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17/01/2011 | FRANCE | N°308199

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 17 janvier 2011, 308199


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 5 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme André A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 29 janvier 2004 du tribunal administratif de Melun rejetant leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des

années 1995 et 1996 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 5 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme André A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 29 janvier 2004 du tribunal administratif de Melun rejetant leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1995 et 1996 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, à ce que soit prononcée la décharge demandée ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur profit de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Rouvière, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Rouvière, avocat de M. et Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 1995 et 1996 à l'occasion duquel l'administration fiscale a constaté que M. A avait déclaré en 1995 dans la catégorie des traitements et salaires des sommes perçues de la SARL Groupement Multi Service d'un montant de 825 200 francs TTC et qu'il avait perçu en 1996 de la même société des sommes d'un montant total de 814 054 francs ; qu'après avoir requalifié les premières de revenus non commerciaux et mis en demeure M. A de déposer une déclaration de revenus non commerciaux, ce qu'il n'a pas fait, le service a évalué d'office ses revenus dans cette catégorie au titre de l'année 1995, sur le fondement des dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; que les sommes perçues en 1996 ont été qualifiées de revenus distribués et soumises à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que par un arrêt du 16 mai 2007, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir prononcé un non lieu à statuer à hauteur d'une somme de 7 041,30 euros correspondant à une pension alimentaire versée par M. A en 1996, a confirmé le jugement du tribunal administratif de Melun du 29 janvier 2004 et rejeté les conclusions de M. et Mme A aux fins de décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1995 et 1996 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ; que M. et Mme A demandent l'annulation de cet arrêt ;

Sur la régularité de l'arrêt :

Considérant que la cour a prononcé, en raison du dégrèvement obtenu en cours d'instance, un non lieu à statuer sur les conclusions aux fins de décharge à hauteur de la somme correspondant à la pension alimentaire versée par M. A en 1996 ; que, par suite, M. et Mme A ne peuvent utilement soutenir que la cour a omis de statuer sur leurs conclusions relatives à cette somme ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portées à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. Cette notification est interruptive de prescription (...) ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le service, après avoir notifié des redressements dans une certaine catégorie de revenus, mette en demeure le contribuable, après l'avoir informé de son intention de requalifier ces revenus dans une autre catégorie, de déposer une déclaration de revenus dans cette catégorie, puis procède, le contribuable n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, à l'évaluation d'office de ses revenus dans cette catégorie ; qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir qu'en jugeant que le service avait pu, après leur avoir notifié, le 19 janvier 1998, un redressement dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, puis les avoir informés qu'il avait l'intention, à la suite de l'entretien avec le contribuable, de requalifier les sommes perçues de bénéfices non commerciaux, les mettre en demeure de déposer une déclaration de revenus dans cette catégorie et établir leur imposition selon la procédure de l'évaluation d'office en raison de leur absence de réponse à cette mise en demeure, la cour aurait commis une erreur de droit ;

