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23/12/2010 | FRANCE | N°337752

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 23 décembre 2010, 337752


Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE SADEF dont le siège est 34, rue de Reuilly à Paris (75012) ; la SOCIETE SADEF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 3 décembre 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Redeim et à la société Brico Dépôt l'autorisation d'exploitation commerciale préalable requise en vue de la création d'un magasin spécialisé dans le commerce de détail d'articles de bricolage à l'enseigne Brico D

épôt d'une surface de vente de 5 800 m² à Plouër-sur-Rance (Côtes d'Armor) ;

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Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE SADEF dont le siège est 34, rue de Reuilly à Paris (75012) ; la SOCIETE SADEF demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 3 décembre 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la société Redeim et à la société Brico Dépôt l'autorisation d'exploitation commerciale préalable requise en vue de la création d'un magasin spécialisé dans le commerce de détail d'articles de bricolage à l'enseigne Brico Dépôt d'une surface de vente de 5 800 m² à Plouër-sur-Rance (Côtes d'Armor) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et des sociétés Redeim et Brico Dépôt une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2010, présentée par la société Redeim ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SOCIETE SADEF,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SOCIETE SADEF,

Sans qu'il soit besoin de répondre à la fin de non recevoir ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : (...) la décision de la commission départementale d'aménagement commercial peut, dans un délai d'un mois, faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial. La commission nationale se prononce dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. / La saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire à un recours contentieux à peine d'irrecevabilité de ce dernier ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en raison des pouvoirs ainsi conférés à la Commission nationale d'aménagement commercial, ses décisions se substituent à celles de la commission départementale contestées devant elle ; que, par suite, la SOCIETE SADEF ne saurait utilement se prévaloir des irrégularités dont aurait été entachée la décision de la commission départementale d'aménagement commercial des Côtes-d'Armor du 6 juillet 2009 à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 22 janvier 2010 ;

Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial doive mentionner que ses membres ont disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance en temps utile du dossier ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-49 du code de commerce : (...) La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. ; que la circonstance que la décision attaquée n'a pas mentionné que le quorum était réuni est dépourvue d'influence sur la légalité de la décision ; qu'ainsi ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant que la décision d'autorisation attaquée a le caractère d'une décision administrative et que la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas une juridiction au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire ainsi que du principe de l'égalité des armes au sens des stipulations de l'article 6 précité ne peuvent être utilement invoqués ; qu'il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que la Commission nationale d'aménagement commercial est tenue de communiquer aux requérants formant un recours administratif contre une décision d'autorisation les observations du bénéficiaire de l'autorisation sur ces recours ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de communication de pièces doit être écarté ;

Sur l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

Considérant, en premier lieu, que compte tenu des caractéristiques du projet, qui a trait notamment à la réhabilitation d'une friche commerciale, et se situe à proximité d'une zone d'activités à vocation commerciale, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que ce projet ne compromettait pas les objectifs du législateur en matière d'aménagement du territoire ;

Considérant, en deuxième lieu, que la Commission nationale d'aménagement commercial a relevé la prise en compte des exigences relatives à la qualité environnementale par le projet notamment, les mesures en matière de consommations énergétiques, de réduction des pollutions, d'aménagements paysagers ; que si deux zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique sont situées à proximité, il n'est pas établi que le projet y porterait atteinte ; que la circonstance que le magasin n'est pas desservi par un réseau de transports en commun ne justifie pas par elle-même, en l'espèce, un refus de l'autorisation sollicitée ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis, s'agissant des effets du projet sur le développement durable, d'erreur d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, que la circonstance qu'il existerait d'autres commerces de bricolage dans la zone de chalandise n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le projet aurait des effets négatifs sur la protection des consommateurs ;

Considérant, dès lors, que la Commission nationale d'aménagement commercial a fait une exacte application des dispositions législatives et réglementaires susmentionnées ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SOCIETE SADEF n'est pas fondée à demander l'annulation de sa décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE SADEF une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société Brico Dépôt et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat et de la société Brico Dépôt la somme de 5 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE SADEF est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE SADEF versera à la société Brico Dépôt la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SADEF, à la société Brico Dépôt et à la société Redeim.

Copie en sera adressée pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 337752
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2010, n° 337752
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:337752.20101223
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