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17/12/2010 | FRANCE | N°316891

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 17 décembre 2010, 316891


Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 6 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 et 4 de l'arrêt n° 06VE02302 du 27 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à la requête de la société Finindusco, a déchargé celle-ci de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 à concurrence, en base, du montant du r

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Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 6 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 et 4 de l'arrêt n° 06VE02302 du 27 mars 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant partiellement droit à la requête de la société Finindusco, a déchargé celle-ci de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 à concurrence, en base, du montant du redressement portant sur la prime de fusion dégagée à la suite de l'absorption de la société Investold ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Finindusco ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, notamment ses articles 371, 372-1 et 378-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société Finindusco,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société Finindusco ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de comptabilité portant notamment sur l'exercice clos en 1993 dont a fait l'objet la société Finindusco, qui a pour activité l'acquisition et la gestion de participations dans des entreprises de toutes natures, l'administration fiscale a remis en cause le régime de faveur prévu à l'article 210 A du code général des impôts dont la société s'est prévalue pour la prime dégagée en 1993 à la suite de l'absorption de sa filiale, la société Investold, dont elle détenait la totalité du capital ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 27 mars 2008 en ce que, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 juillet 2006, il a ordonné la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Finindusco a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1993 à concurrence, en base, du montant du redressement portant sur la prime de fusion mentionnée ci-dessus ;

Considérant qu'aux termes de l'article 371 de la loi du 24 juillet 1966 dans sa rédaction applicable l'opération d'absorption en cause, désormais codifié à l'article L. 236-1 du code de commerce : Une ou plusieurs sociétés peuvent, par voie de fusion, transmettre leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu'elles constituent. / Une société peut aussi, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles. / Ces possibilités sont ouvertes aux sociétés en liquidation à condition que la répartition de leurs actifs entre les associés n'ait pas fait l'objet d'un début d'exécution (...) ;

Considérant qu'en jugeant, pour écarter le moyen du ministre qui soutenait que l'opération réalisée entre la société Finindusco et sa filiale, alors en cours de liquidation amiable, ne pouvait être qualifiée de fusion, au motif que la possibilité de fusionner n'est ouverte aux sociétés en liquidation qu'à la condition que la répartition de leurs actifs entre les associés n'ait pas fait l'objet d'un début d'exécution, que cette condition ne découlait d'aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur au moment des faits, la cour a commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt en ce qu'il statue sur le bien-fondé de l'imposition de la prime litigieuse ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1844-4 du code civil : Une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d'une société nouvelle, par voie de fusion. / (...) / Ces opérations peuvent intervenir entre des sociétés de forme différente./ Elles sont décidées, par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts (...) ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 371 de la loi du 24 juillet 1966, dans sa rédaction en vigueur en 1993, qui prévoit la possibilité pour une ou plusieurs sociétés, même en liquidation, de transmettre, par voie de fusion, leur patrimoine à une société existante ou à une nouvelle société qu'elles constituent : Les associés des sociétés qui transmettent leur patrimoine dans le cadre des opérations mentionnées aux trois alinéas précédents reçoivent des parts ou des actions de la ou des sociétés bénéficiaires (...) ; qu'aux termes de l'article 372-1 de cette même loi : La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération. Elle entraîne simultanément l'acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d'associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission. / Toutefois, il n'est pas procédé à l'échange de parts ou d'actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent lorsque ces parts ou actions sont détenues : / 1° Soit par la société bénéficiaire ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société ; / 2° Soit par la société qui disparaît ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société ; qu'aux termes de l'article 378-1 de cette même loi, dans sa rédaction applicable l'opération d'absorption en cause : Lorsque, depuis le dépôt au greffe du tribunal de commerce du projet de fusion et jusqu'à la réalisation de l'opération, la société absorbante détient en permanence la totalité des actions représentant la totalité du capital des sociétés absorbées, il n'y a lieu ni à approbation de la fusion par l'assemblée générale extraordinaire des sociétés absorbées ni à l'établissement des rapports mentionnés aux articles 376, dernier alinéa, et 377 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1844-5 du code civil : La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu./(...)./En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation (...) ;

Considérant, enfin, qu'aux termes du 1 de l'article 210 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. /Il en est de même de la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l'annulation des actions ou parts de son propre capital qu'elle reçoit ou qui correspondent à ses droits dans la société absorbée ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par délibérations des assemblées générales extraordinaires de leurs associés réunies le 17 décembre 1993, la SA Finindusco et la SARL Investold, sa filiale à 100 %, ont procédé à leur fusion par voie d'apport de l'actif et de prise en charge du passif de la société Investold par la société Finindusco, conformément aux stipulations du projet de fusion signé le 16 août 1993 ; qu'en application du paragraphe VIII de ce projet, la dissolution de la société Investold a été prononcée à l'issue de l'assemblée générale de la société Finindusco ;

Considérant que, pour fonder l'imposition de la prime réalisée à l'issue de l'opération ainsi réalisée entre la société Finindusco et sa filiale, alors en cours de liquidation amiable, le ministre soutient que cette opération ne peut être qualifiée de fusion et que les parties doivent être regardées comme ayant procédé à une dissolution de société après réunion de toutes les parts sociales dans la même main, opération alors non éligible au régime d'exonération des plus-values institué par l'article 210 A du code général des impôts ; qu'il fait valoir que l'opération en cause n'a pas abouti à la remise de titres de la société absorbante aux associés de la société absorbée, que la société absorbée n'a apporté à la société absorbante aucun moyen d'exploitation et qu'enfin, la répartition des actifs entre les associés avait débuté antérieurement à l'opération de fusion ; que toutefois, il ressort des dispositions du deuxième alinéa de l'article 372-1 de la loi du 24 juillet 1966 qu'il peut être procédé à une fusion sans remise de titres de la société absorbante lorsque celle-ci détient les parts du capital social de la société absorbée ; qu'aucune disposition ne subordonne la validité d'une fusion au transfert par la société absorbée de moyens d'exploitation ; qu'enfin le ministre n'établit pas qu'au cours de la liquidation, il a été procédé à un début de répartition des fonds disponibles ; que le ministre ne peut donc se prévaloir de la méconnaissance des conditions qu'il invoque pour retirer à l'opération en cause la qualification juridique de fusion ; qu'ainsi, la société Finindusco est fondée à soutenir que cette opération était éligible au régime de faveur institué par l'article 210 A du code général des impôts et que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré dans ses résultats imposables de l'exercice 1993 la prime de fusion d'un montant de 5 802 793 francs (884 630,09 euros) réalisée à cette occasion ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen portant sur le bien-fondé du redressement, la société Finindusco est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires correspondant à cette prime ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Finindusco de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 27 mars 2008 est annulé en tant qu'il a statué sur le bien-fondé de l'imposition de la prime de fusion au titre de l'année 1993.

Article 2 : La société Finindusco est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1993 à concurrence, en base, du montant du redressement portant sur la prime de fusion.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 juillet 2006 est réformé en ce qu'il est contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à la société Finindusco la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Finindusco.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 316891
Date de la décision : 17/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2010, n° 316891
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:316891.20101217
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