Considérant qu'en rejetant comme irrecevables les conclusions de M. et Mme A portant sur cette majoration au motif que, par une décision du 31 décembre 1998, l'administration avait prononcé, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée, le dégrèvement de la majoration de 10 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, majoration qu'elle avait substituée pour l'année 1993 aux pénalités de 40 % sanctionnant leur mauvaise foi, la cour a dénaturé les pièces du dossier dès lors que les requérants contestaient devant le juge du fond la majoration de 10% qui avait été remise à leur charge le 31 décembre 1999 et contre laquelle ils avaient formé une réclamation rejetée par l'administration ;

Considérant que M. et Mme A sont également fondés à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. et Mme A qui ont formulé dans le délai de réclamation leur demande en 1998 sont en droit de bénéficier des dispositions de l'article 150 R du code général des impôts ; que, par suite, il y a lieu de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvement social de 1 % auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992 et 1993 à concurrence des quatre cinquièmes correspondant aux plus-values taxées ainsi que de la majoration de 10% et des intérêts de retard correspondants et de réformer dans cette mesure l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 5 janvier 1999 l'administration a avisé les requérants qu'elle remettait à leur charge la majoration de 10 % au motif que la plus-value réalisée en 1993 n'avait pas été déclarée ; que cette motivation satisfaisait aux exigences de l'article L 80 D du livre des procédures fiscales ; que par suite, M et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a dans cette mesure, soit un cinquième des plus values taxées, rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M et Mme A d'une somme de 3000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 décembre 2008 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. et Mme A relatives, d'une part, au paiement fractionné des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement social de 1% portant sur les plus-values réalisées en 1992 et 1993 et, d'autre part, à la majoration de 10% pour défaut de déclaration pour l'année 1993.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés, à concurrence des quatre cinquièmes, d'une part des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement social de 1 % auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1992 et 1993 à raison des plus-values taxées au titre de ces années ainsi que des intérêts de retard correspondants et, d'autre part, de la majoration de 10% pour défaut de déclaration au titre de l'année 1993, appliquée à ces quatre cinquièmes.

Article 3 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. et Mme A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Louis A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte parole du gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 325383
Date de la décision : 24/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. PLUS-VALUES DES PARTICULIERS. - PAIEMENT FRACTIONNÉ DE L'IMPÔT RÉSULTANT DE L'ADDITION DES PLUS-VALUES AU REVENU GLOBAL NET (ANCIEN ART. 150 R DU CGI) - 1) CHAMP D'APPLICATION - 2) POINT DE DÉPART DU FRACTIONNEMENT DANS LE CAS D'UNE IMPOSITION SUPPLÉMENTAIRE [RJ1].

19-04-02-08 1) Dans l'ancien régime d'imposition des plus-values sur les biens et droits mobiliers ou immobiliers des particuliers, l'article 150 R du code général des impôts (CGI) ouvre au contribuable un droit au paiement fractionné, sur une période de cinq ans, des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement social, à l'exception de la contribution sociale généralisée, selon des modalités précisées par décret. 2) Lorsque le contribuable fait l'objet d'une imposition primitive établie à raison d'une telle plus-value, il a droit, en vertu des dispositions de l'article 74 R de l'annexe II au code, qui ne fixe le point de départ du fractionnement que pour les seules impositions primitives, au paiement fractionné sur une période de cinq ans suivant la réalisation de la plus-value. Lorsque le contribuable fait l'objet d'une imposition supplémentaire, il a droit à ce paiement fractionné sur une période de cinq ans qui court à compter de la mise en recouvrement de l'imposition supplémentaire.


Références :

[RJ1]

Cf., sur l'applicabilité de l'article 150 R au cas d'une imposition supplémentaire établie à raison de la plus-value, 23 mai 1984, Min. c/ Richard, n° 50773, p. 188.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 nov. 2010, n° 325383
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:325383.20101124
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