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08/12/2010 | FRANCE | N°335145

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 08 décembre 2010, 335145


Vu 1°), sous le n° 335145, la requête, enregistrée le 31 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SAS ANGEDI, dont le siège est à La Doye à Morez (39400), représentée par son président ; la SAS ANGEDI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 30 septembre 2009 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société des anciens établissements Georges Schiever et Fils l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un magasin d'équipement de la personne de 1 000 m² à Mo

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2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au t...

Vu 1°), sous le n° 335145, la requête, enregistrée le 31 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SAS ANGEDI, dont le siège est à La Doye à Morez (39400), représentée par son président ; la SAS ANGEDI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 30 septembre 2009 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société des anciens établissements Georges Schiever et Fils l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un magasin d'équipement de la personne de 1 000 m² à Morbier (Jura) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°), sous le n° 335153, la requête, enregistrée le 31 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SAS ANGEDI, dont le siège est à La Doye à Morez (39400), représentée par son président ; la SAS ANGEDI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 30 septembre 2009 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société des anciens établissements Georges Schiever l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un supermarché de 1 200 m² à l'enseigne Atac à Morbier (Jura) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Les anciens établissements Georges Schiever et Fils ;

Sur la procédure suivie devant la commission nationale d'aménagement commercial :

Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoqués, la décision d'autorisation attaquée n'émanant ni d'une juridiction, ni d'un tribunal au sens de ces stipulations ; que, par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que la commission nationale serait tenue de communiquer aux requérants contestant une décision d'autorisation accordée à une société pétitionnaire les documents produits par cette dernière pour sa défense afin que ceux-ci puissent y répondre ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission nationale doit être écarté ;

Sur la composition des dossiers de demande d'autorisation :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-7 du code de commerce : I. - La demande d'autorisation est accompagnée : / 1° D'un plan indicatif faisant apparaître la surface de vente des commerces ; / 2° Des renseignements suivants : / a) Délimitation de la zone de chalandise du projet, telle que définie à l'article R. 752-8 (...) / II. - La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : / 1° L'accessibilité de l'offre commerciale ; / 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; / 3° La gestion de l'espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; / 5° Les paysages et les écosystèmes ;

Considérant, en premier lieu, que les dossiers de demande, tel qu'ils ont été complétés lors de l'instruction devant la commission nationale d'aménagement commercial, contenaient des informations sur l'accessibilité de l'offre commerciale, y compris pour les personnes handicapées, évaluaient les flux de circulation de clientèle et de livraison qui seront générées par les projets et faisaient mention de la présence de sites protégés dans la zone de chalandise ; qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'évaluation des flux de transport soit inexacte ; que le service instructeur de la commission a analysé l'impact des projets sur la desserte routière ; que les projets ne se situent dans aucune des zones protégées citées par la société requérante ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la commission a adopté les décisions attaquées au vu d'un dossier incomplet faute de comporter des indications suffisantes relatives à l'accessibilité de l'offre commerciale, aux flux de transport et aux paysages et écosystèmes doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'une zone de chalandise unique doit être déterminée lorsque différents projets constituent un ensemble commercial, correspondant à l'attraction que cet ensemble commercial, dans sa globalité, est susceptible d'exercer sur la clientèle ; que, si les deux dossiers de demande définissaient initialement des zones de chalandise différentes pour chacun des projets, le service instructeur de la commission a rectifié cette erreur et a valablement défini une zone de chalandise unique correspondant à l'attractivité de l'ensemble commercial formé par les deux projets ; que, par suite, l'erreur commise a été sans influence sur l'appréciation portée par la commission nationale d'équipement commercial ; que le moyen tiré de ce que la commission a adopté les décisions attaquées au vu d'un dossier définissant une zone de chalandise inexacte doit donc être écarté ;

Sur l'appréciation de la commission nationale d'aménagement commercial :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : (...) Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, issu de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ; que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre de ces critères ;

Considérant, en premier lieu, que, pour apprécier la conformité des projets litigieux avec les dispositions précitées en ce qui concerne les exigences d'aménagement du territoire, la commission nationale a relevé, d'une part, que la population de la zone de chalandise avait progressé de 0,4% depuis 1999, que les projets s'inscrivaient dans une zone d'activité existante sans dissémination excessive des constructions et que, bien que le site commercial ne fût pas desservi par un réseau de transport en commun, il existait un service de transport à la demande ; d'autre part, que la réalisation des deux projets n'aurait pas pour effet d'accroître significativement les flux de circulation ; que le service instructeur a analysé l'impact du projet sur la desserte routière ; que la société requérante ne démontre pas que le projet aura pour effet un accroissement substantiel de la circulation, ni que la voirie existante serait inadaptée ; qu'ainsi la commission nationale a pu à bon droit estimer que le projet contribuerait à l'animation de la vie locale dans cette commune composée d'une douzaine de hameaux et d'un centre bourg et n'était pas incompatible avec les exigences de la loi en matière d'aménagement du territoire ;

Considérant, en deuxième lieu, s'agissant de l'objectif de protection de l'environnement, qu'il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit plusieurs dispositifs visant à limiter les consommations énergétiques et les pollutions liées à l'activité commerciale du projet ;

Considérant, en troisième lieu, que, si la société requérante soutient que la commission nationale aurait méconnu les dispositions du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 relatif à l'écrasement de la petite entreprise et au gaspillage des équipements commerciaux, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la commission nationale n'avait pas à prendre en compte un tel critère ; que, dès lors, le moyen doit être écarté comme inopérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions précédemment citées du code de commerce en confirmant les autorisations que la commission départementale avait accordées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société Les anciens établissements Georges Schiever et Fils les sommes que demande la SAS ANGEDI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la SAS ANGEDI le versement d'une somme de 3 000 euros à la société Les anciens établissements Georges Schiever et Fils au titre des frais de même nature exposés par elle ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la SAS ANGEDI sont rejetées.

Article 2 : La SAS ANGEDI versera la somme de 3 000 euros à la société Les anciens établissements Georges Schiever et Fils au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS ANGEDI, à la commission nationale d'aménagement commercial, à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société Les anciens établissements Georges Schiever et Fils.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 335145
Date de la décision : 08/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 déc. 2010, n° 335145
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Dumortier Gaëlle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:335145.20101208
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