La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2011 | FRANCE | N°327727

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 12 janvier 2011, 327727


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 7 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Saïdi A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA02077 du 16 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête d'appel de la société Pages Jaunes, d'une part, a annulé le jugement n° 0311409/3 du 15 juin 2005 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de la société Pages Jaunes tendant à l'annulation de la décision du

4 décembre 2002 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenc...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 7 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Saïdi A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08PA02077 du 16 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête d'appel de la société Pages Jaunes, d'une part, a annulé le jugement n° 0311409/3 du 15 juin 2005 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de la société Pages Jaunes tendant à l'annulation de la décision du 4 décembre 2002 de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. A et de la décision du 4 juin 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité confirmant ce refus, d'autre part a annulé ces deux décisions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Pages Jaunes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 décembre 2010, présentée pour la société Pages Jaunes ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 décembre 2010, présentée pour M. A ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Louis Dutheillet de Lamothe, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Pages Jaunes,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Pages Jaunes,

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code du travail alors en vigueur, devenu l'article L. 1233-4 : (...) Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent êtres écrites et précises. ; qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombe avant de procéder à un licenciement économique, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, dans l'hypothèse où il n'existe pas d'emploi équivalent au sein de l'entreprise, de vérifier si cette dernière a cherché à reclasser le salarié sur des emplois équivalents au sein du groupe auquel elle appartient ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, déduire que la société Pages Jaunes avait satisfait à son obligation de reclassement du fait qu'il n'existait pas en son sein d'emploi équivalent à celui que M. A occupait précédemment et que des offres sérieuses de reclassement sur des emplois de catégorie inférieure lui avaient été faites, sans avoir vérifié si la société établissait l'absence d'emploi équivalent au sein du groupe auquel elle appartenait ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la nature des emplois susceptibles d'être proposés à M. A ainsi qu'au niveau et à la structure de leur rémunération, il n'existait pas au sein de la société Pages Jaunes d'emploi équivalent à celui qu'il occupait précédemment ; que, toutefois, la circonstance que M. A n'aurait pas pu continuer à exercer ses fonctions représentatives dans une autre société du groupe ne dispensait pas la société Pages Jaunes de chercher à le reclasser sur un emploi équivalent dans les autres sociétés du groupe auquel elle appartenait ; que, pour établir qu'elle s'est acquittée de cette obligation, la société Pages Jaunes ne peut pas se borner à faire état des seules mesures d'ordre général mises en oeuvre pour favoriser le reclassement de ses salariés au sein du groupe France Télécom ; qu'ainsi, elle n'établit pas qu'elle était dans l'impossibilité de présenter au salarié des offres d'emploi équivalent, écrites et précises, au sein du groupe France Télécom ; que, par suite, la société Pages Jaunes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'elle ne pouvait être regardée comme ayant satisfait à ses obligations en matière de reclassement pour rejeter sa demande ;

Considérant, par ailleurs, que, si la société Pages Jaunes soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a estimé que le bien-fondé du motif économique du licenciement n'était pas établi, il résulte, en tout état de cause, des termes du jugement attaqué que c'est de manière surabondante que les premiers juges se sont prononcés sur ce point ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société Pages Jaunes la somme de 3 000 euros, à verser à M. A au titre des frais exposés par lui en cassation et en appel ; que ces dispositions, en revanche, font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que demande la société Pages Jaunes au titre des frais de même nature exposés par elle ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 16 février 2009 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La requête de la société Pages Jaunes présentée devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.

Article 3 : La société Pages Jaunes versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Pages Jaunes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Saïdi A, à la société Pages Jaunes et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 327727
Date de la décision : 12/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jan. 2011, n° 327727
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Dandelot
Rapporteur ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Rapporteur public ?: Mme Dumortier Gaëlle
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:327727.20110112
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award