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03/12/2010 | FRANCE | N°337058

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 03 décembre 2010, 337058


Vu la requête, enregistrée le 26 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. B...A..., demeurant...,; M. A...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le 4° de l'article 4 du décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009 sur l'expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d'acquisition de la nationalité française ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2010, présentée par M. A... ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonn

ance n° 2004-164 du 20 février 2004 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le co...

Vu la requête, enregistrée le 26 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. B...A..., demeurant...,; M. A...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le 4° de l'article 4 du décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009 sur l'expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d'acquisition de la nationalité française ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2010, présentée par M. A... ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, Auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22 du code civil : " La personne qui a acquis la nationalité française jouit de tous les droits et est tenue à toutes les obligations attachées à la qualité de Français, à dater du jour de cette acquisition " ; qu'aux termes de l'article 27-1 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration, autorisation de perdre la nationalité française, perte ou déchéance de cette nationalité, sont pris et publiés dans des formes fixées par décret (...) " ; que le décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, pris pour l'application de cet article, dispose, à son article 51, que : " Les décrets portant naturalisation ou réintégration dans la nationalité française sont publiés au Journal officiel de la République française. Ils prennent effet à la date de leur signature (...). / Dès la publication prévue au premier alinéa, un extrait de ces décisions et une copie des actes de l'état civil auxquels elles ont donné lieu sont adressés à leur bénéficiaire ou, pour l'enfant mineur, à son représentant légal, par le préfet du département où ils ont établi leur résidence, ou, à Paris, par le préfet de police, ou, si la résidence se trouve à l'étranger, par l'autorité consulaire " ; que l'article 52 de ce décret fixe le mode de preuve d'un décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française ;

Considérant que, dans sa rédaction antérieure au décret attaqué, l'article 52 du décret du 30 décembre 1993 prévoyait que la preuve d'un décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française résultait de la production de l'exemplaire du Journal officiel dans lequel le décret a été publié ou de l'ampliation de ce décret et que, lorsque ces pièces ne pouvaient pas être produites, il pouvait y être suppléé par une attestation ministérielle délivrée à la demande de l'intéressé, de son représentant légal, de ses parents et alliés ou des administrations publiques ou, à défaut, par la production de l'acte de naissance de l'intéressé sur laquelle figure la mention du décret ; que, dans sa rédaction issue du 4° de l'article 4 du décret attaqué, l'article 52 prévoit que la preuve d'un décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française résulte de la production d'une ampliation de ce décret et que, lorsque cette pièce ne peut pas être produite, il peut y être suppléé par la production de la copie intégrale de l'acte de naissance de l'intéressé, de l'extrait de cet acte ou du livret de famille, sur lesquels figure la mention du décret ou, à défaut, par la production d'une attestation ministérielle délivrée à la demande de l'intéressé, de son représentant légal ou des administrations publiques françaises ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs : " Sont publiés au Journal officiel de la République française les lois, les ordonnances accompagnées d'un rapport de présentation, les décrets et, lorsqu'une loi ou un décret le prévoit, les autres actes administratifs " ; que ces dispositions sont sans incidence sur les modalités de preuve des décrets de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 2 de l'ordonnance du 20 février 2004 ne peut qu'être écarté ;

