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09/12/2010 | FRANCE | N°330996

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 09 décembre 2010, 330996


Vu la décision n° 330996 du 29 janvier 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et de l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE dirigées contre l'ordonnance n° 0906307 du 30 juillet 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en tant que cette ordonnance n'a pas fait droit à la demande d'expulsion du domaine public fluvial p

résentée devant le juge des référés du tribunal administr...

Vu la décision n° 330996 du 29 janvier 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et de l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE dirigées contre l'ordonnance n° 0906307 du 30 juillet 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en tant que cette ordonnance n'a pas fait droit à la demande d'expulsion du domaine public fluvial présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles à l'encontre des propriétaires des bateaux dénommés Amadeus, Albion, Maskali, Eau vive, Black Pearl, Anse, Anse 2 et Oasis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er décembre 2010, présentée pour Mme E ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er décembre 2010, présentée pour M. A et M. B ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 portant diverses dispositions en matière de transport ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, chargé des fonctions de maître des requêtes,

- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et de la SOCIETE VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. Thomas F, de M. Jean-François F et de Mme E, et de la SCP Tiffreau, Corlay, avocat de M. A et de M. B,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Roger, Sevaux, avocat du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et de la SOCIETE VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. Thomas F, de M. Jean-François F et de Mme E, et à la SCP Tiffreau, Corlay, avocat de M. A et de M. B,

Considérant que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE se pourvoient en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à ce que soit ordonnée, en application de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion des péniches stationnant sans droit ni titre dans le bras de Meudon au droit de l'île Seguin, ainsi que de leurs occupants, en tant qu'elle concerne les bateaux Amadeus, Albion, Maskali, Eau vive, stationnés en amont du pont Renault et les bateaux Black Pearl, Anse, Anse 2 et Oasis stationnés en aval de ce pont ;

Considérant que les requérants indiquent dans le dernier état de leurs écritures que le bateau Black Pearl a été déplacé hors de la zone litigieuse par Mme G, son propriétaire ; que, dès lors, leur pourvoi est devenu sans objet en tant qu'il concerne ce bateau ;

Considérant que le juge des référés a rejeté la demande d'expulsion des bateaux mentionnés ci-dessus au motif que seul le stationnement des embarcations entre les points kilométriques 11,000 et 11,580 faisait courir un risque grave pour la sécurité de la navigation de nature à justifier l'urgence à ordonner l'expulsion, alors qu'il est constant que les sept embarcations restant en litige sont stationnées entre ces deux points kilométriques ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE sont fondés à soutenir que le juge des référés a entaché son ordonnance de contradiction de motifs et à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle refuse de faire droit à leur demande d'expulsion concernant les bateaux Amadeus, Albion, Maskali, Eau vive, Anse, Anse 2 et Oasis ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler, dans cette mesure, l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Sur la fin de non-recevoir invoquée par M. A :

Considérant que les dispositions de l'article 1er de la loi du 30 décembre 1991 qui donnent à l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE compétence pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public qui lui est confié ne font pas obstacle à ce que l'Etat exerce les compétences qui lui sont dévolues en matière de police de la navigation conformément à l'article L. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques pour les biens qui sont demeurés dépendances du domaine public de l'Etat ; que la fin de non-recevoir soulevée par M. A doit être écartée ;

Sur la demande d'expulsion :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ; que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

Considérant que les propriétaires des péniches dont l'expulsion est demandée occupent le domaine public fluvial sans droit ni titre, dans une zone pour laquelle l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 22 juillet 2008 prévoit l'interdiction absolue de stationner ; que les défendeurs ne peuvent utilement faire valoir la circonstance qu'ils auraient formé un recours en excès de pouvoir contre cet arrêté, dont l'annulation ne leur ouvrirait droit, en tout état de cause, à aucun titre pour occuper le domaine public, pour soutenir que la demande d'expulsion se heurterait à une contestation sérieuse ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entrée du bras de Meudon se caractérise par une courbure de 60° sur une distance de 600 mètres, puis par une courbure moins prononcée de 20° sur une distance de 600 mètres ; que les convois fluviaux doivent disposer d'une largeur de navigation suffisante pour effectuer la manoeuvre nécessaire dans cette section du fleuve ; qu'il ressort ainsi de l'ensemble des études techniques réalisées, malgré leurs divergences, que les embarcations les plus exposées au risque de collision sont celles situées dans la première partie du bras de Meudon ; que le rapport d'expertise de M. D, réalisé à la demande d'une partie des propriétaires de péniches, conclut à l'existence d'un danger, en aval du pont Renault , pour les trois premiers bateaux stationnés et, en amont du pont, pour les deux premiers bateaux stationnés, soit Maskali et Eau vive ; que le rapport d'expertise réalisé, également à l'initiative de certains propriétaires de péniches, par M. C définit une zone de danger limitée aux quatre premiers bateaux situés en aval du pont Renault , sans prendre parti sur la situation des bateaux situés en amont du pont ; que selon les tracés figurant dans l'étude réalisée le 10 mars 2010 par le centre d'études techniques maritimes et fluviales à la demande des requérants, la largeur du rectangle de navigation nécessaire pour circuler dans l'entrée du bras de Meudon dans l'hypothèse d'un courant maximal couvre la zone occupée par les dix premiers bateaux stationnés en aval du pont Renault , dont font partie Anse, Anse 2 et Oasis, et les deux bateaux situés en amont de ce pont ; qu'enfin, les avis recueillis par les requérants auprès de représentants du comité des armateurs fluviaux, de la chambre nationale de la batellerie artisanale et de la compagnie fluviale de transport font état d'un risque pour la navigation et recommandent le départ des embarcations stationnant dans le bras mais sans désigner les péniches concernées ;

