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10/12/2010 | FRANCE | N°307322

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 10 décembre 2010, 307322


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 9 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle B...A..., demeurant..., ; Mlle A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 2 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir prononcé un non-lieu partiel, a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 28 février 2006 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxque

lles elle reste assujettie au titre de l'année 1998 ;

2°) de mettre à...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 9 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle B...A..., demeurant..., ; Mlle A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt du 2 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir prononcé un non-lieu partiel, a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 28 février 2006 du tribunal administratif de Rouen rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle reste assujettie au titre de l'année 1998 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Jacoupy, avocat de MlleA...,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Jacoupy, avocat de Mlle A... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mlle A...dispose d'une double résidence dans l'Eure et en Corse ; qu'après lui avoir adressé en vain une mise en demeure de produire auprès du centre des impôts d'Evreux ses déclarations de revenus des années 1996 et 1998, l'administration l'a taxée d'office à l'impôt sur le revenu au titre de ces deux années ; qu'en cours d'instance devant la cour administrative d'appel de Douai, l'administration a décidé un dégrèvement des impositions en litige au titre de l'année 1996 ;

Considérant que dans un mémoire en réplique devant la cour administrative d'appel, la requérante s'est prévalue de la garantie prévue par l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales en soutenant que le dégrèvement décidé constituait une prise de position formelle de l'administration sur sa situation de fait restée inchangée en 1998 ; que la cour administrative d'appel n'a pas répondu à ce moyen, qui n'est pas inopérant ; qu'ainsi Mlle A... est fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 du code général des impôts : " Si le contribuable a une résidence unique en France, l'impôt est établi au lieu de cette résidence. / Si le contribuable possède plusieurs résidences en France, il est assujetti à l'impôt au lieu où il est réputé posséder son principal établissement (...) " ; qu'aux termes de l'article 170 du même code, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille (...) " ; qu'aux termes de l'article 45 de l'annexe III au même code : " Les déclarations dûment signées sont remises ou adressées par les contribuables au service des impôts du lieu de leur résidence ou de leur principal établissement dans le délai prévu à l'article 175 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article 350 terdecies de la même annexe, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I. (...) seuls les fonctionnaires de la direction générale des impôts appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que notifier les redressements (...) / II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable possédant en France plusieurs résidences est tenu de faire parvenir la déclaration de ses revenus au service des impôts du lieu de son principal établissement et que les agents de ce service sont compétents pour fixer ses bases d'imposition, liquider son impôt et lui notifier des redressements ;

Considérant que si Mlle A...soutient qu'elle avait choisi de résider en Corse du Sud où se trouve le siège social de la Société de promotion et de distribution touristique dont elle est la gérante, il résulte de l'instruction qu'elle occupe un poste de technicien supérieur à la direction départementale de l'équipement de l'Eure et occupe un logement à Evreux pour lequel elle ne conteste pas acquitter la taxe d'habitation et qu'elle-même mentionne comme son lieu de domiciliation dans les pièces de la procédure, alors que l'adresse de logement qu'elle indique en Corse est celle d'une résidence de tourisme destinée aux locations saisonnières ; qu'elle doit dès lors être regardée comme ayant son principal établissement, au sens de l'article 10 du code général des impôts, à Evreux ; qu'elle ne peut utilement invoquer l'article 11 du code général des impôts dès lors qu'elle n'avait pas déplacé le lieu de son principal établissement ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le centre des impôts d'Evreux était territorialement incompétent pour lui adresser une mise en demeure de souscrire sa déclaration de revenus et pour établir l'imposition litigieuse par voie de taxation d'office ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / 1° A l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (...) " ; que le contribuable qui, possédant en France plusieurs résidences, n'a pas déposé la déclaration de ses revenus dans le délai légal auprès du service des impôts du lieu de son principal établissement et n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure peut être taxé d'office à l'impôt sur le revenu en application de ces dispositions ; qu'il en va toutefois différemment si l'intéressé établit avoir déposé sa déclaration auprès du service des impôts dont relève une autre de ses résidences avant la réception d'une telle mise en demeure ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle A...n'a pas déposé auprès du centre des impôts d'Evreux-Nord, dans les trente jours de la notification de la mise en demeure qui lui a été adressée par ce service, la déclaration d'ensemble de ses revenus de l'année 1998 ; que, s'il n'est pas contesté qu'elle a en revanche déposé cette déclaration auprès du centre des impôts d'Ajaccio, lequel lui a délivré un avis de non-imposition, elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, avoir procédé à ce dépôt avant la réception de la mise en demeure qui lui a été adressée par le centre des impôts d'Evreux-Nord ; qu'ainsi, Mlle A...n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas en situation d'être taxée d'office en application des dispositions du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales ;

