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15/12/2010 | FRANCE | N°316845

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 15 décembre 2010, 316845


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 5 juin, 3 et 30 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0601460-2 du 10 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de son titre de pension arrêté le 12 juin 2006, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale de réviser son titre de pension et d'assurer rétroactivement le v

ersement de cette pension à compter du 1er juillet 2006 ;

2°) de me...

Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 5 juin, 3 et 30 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0601460-2 du 10 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de son titre de pension arrêté le 12 juin 2006, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale de réviser son titre de pension et d'assurer rétroactivement le versement de cette pension à compter du 1er juillet 2006 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Auditeur,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A...,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M.A...,

Considérant que M. A...se pourvoit en cassation contre le jugement du 10 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté son recours tendant à l'annulation de son titre de pension, arrêté le 12 juin 2006, d'une part, en tant que celui-ci ne retient pas le bénéfice d'une bonification au titre des enfants qu'il a élevés, sur le fondement de l'article 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003, d'autre part, en tant qu'il lui applique le nombre de 156 trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de sa pension ;

Considérant qu'aux termes du VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 visée ci-dessus : " La durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l'Etat et des militaires pour obtenir le pourcentage maximum d'une pension civile ou militaire de retraite est celle qui est en vigueur lorsqu'ils atteignent l'âge auquel ou l'année au cours de laquelle ils remplissent les conditions de liquidation d'une pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la présente loi (...). " ;

Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur le nombre de trimestres à faire valoir en fonction notamment d'éventuelles bonifications pour enfants :

Considérant que la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a introduit au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui prévoit que les fonctionnaires bénéficient, pour chacun de leurs enfants, d'une bonification pour le calcul de leur pension, une condition nouvelle tenant à la nécessité pour les intéressés de justifier avoir interrompu leur activité pour élever leurs enfants, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; que les dispositions précitées du VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003, qui se bornent à fixer les règles applicables pour déterminer le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein, ne sont pas applicables pour le calcul de la durée des services effectués et des bonifications à retenir lors de la liquidation de la pension ; que ces règles de calcul résultent notamment du b) de l'article L. 12 du même code, qui, en vertu du II de l'article 48 de la loi du 21 août 2003, est applicable aux pensions " liquidées à compter du 28 mai 2003 " ; que, par suite, le tribunal administratif de Caen, qui a suffisamment motivé son jugement, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la durée des services et les bonifications retenues pour le calcul de la pension de M. A...devaient être calculées selon les règles en vigueur à la date de radiation des cadres de l'intéressé, en 2006, telles que fixées par les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la loi du 21 août 2003 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette son recours tendant à ce que lui soit reconnu le bénéfice de la bonification pour enfants ;

Sur le jugement attaqué en tant qu'il statue sur le nombre de trimestres nécessaires à M. A...pour bénéficier d'une pension à taux plein :

Considérant qu'en vertu des dispositions du VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 précitées, le nombre de trimestres exigés des fonctionnaires pour bénéficier d'une pension à taux plein se calcule l'année au cours de laquelle les intéressés remplissent les conditions pour voir liquider leur pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite " dans leur rédaction issue de [cette] loi. " ; qu'en vertu de l'article L. 24 de ce code dans sa rédaction issue de la loi du 21 aout 2003, la liquidation de la pension intervient, notamment pour les fonctionnaires parents de trois enfants, sans condition d'âge ; que si l'article 136 de la loi de finances rectificative pour 2004 du 30 décembre 2004 a introduit à l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite une condition tenant à la nécessité pour les agents concernés de justifier avoir interrompu leur activité pour élever leurs enfants afin de pouvoir bénéficier d'un droit à liquidation de leur pension, ces dispositions, dont l'objet était de déterminer les conditions à remplir pour la liquidation de la pension, n'ont pas eu pour effet d'abroger les dispositions de la loi du 21 août 2003 selon lesquelles le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'un taux de pension plein se calcule en fonction de l'année où sont remplies les conditions de liquidation de la pension fixées par l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de cette loi ; qu'en vertu du II de l'article 66 de la loi du 21 août 2003, lorsque sont réunies avant 2003 les conditions de liquidation de la pension mentionnées au I et II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une pension à taux plein est de 150 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., dont la pension a été liquidée au 1er juillet 2006 par arrêté du 12 juin 2006 du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, remplissait les conditions pour bénéficier d'un droit à jouissance immédiate de sa pension, en particulier celle tenant au fait d'avoir élevé trois enfants, avant 2003 ; qu'ainsi, le nombre de trimestres lui ouvrant droit à une pension à taux plein était, en vertu du II de l'article 66 de la loi du 21 août 2003, de 150 ; que, par suite, le tribunal administratif de Caen n'a pu sans commettre d'erreur de droit juger que les droits à la retraite de M. A...s'étaient ouverts à la date de son soixantième anniversaire, en 2006, et qu'en vertu de la loi du 21 août 2003, il devait justifier de 156 et non plus de 150 trimestres d'activité afin de bénéficier d'une pension à taux plein ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il retient le chiffre de 156 et non de 150 trimestres exigés de M. A...pour bénéficier d'une retraite à taux plein ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit le nombre de trimestres nécessaires à M. A...pour bénéficier d'une pension à taux plein était de 150 trimestres ; que, par suite, M. A...est fondé à demander l'annulation de son titre de pension arrêté le 12 juin 2006 en tant qu'il a retenu un nombre de 156 trimestres nécessaires pour obtenir le taux plein de la pension civile ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution." ;