Considérant que les modes de preuve prévus à l'article 52 du décret du 30 décembre 1993 étant propres à l'acquisition de la nationalité par voie de décret de naturalisation, la circonstance que ceux-ci soient différents des autres modes de preuve de la nationalité ne constitue pas une rupture du principe d'égalité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la suppression du Journal officiel comme mode de preuve d'un décret de naturalisation répond à l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude ; qu'il incombe par ailleurs à l'administration, en vertu des dispositions précitées de l'article 51 du décret du 30 décembre 1993, d'adresser à toute personne naturalisée, dès la publication de son décret de naturalisation, un extrait de ce décret ainsi qu'une copie des actes d'état civil portant mention de la naturalisation ; que la production de ces documents permet au bénéficiaire d'un décret de naturalisation d'apporter la preuve de sa nationalité française et d'accomplir l'ensemble des démarches administratives pour lesquelles la preuve du décret de naturalisation est requise ; que, dans ces conditions, la circonstance que le décret attaqué supprime la possibilité de prouver l'existence d'un décret de naturalisation par la production de l'exemplaire du Journal officiel dans lequel le décret de naturalisation a été publié n'a ni pour objet ni pour effet de priver les bénéficiaires du décret de naturalisation de leur capacité à prouver leur nationalité française ; que les dispositions du décret attaqué ne sont donc pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que la circonstance que le décret attaqué ait supprimé les " parents et alliés " de la liste des destinataires de l'attestation ministérielle prévue à l'article 52 du décret du 30 décembre 1993 ne saurait avoir pour effet de priver les tiers se prévalant d'un lien de droit avec une personne naturalisée de la possibilité de prouver auprès des administrations la naturalisation de cette dernière, dès lors, d'une part, que les parents et alliés peuvent se procurer une copie de l'ampliation du décret auprès de la personne naturalisée et, d'autre part, que ce même article 52 prévoit que les administrations publiques françaises peuvent obtenir auprès des services du ministre chargé des naturalisations l'attestation de l'existence d'un décret de naturalisation ; que, par suite, la modification réglementaire à laquelle il a été procédé, justifiée elle aussi par l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude, n'a pas davantage entaché le décret attaqué d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des dispositions du décret qu'il attaque ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., au Premier ministre et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 337058
Date de la décision : 03/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - QUESTIONS GÉNÉRALES - INSTRUCTION DES DEMANDES - MODE DE PREUVE D'UNE SITUATION JURIDIQUE - D'UNE QUALITÉ OU D'UN FAIT - SUPPRESSION PAR LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - 1) CONTRÔLE RESTREINT - 2) ESPÈCE - PREUVE DE L'EXISTENCE D'UN DÉCRET DE NATURALISATION OU DE RÉINTÉGRATION DANS LA NATIONALITÉ FRANÇAISE - SUPPRESSION DE L'EXEMPLAIRE DU JOURNAL OFFICIEL - ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION - ABSENCE.

01-03-01-06 1) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur la suppression, par le pouvoir réglementaire, d'un mode de preuve. 2) En l'espèce, la suppression de la production d'un exemplaire du Journal officiel comme mode de preuve de l'existence d'un décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, qui répond à l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ÉTAT DES PERSONNES - NATIONALITÉ - ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ - MODE DE PREUVE D'UN DÉCRET DE NATURALISATION OU DE RÉINTÉGRATION DANS LA NATIONALITÉ FRANÇAISE (ART - 52 DU DÉCRET DU 3 DÉCEMBRE 2010) - SUPPRESSION DE L'EXEMPLAIRE DU JOURNAL OFFICIEL - ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION - ABSENCE.

26-01-01-01 L'article 52 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, dans sa rédaction résultant du décret attaqué, ne mentionne plus la production d'un exemplaire du Journal officiel comme mode de preuve de l'existence d'un décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française. Cette suppression, qui répond à l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE RESTREINT - 1) SUPPRESSION D'UN MODE DE PREUVE - 2) ESPÈCE - PREUVE DE L'EXISTENCE D'UN DÉCRET DE NATURALISATION OU DE RÉINTÉGRATION DANS LA NATIONALITÉ FRANÇAISE - SUPPRESSION DE L'EXEMPLAIRE DU JOURNAL OFFICIEL - ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION - ABSENCE.

54-07-02-04 1) Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur la suppression, par le pouvoir réglementaire, d'un mode de preuve. 2) En l'espèce, la suppression de la production d'un exemplaire du Journal officiel comme mode de preuve de l'existence d'un décret de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, qui répond à l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2010, n° 337058
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: Mme Bourgeois-Machureau Béatrice

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337058.20101203
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