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01/12/2010 | FRANCE | N°328292

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 01 décembre 2010, 328292


Vu le pourvoi, enregistré le 26 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 5259 du 25 mars 2009 par lequel la cour régionale des pensions de Dijon a confirmé le jugement du 9 juin 2008 du tribunal départemental des pensions de la Haute-Marne accordant à M. Claude A la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée au grade de major de la gendarmerie nationale, sur la base de l'indice afférent au grade équivalent de major de

la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit...

Vu le pourvoi, enregistré le 26 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 5259 du 25 mars 2009 par lequel la cour régionale des pensions de Dijon a confirmé le jugement du 9 juin 2008 du tribunal départemental des pensions de la Haute-Marne accordant à M. Claude A la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée au grade de major de la gendarmerie nationale, sur la base de l'indice afférent au grade équivalent de major de la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet (...) / Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l'économie et des finances. La concession ne devient définitive qu'après intervention dudit arrêté. / (...) / Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière (...), pour lesquels la pension est liquidée, selon les cas, par le ministre d'Etat chargé de la défense nationale ou le ministre chargé de la France d'outre-mer, la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par arrêté signé du ministre de l'économie et des finances ; qu'aux termes de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions : L'intéressé peut, dans un délai de six mois, se pourvoir devant le tribunal des pensions contre la décision prise en vertu soit du premier alinéa, soit du dernier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / (...) / L'intéressé peut également, dans le même délai, se pourvoir devant le tribunal des pensions contre la décision prise en vertu de l'article L. 24, deuxième alinéa, sauf si cette décision a simplement confirmé la décision primitive ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction alors en vigueur : Les contestations auxquelles donne lieu l'application du présent livre et du livre II sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions, ou le tribunal des pensions dans les collectivités d'outre-mer, et en appel par la cour régionale des pensions, ou la cour des pensions d'outre-mer dans les collectivités d'outre-mer, du domicile de l'intéressé ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction alors en vigueur : Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits ; / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai, dans les mêmes formes que la concession, sur l'initiative du ministre liquidateur ou à la demande des parties, et par voie administrative si la décision qui avait alloué la pension définitive ou temporaire n'avait fait l'objet d'aucun recours. / Dans le cas contraire, la demande en révision est portée devant le tribunal qui avait rendu la décision attaquée (...) ;

Considérant que la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit s'analyser comme une demande de révision de pension au sens des dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions rappelées ci-dessus que, passé le délai de six mois offert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander la révision de cette dernière que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78, tenant à une erreur matérielle lors de la liquidation de la pension ou au caractère inexact des énonciations des actes ou pièces au vu desquels a été pris l'arrêté de concession en ce qui concerne, soit le grade du pensionné, soit l'état de ses services, soit son état civil ou sa situation de famille, soit, enfin, son droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits ; que le décalage défavorable invoqué par M. A entre les indices des pensions d'invalidité servies à plusieurs grades de sous-officiers des armées de terre et de l'air et de la gendarmerie et les indices afférents aux pensions servies aux personnels de grade équivalent de la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de la pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à la personne de M. A, notamment quant au grade qu'il détenait ou au statut générateur de droit auquel il pouvait légalement prétendre, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ;

Considérant que, si M. A excipe de la méconnaissance, par les dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel à cette convention garantissant le droit à un recours effectif devant une juridiction, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation et, comme tel, irrecevable ; qu'au demeurant, les dispositions en cause s'appliquent aux pensionnés comme à l'administration ; que si elles prémunissent cette dernière contre des contestations tardives pour des motifs autres que les erreurs et omissions matérielles évoquées ci-dessus, elles garantissent réciproquement aux titulaires de pensions d'invalidité que leurs droits ne pourront être remis en cause par l'administration, sans condition de délai, pour des erreurs de droit ; qu'en tout état de cause, elles ne font pas obstacle à ce que les pensionnés puissent faire valoir utilement leurs droits devant la juridiction des pensions, pour quelque motif que ce soit, dans le délai de recours prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959, dont la durée de six mois, dérogatoire au droit commun, n'apparaît pas manifestement insuffisante à cet effet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne pourrait être opposé à M. A sans méconnaître le droit au recours effectif ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en faisant droit à la demande de M. A tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, sans examiner si, à défaut d'être dans un des cas prévus par l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permettant de demander la révision d'une pension militaire d'invalidité sans condition de délai, l'intéressé était néanmoins recevable, eu égard à la date et aux conditions de la notification de l'arrêté lui ayant concédé sa pension, à solliciter la révision de cette dernière pour quelque motif que ce soit, la cour régionale des pensions de Dijon a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à demander l'annulation de son arrêt ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la cour régionale des pensions de Reims ;

Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente espèce la partie perdante, le versement de la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 25 mars 2009 de la cour régionale des pensions de Dijon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Reims.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS et à M. Claude A.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 328292
Date de la décision : 01/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 01 déc. 2010, n° 328292
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Dumortier Gaëlle
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:328292.20101201
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