La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2010 | FRANCE | N°340605

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 17 décembre 2010, 340605


Vu l'ordonnance n° 1000250 du 3 juin 2010, enregistrée le 16 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme Annie A ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 26 mai 2010, présentée par Mme Annie A, dont l'adresse postale est ... et tendant :

1°) à l'annulation du refus implicite o

pposé par le haut-commissaire de la République en Polynésie française à sa de...

Vu l'ordonnance n° 1000250 du 3 juin 2010, enregistrée le 16 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de la Polynésie française a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme Annie A ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 26 mai 2010, présentée par Mme Annie A, dont l'adresse postale est ... et tendant :

1°) à l'annulation du refus implicite opposé par le haut-commissaire de la République en Polynésie française à sa demande, formée le 15 février 2010, que soit pris l'arrêté déclarant M. Gaston B démissionnaire de son mandat de représentant à l'assemblée de la Polynésie française, pour une durée d'un an ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au haut-commissaire de la République en Polynésie française de prendre l'arrêté demandé, sous astreinte de 84 euros par jour de retard ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 503 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

Sur l'intervention de M. C :

Considérant que la qualité imaginaire de président de la Polynésie française dont se prévaut M. C pour s'associer aux conclusions présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, n'est pas de nature à rendre recevable son intervention ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :

Considérant, d'une part, que l'article 131-10 du code pénal, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose : Lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit (...) ; que l'article 432-17 du même code prévoit : Dans les cas prévus par le présent chapitre, peuvent être prononcées, à titre complémentaire, les peines suivantes : / 1° L'interdiction des droits civils, civiques et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 (...) ; que, selon l'article 131-26 du même code : L'interdiction des droits civiques, civils et de famille porte sur : / 1° Le droit de vote ; / 2° L'éligibilité ; / (...) L'interdiction des droits civiques, civils et de famille ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit. / (...) L'interdiction du droit de vote ou l'inéligibilité prononcées en application du présent article emportent interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique. ; qu'enfin le quatrième alinéa de l'article 471 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable en l'espèce, prévoit : Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-6 à 131-11 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision. ;

Considérant, d'autre part, que, selon le I de l'article 109 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : Sont inéligibles à l'assemblée de la Polynésie française : / (...) 2° Les personnes privées, par décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, de leur droit d'éligibilité en application des lois qui autorisent cette privation (...) ; que le I de l'article 112 de la même loi dispose : Tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française dont l'inéligibilité se révélera après l'expiration du délai pendant lequel son élection peut être contestée ou qui, pendant la durée de son mandat, se trouvera frappé de l'une des incapacités qui fait perdre la qualité d'électeur est déclaré démissionnaire par arrêté du haut-commissaire soit d'office, soit sur la réclamation de tout électeur. ; que l'article 117 de la même loi prévoit : Les recours contre les arrêtés mentionnés à l'article 112 (...) sont portés devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux. Ils sont suspensifs. Toutefois, le recours n'est pas suspensif lorsqu'un représentant à l'assemblée de la Polynésie française est déclaré démissionnaire d'office à la suite d'une condamnation pénale devenue définitive prononcée à son encontre et entraînant de ce fait la perte de ses droits civiques, civils et de famille ;

Considérant que, par un jugement du 17 février 2009, le tribunal correctionnel de Papeete a condamné M. B, représentant à l'assemblée de la Polynésie française, notamment, à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis simple assortie d'une amende de deux millions de francs CFP sur le fondement des dispositions de l'article 432-15 du code pénal ; qu'en application des articles 432-17 et 131-26 du même code, le tribunal a infligé en outre à l'intéressé la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, portant sur l'éligibilité, pour une durée d'un an ; que, par un arrêt du 24 septembre 2009, la cour d'appel de Papeete a confirmé le jugement attaqué dans toutes ses dispositions concernant M. B et qu'elle a, par ailleurs, en application du quatrième alinéa de l'article 471 du code de procédure pénale, décidé l'exécution provisoire de la peine complémentaire d'interdiction des droits ;

Considérant que, le 12 janvier 2010, Mme A a saisi le haut-commissaire de la République en Polynésie française d'une demande tendant à ce que soit pris, en application du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel dont celle-ci avait décidé l'exécution provisoire, l'arrêté prévu par le I de l'article 112 de la loi organique du 27 février 2004, déclarant M. B démissionnaire de son mandat de représentant à l'assemblée de la Polynésie française ; que, le 15 janvier 2010, le haut-commissaire a opposé un premier refus à la requérante, fondé sur le double motif, d'une part, de la non-transmission, par le parquet général, de l'arrêt de la cour au représentant de l'Etat, d'autre part, du caractère non définitif de cette décision de justice dès lors qu'un pourvoi se trouvait pendant devant la Cour de cassation ; que, le 15 février 2010, la requérante a renouvelé sa demande et que du silence opposé par le haut-commissaire est née une décision implicite de refus dont elle a demandé, le 26 mai 2010, l'annulation au tribunal administratif de la Polynésie française ; que, par une ordonnance du 3 juin 2010 prise sur le fondement de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le président de ce tribunal a transmis au Conseil d'Etat le jugement de cette requête ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 16 juin 2010, postérieur à l'introduction de la requête, la Cour de cassation a annulé l'arrêt du 24 septembre 2009 de la cour d'appel de Papeete, en tant notamment qu'il prononce à l'encontre de M. B l'interdiction des droits prévue à l'article 131-26 du code pénal, portant sur l'éligibilité ; que, depuis lors, M. B ne peut plus être regardé comme faisant l'objet d'une interdiction des droits civiques, civils et de famille, portant sur l'éligibilité, assortie de l'exécution provisoire ; que les conditions du prononcé de sa démission, sur le fondement des dispositions du I de l'article 112 de la loi organique du 27 février 2004, par un arrêté du haut-commissaire de la République, ne sont donc plus remplies ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme A aux fins d'annulation de la décision implicite par laquelle le haut-commissaire a rejeté sa demande tendant à ce que soit prononcée la démission de M. B, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au haut-commissaire de prendre l'arrêté demandé, sous astreinte de 84 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de M. C n'est pas admise.

Article 2 : La requête de Mme A est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Annie A, à M. Gaston B, à l'assemblée de la Polynésie française, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et à M. René Georges C.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 340605
Date de la décision : 17/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2010, n° 340605
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:340605.20101217
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award