Considérant que si Mlle A...soutient qu'elle aurait fait l'objet d'une double imposition, il résulte de l'instruction que ce moyen manque en fait ;

Considérant que la décision de l'administration d'accorder le dégrèvement du supplément d'impôt sur le revenu établi au titre de 1996, qui n'est pas motivée, ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la requérante ne peut s'en prévaloir sur le fondement de cet article ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la notification des pénalités serait irrégulière, faute de préciser que la contribuable disposait d'un délai de trente jours pour présenter ses observations, manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 2 mai 2007 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : La requête de Mlle A...devant la cour administrative d'appel de Douai et le surplus des conclusions du pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mlle B...A...et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 307322
Date de la décision : 10/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - LIEU D'IMPOSITION - CONTRIBUABLE AYANT PLUSIEURS RÉSIDENCES EN FRANCE - OBLIGATION DE DÉPOSER SA DÉCLARATION DE REVENUS AUPRÈS DU SERVICE DES IMPÔTS DU LIEU DE SON PRINCIPAL ÉTABLISSEMENT - NON RESPECT DE CETTE OBLIGATION ET ABSENCE DE RÉGULARISATION DANS LES TRENTE JOURS SUIVANT LA NOTIFICATION DE LA MISE EN DEMEURE - CONSÉQUENCE - TAXATION D'OFFICE - EXCEPTION - DÉPÔT DE LA DÉCLARATION AUPRÈS DU SERVICE DES IMPÔTS DONT RELÈVE UNE AUTRE DE SES RÉSIDENCES AVANT LA RÉCEPTION D'UNE MISE EN DEMEURE.

19-04-01-02-02 Un contribuable possédant en France plusieurs résidences est tenu de faire parvenir la déclaration de ses revenus au service des impôts du lieu de son principal établissement. En l'absence d'une telle déclaration et de régularisation de sa situation dans les trente jours suivant la notification d'une première mise en demeure, il peut faire l'objet d'une taxation d'office à l'impôt sur le revenu. Il en va toutefois différemment si l'intéressé établit avoir déposé sa déclaration auprès du service des impôts dont relève une autre de ses résidences avant la réception d'une telle mise en demeure.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - TAXATION D'OFFICE - POUR DÉFAUT OU INSUFFISANCE DE DÉCLARATION - CONTRIBUABLE AYANT PLUSIEURS RÉSIDENCES EN FRANCE - NON RESPECT DES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES AUPRÈS DU SERVICE DES IMPÔTS DU LIEU DE SON PRINCIPAL ÉTABLISSEMENT ET ABSENCE DE RÉGULARISATION DANS LES TRENTE JOURS DE LA NOTIFICATION DE LA MISE EN DEMEURE - CONSÉQUENCE - TAXATION D'OFFICE - EXCEPTION - DÉPÔT DE LA DÉCLARATION AUPRÈS DU SERVICE DES IMPÔTS DONT RELÈVE UNE AUTRE DE SES RÉSIDENCES AVANT LA RÉCEPTION D'UNE MISE EN DEMEURE.

19-04-01-02-05-02-01 Peut être taxé d'office à l'impôt sur le revenu le contribuable possédant plusieurs résidences en France qui omet de déposer sa déclaration de revenus dans le délai légal auprès du service des impôts du lieu de son principal établissement et qui n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. Il en va toutefois différemment si l'intéressé établit avoir déposé sa déclaration auprès du service des impôts dont relève une autre de ses résidences avant la réception d'une telle mise en demeure.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2010, n° 307322
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gilles Pellissier
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : JACOUPY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:307322.20101210
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