Considérant d'autre part que, dans le cas où le contribuable a régulièrement souscrit sa déclaration de revenu global, l'administration n'est pas tenue, s'agissant du redressement affectant le revenu global en conséquence de l'évaluation d'office d'un revenu catégoriel, d'adresser au contribuable une notification comportant l'invitation de faire connaître son acceptation ou ses observations dans le délai de trente jours, une discussion par le contribuable du redressement en cause ne pouvant utilement être engagée qu'après l'établissement de l'impôt, dans le cadre, le cas échéant, de la procédure contentieuse ; que, par suite, M. et Mme A ne peuvent utilement soutenir qu'en jugeant que l'administration, qui les avait au demeurant informés de son intention de modifier la catégorie d'imposition des revenus litigieux, avait pu régulièrement se dispenser de mentionner, dans la nouvelle notification de redressements qu'elle leur avait adressée, l'abandon de la précédente, la cour aurait commis une erreur de droit ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...), sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 et 367 du code civil ; rentes prévues à l'article 276 du code civil et pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce, ou en cas d'instance en séparation de corps ou de divorce lorsque le conjoint fait l'objet d'une imposition séparée (...) / Le contribuable ne peut opérer de déduction pour ses descendants mineurs, sauf pour les enfants dont il n'a pas la garde. ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une pension alimentaire versée par un contribuable en vue de pourvoir aux besoins de toute nature de ses enfants mineurs est déductible du revenu imposable à l'impôt sur le revenu ; qu'en jugeant que la pension alimentaire versée au cours de l'année 1995 par M. A à la mère de son enfant mineur dont il n'avait pas la garde n'était pas déductible de ses revenus au motif que les dispositions précitées ne prévoyaient pas la déduction de sommes versées au titre du devoir d'entretien de l'article 203 du code civil et ne procédant pas d'une décision de justice, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1733 du code général des impôts, applicable au litige : I. L'intérêt de retard et les majorations prévus à l'article 1729 ne sont pas applicables en ce qui concerne les droits dus à raison de l'insuffisance des prix ou évaluations déclarés pour la perception des droits d'enregistrement ou de la taxe de publicité foncière ainsi qu'en ce qui concerne les impôts sur les revenus et les taxes accessoires autres que la taxe d'apprentissage, lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas le dixième de la base d'imposition. / Toutefois, cette insuffisance ne doit pas être supérieure au vingtième de la base d'imposition en matière d'impôts sur les revenus et de taxes accessoires autres que la taxe d'apprentissage ; que le II du même article assimile pour l'application du I à une insuffisance de déclaration, lorsqu'elles ne sont pas justifiées, les charges qu'il énumère limitativement ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mesure de tempérament ainsi organisée n'est applicable que lorsque le contribuable a déclaré une base d'imposition insuffisante, au sens des dispositions précitées du I de l'article 1733, ou lorsque sa déclaration est entachée d'un défaut de justification de l'une des charges énumérées au II de cet article, à l'exclusion du cas dans lequel il a déclaré des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, au sens des dispositions précitées du I de l'article 1729 ; qu'en jugeant qu'une erreur de classement catégoriel n'entrait dans aucune des prévisions de l'article 1733 précité du code général des impôts, et en refusant, par suite, à M. et Mme A le bénéfice de la mesure susmentionnée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme A sont seulement fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à ce que soit déduite de leur revenu imposable la pension alimentaire versée par M. A à la mère de sa fille mineure en 1995 et à ce que soit réduits en conséquence le complément d'impôt sur le revenu auquel M. et Mme A ont été assujettis au titre de 1995 ainsi que les pénalités correspondantes ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans la mesure de la cassation prononcée, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il est constant que M. A a versé, en 1995, une somme de 155 000 F (23 629,60 euros) pour l'entretien de sa fille mineure à Mme B, qui en avait la charge ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la circonstance que cette somme n'aurait pas le caractère d'une pension alimentaire au sens des dispositions des articles 205 et suivants du code civil, est sans incidence sur son caractère déductible en application des dispositions précitées du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année en litige ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du tribunal administratif de Melun du 29 janvier 2004 ne leur a pas accordé la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre de l'année 1995, correspondant à une réduction de ses bases d'imposition d'un montant de 23 629,60 euros, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de cet article, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 mai 2007 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. et Mme A aux fins de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de pénalités correspondant à la pension alimentaire versée par M. A en 1995.

Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. et Mme A au titre de l'année 1995 est réduite de la somme de 23 629, 60 euros.

Article 3 : M. et Mme A sont déchargés des cotisations d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondant à cette réduction des bases d'imposition.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 29 janvier 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de M. et Mme A est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme André A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 308199
Date de la décision : 17/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jan. 2011, n° 308199
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Tuot
Rapporteur ?: Mme Anne Berriat
Rapporteur public ?: Mlle Lieber Sophie-Justine
Avocat(s) : ROUVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:308199.20110117
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