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30/12/2010 | FRANCE | N°339557

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 30 décembre 2010, 339557


Vu l'ordonnance du 10 mai 2010, enregistrée le 17 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme Nathalie A, demeurant au ... ;

Vu la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris, le 7 mai 2008, présentée par Mme Nathalie A et tendant à :

1°) l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 février 2008 du jury établissant

le classement des auditeurs de justice de la promotion 2006 de l'Ecole Nati...

Vu l'ordonnance du 10 mai 2010, enregistrée le 17 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme Nathalie A, demeurant au ... ;

Vu la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris, le 7 mai 2008, présentée par Mme Nathalie A et tendant à :

1°) l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 février 2008 du jury établissant le classement des auditeurs de justice de la promotion 2006 de l'Ecole Nationale de la Magistrature l'écartant de l'accès aux fonctions judiciaires, ainsi que de la décision du 3 mars 2008 de ce même jury rejetant son recours gracieux ;

2°) ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A ;

Considérant que par une décision en date du 21 février 2008, confirmée par une décision rendue le 3 mars 2008 sur recours gracieux de l'intéressée, le jury de classement des auditeurs de justice de la promotion 2006 de l'Ecole nationale de la magistrature a décidé d'écarter Mme A de l'accès aux fonctions judiciaires ; que celle-ci demande l'annulation de ces décisions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : Un jury procède au classement des auditeurs de justice qu'il juge aptes, à la sortie de l'école, à exercer les fonctions judiciaires. Le jury assortit la déclaration d'aptitude de chaque auditeur d'une recommandation et, le cas échéant, de réserves sur les fonctions pouvant être exercées par cet auditeur, lors de sa nomination à son premier poste. (...) / Il peut écarter un auditeur de l'accès à ces fonctions ou lui imposer le renouvellement d'une année d'études. (...) ;

Sur la légalité externe des décisions attaquées :

Considérant en premier lieu qu'un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire ; qu'il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements ; qu'il en va de même de la décision par laquelle le jury de classement décide, sur le fondement de l'article 21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, d'écarter de l'accès aux fonctions judiciaires un auditeur de justice en raison de son inaptitude à ces fonctions ; que, dès lors, Mme A qui, en tout état de cause, a reçu communication de l'ensemble des évaluations réalisées par ses maîtres de stage et par la direction de l'Ecole nationale de la magistrature à l'issue de ses différents stages et du rapport spécial à l'intention du jury élaboré à son sujet en application du règlement intérieur de l'Ecole, n'est pas fondée à soutenir que les décisions attaquées seraient irrégulières, faute pour elle d'avoir eu préalablement accès à l'intégralité de son dossier ;

Considérant en deuxième lieu qu'aucune disposition de l'ordonnance précitée du 22 décembre 1958 ou du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les décisions du jury de classement doivent être motivées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient insuffisamment motivées doit être écarté ;

Considérant en troisième lieu que l'article 48 du décret du 4 mai 1972 précité prévoit que le jury de classement arrête les notes obtenues par les auditeurs de justice aux épreuves de classement organisées en fin de scolarité et prend ensuite connaissance des notes d'études et de stage ; que, selon le même article, il se prononce en premier lieu sur l'aptitude de chaque auditeur à exercer, à la sortie de l'Ecole, les fonctions judiciaires, après avis motivé du directeur de l'Ecole et au vu du rapport du coordonnateur régional de formation sur l'aptitude de l'auditeur de justice à exercer les fonctions judiciaires, établi dans les conditions prévues dans le règlement intérieur, ainsi que du rapport du directeur de centre de stage sur le stage juridictionnel (...) ; que ni ces dispositions ni aucune autre disposition ne font obstacle à ce que le règlement intérieur de l'Ecole prévoie que les notes d'études et de stage sont définitivement arrêtées à l'issue de la période d'études et de stage par le directeur de l'Ecole et le directeur de la formation initiale et que dans certains cas, au vu des appréciations portées sur l'auditeur au cours de sa formation, notamment lorsque l'aptitude de l'auditeur est en cause, la notation est accompagnée d'un rapport spécial à l'intention du jury ; qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le directeur de l'Ecole a exercé en l'espèce un autre pouvoir que celui qu'il tient des dispositions citées ci-dessus, de faire connaître au jury son avis motivé sur l'aptitude d'un auditeur à exercer les fonctions judiciaires ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que les décisions attaquées ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur la légalité interne des décisions attaquées :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le directeur de l'Ecole pouvait légalement accompagner la transmission au jury de classement de la notation définitive de Mme A d'un rapport spécial contenant son avis motivé sur l'aptitude de l'intéressée ; que si la requérante fait valoir que le jury aurait pu s'estimer lié par cet avis, et par là même méconnu l'étendue de sa compétence, cette affirmation n'est corroborée par aucune pièce du dossier ;

Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les décisions attaquées seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Nathalie A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 339557
Date de la décision : 30/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2010, n° 339557
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Roger-Lacan Cyril
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:339557.20101230
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