Considérant que la présente décision implique que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative révise la pension de M. A...en prenant en compte le nombre de 150 trimestres nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de procéder au réexamen de la demande présentée par M. A...conformément aux motifs de la présente décision, et ce, dans un délai de deux mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A...tant en première instance que devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 10 avril 2008 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il a retenu le chiffre de 156 trimestres exigés de M. A...pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

Article 2 : L'arrêté du 12 juin 2006 du ministre de l'éducation nationale est annulé en tant qu'il a retenu le chiffre de 156 trimestres exigés de M. A...pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative de procéder au réexamen de la demande de M.A..., conformément aux motifs de la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus du pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.


Synthèse
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316845
Date de la décision : 15/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - NOMBRE DE TRIMESTRES EXIGÉS POUR BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À TAUX PLEIN - CRISTALLISATION OPÉRÉE PAR LE VI DE L'ART - 5 DE LA LOI DU 21 AOÛT 2003.

01-08-03 En vertu du VI de l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, le nombre de trimestres exigés des fonctionnaires pour bénéficier d'une pension à taux plein se calcule l'année au cours de laquelle les intéressés remplissent les conditions pour voir liquider leur pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) dans leur rédaction issue de [cette] loi. L'article L. 24 du CPCMR dans sa rédaction résultant de cette loi prévoit que la liquidation de la pension intervient, pour les fonctionnaires parents de trois enfants, sans condition d'âge. Enfin, le II de l'article 66 de la même loi dispose que le nombre de trimestres nécessaire est de 150 lorsque les conditions de liquidation prévues à l'article L. 24 du CPCMR sont réunies avant 2003. Il en résulte qu'un fonctionnaire parent de trois enfants qui remplissait les conditions pour liquider sa pension avant 2003 a droit à une pension à taux plein s'il a cotisé 150 trimestres. La circonstance que la loi n° 2004-1485 de finances rectificative pour 2004 du 30 décembre 2004 a modifié l'article L. 24 du CPCMR pour subordonner le droit à liquidation de pension des fonctionnaires ayant élevé trois enfants à la condition qu'ils aient interrompu leur activité pour les élever est sans incidence sur la cristallisation de cet article opérée par le VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 pour l'appréciation du nombre de trimestres exigés.

PENSIONS - PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE - QUESTIONS COMMUNES - LIQUIDATION DES PENSIONS - NOMBRE DE TRIMESTRES EXIGÉS POUR BÉNÉFICIER D'UNE PENSION À TAUX PLEIN - CRISTALLISATION OPÉRÉE PAR LE VI DE L'ART - 5 DE LA LOI DU 21 AOÛT 2003.

48-02-01-04 En vertu du VI de l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, le nombre de trimestres exigés des fonctionnaires pour bénéficier d'une pension à taux plein se calcule l'année au cours de laquelle les intéressés remplissent les conditions pour voir liquider leur pension en application des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) dans leur rédaction issue de [cette] loi. L'article L. 24 du CPCMR dans sa rédaction résultant de cette loi prévoit que la liquidation de la pension intervient, pour les fonctionnaires parents de trois enfants, sans condition d'âge. Enfin, le II de l'article 66 de la même loi dispose que le nombre de trimestres nécessaire est de 150 lorsque les conditions de liquidation prévues à l'article L. 24 du CPCMR sont réunies avant 2003. Il en résulte qu'un fonctionnaire parent de trois enfants qui remplissait les conditions pour liquider sa pension avant 2003 a droit à une pension à taux plein s'il a cotisé 150 trimestres. La circonstance que la loi n° 2004-1485 de finances rectificative pour 2004 du 30 décembre 2004 a modifié l'article L. 24 du CPCMR pour subordonner le droit à liquidation de pension des fonctionnaires ayant élevé trois enfants à la condition qu'ils aient interrompu leur activité pour les élever est sans incidence sur la cristallisation de cet article opérée par le VI de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 pour l'appréciation du nombre de trimestres exigés.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2010, n° 316845
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Bethânia Gaschet
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:316845.20101215
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