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15/12/2010 | FRANCE | N°335457

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 15 décembre 2010, 335457


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Ahmed A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 22 juillet 2009 par laquelle le consul général de France à Oran a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à leur nièce, Amina B, ainsi que cette dernière d

cision ;

2°) d'enjoindre à l'autorité administrative de délivrer le visa s...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Ahmed A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 22 juillet 2009 par laquelle le consul général de France à Oran a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à leur nièce, Amina B, ainsi que cette dernière décision ;

2°) d'enjoindre à l'autorité administrative de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 22 juillet 2009 par laquelle le consul général de France à Oran a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à leur nièce, Amina B, qui leur a été confiée par un acte de kafala du 10 juillet 2006 du tribunal de Ghazaouet (Algérie), ainsi que cette dernière décision ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejette les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées ; que par suite la décision implicite de la commission s'est substituée à la décision du 22 juillet 2009 du consul général de France à Oran ; que dès lors les conclusions présentées par les requérants doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision de la commission ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de l'autorité consulaire est inopérant ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l'intérêt d'un enfant est, en principe, de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si l'enfant Amina B, née le 16 mars 2006 à Ghazaouet (Algérie), a toujours vécu auprès de ses parents en Algérie, M. et Mme A, dont il n'est pas allégué qu'ils ne seraient pas en mesure d'accueillir leur nièce dans des conditions conformes à son intérêt, disposent, en vertu d'un acte de kafala établi le 10 avril 2006 par le tribunal de Ghazaouet, d'une délégation d'autorité parentale pour prendre toutes mesures à l'égard de cet enfant ; qu'ainsi, en l'absence de circonstances particulières, en estimant que l'intérêt de l'enfant Amina était de demeurer dans son pays d'origine auprès de ses parents, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;

Considérant, en second lieu, que si l'article L. 225-17 du code de l'action sociale et des familles dispose qu'un agrément est nécessaire à l'accueil d'un enfant étranger en vue de son adoption, il en va autrement s'agissant de l'accueil d'un enfant confié par un acte de kafala , pour lequel aucun agrément n'est requis ; que par suite, en se fondant également, pour refuser le visa sollicité, sur l'atteinte à l'ordre public résultant d'un détournement de la procédure d'adoption internationale, la commission de recours a entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de délivrer le visa sollicité pour Amina B dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de cet article et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. et Mme A dirigé contre la décision du 22 juillet 2009 du consul général de France à Oran refusant de délivrer le visa sollicité est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de délivrer à Mlle Amina B un visa d'entrée et de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Ahmed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 335457
Date de la décision : 15/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 déc. 2010, n° 335457
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Raphaël Chambon
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:335457.20101215
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