Considérant que, ainsi que le reconnaissent les requérants dans leurs écritures, la largeur de navigation nécessaire pour la circulation fluviale ne peut être déterminée avec précision, en l'absence de modélisation numérique réalisée à partir des données spécifiques au bras de Meudon, non disponible à brève échéance ; que, toutefois, au regard de la gravité des conséquences que pourrait entraîner la collision d'un convoi avec les péniches à usage d'habitation, quand bien même la probabilité d'un tel accident serait faible, les requérants peuvent être regardés comme établissant l'existence d'un risque suffisamment sérieux pour la sécurité des biens et des personnes dans la zone, lié à la présence, d'une part, en amont du pont Renault , des deux premières péniches, soit Maskali et Eau vive et, d'autre part, en aval du pont, des embarcations Anse, Anse 2 et Oasis ; que les requérants justifient par suite de l'urgence qu'il y a à ordonner l'expulsion de ces cinq bateaux et de l'utilité de cette mesure, sans qu'il y ait lieu de désigner un nouvel expert ; qu'en revanche, ils n'établissent pas l'existence d'une situation d'urgence justifiant l'expulsion des péniches Albion et Amadeus qui stationnent dans une zone extérieure au rectangle de navigation tel que défini par les schémas produits par les requérants à l'appui de leur demande ;

Considérant que les propriétaires des cinq premiers bateaux précités ne peuvent utilement se prévaloir ni de la circonstance qu'aucun accident n'ait été à déplorer depuis leur installation dans cette zone ni de ce qu'une indemnité d'occupation du domaine public aurait été mise à leur charge pendant cette période ; que le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, dès lors que le déplacement des bateaux reste sans conséquence sur le respect de ce droit ; qu'enfin, il n'y a pas lieu de subordonner l'expulsion de ces bateaux à la délivrance préalable d'une autorisation d'occupation dans un autre lieu, ainsi que le demande M. A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner l'expulsion aux frais des propriétaires des bateaux Maskali, Eau vive, Anse, Anse 2 et Oasis et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance et de rejeter le surplus des conclusions de la demande d'expulsion en tant qu'elle concerne les bateaux Amadeus et Albion ;

Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du propriétaire de la péniche Maskali le versement d'une part à l'Etat et d'autre part à VOIES NAVIGABLES DE FRANCE de la somme de 3 000 euros ; qu'il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge des deux requérants le versement à M. Thomas F, d'une part, et M. Jean-François F, d'autre part, le versement de la somme de 1 500 euros ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme E, de M. B et de M. A tendant à l'application des mêmes dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande des requérants sur le fondement des mêmes dispositions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme G, de Mme E, de M. B et de M. A ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi en tant qu'il concerne l'embarcation Black Pearl.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en date du 30 juillet 2009 est annulée en tant qu'elle concerne les embarcations Amadeus, Albion, Maskali, Eau vive, Anse, Anse 2 et Oasis.

Article 3 : Il est enjoint à Mme E, au propriétaire du bateau sans immatriculation Maskali, à M. A et à M. B de libérer les lieux qu'ils occupent le long de la berge de la Seine au droit de l'île Seguin du fait du stationnement illégal de leurs bateaux Eau Vive, Maskali, Anse, Anse 2 et Oasis, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande d'expulsion présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, en tant qu'elle concerne, d'une part, l'expulsion des embarcations Amadeuset Albion et, d'autre part, la date d'effet de la mesure d'expulsion et le montant de l'astreinte, s'agissant des embarcations Maskali, Eau vive, Anse, Anse 2 et Oasis, est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. A tendant à ce que la mesure d'expulsion soit subordonnée à la délivrance d'une autorisation d'occupation sont rejetées.

Article 6 : Le propriétaire du bateau Maskali versera d'une part à l'Etat et d'autre part à l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : L'Etat et l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE verseront à M. Thomas F, d'une part, et à M. Jean-François F, d'autre part, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Les conclusions présentées par Mme E, M. A et M. B et le surplus des conclusions présentées par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE L'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT et par VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 9 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT, à l'établissement public VOIES NAVIGABLES DE FRANCE, à M. Jean-François F, à M. Thomas F, au propriétaire de la péniche sans immatriculation Maskali, à Mme Catherine E, à M. Bertrand A et à M. Christian B.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 330996
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 déc. 2010, n° 330996
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bachelier
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Olléon Laurent
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP TIFFREAU, CORLAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:330996.20101209
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