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24/01/2011 | FRANCE | N°308519

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 24 janvier 2011, 308519


Vu le pourvoi, enregistré le 13 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt n° 05PA02753 du 14 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête de M. Bruno A, a annulé le jugement du 13 mai 2005 du tribunal administratif de Paris et déchargé l'intéressé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années

1994 et 1995 et des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pi...

Vu le pourvoi, enregistré le 13 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt n° 05PA02753 du 14 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête de M. Bruno A, a annulé le jugement du 13 mai 2005 du tribunal administratif de Paris et déchargé l'intéressé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1994 et 1995 et des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A est copropriétaire indivise avec sa mère du château de Pignol à Tannay (Nièvre), inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, dont elle possède 75 % de la nue-propriété et 50 % de l'usufruit ; que M. et Mme A ont déduit de leurs revenus imposables des années 1994 et 1995 l'intégralité des dépenses de travaux réalisés pour la restauration du château qu'ils ont seuls supportées ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a limité les droits à déduction à 75 % des sommes en cause à proportion des droits dans l'indivision détenus par Mme A ; qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Paris, l'administration fiscale a fait valoir que les contribuables, faute d'avoir procédé à la déclaration d'ouverture au public auprès du délégué régional du tourisme conformément aux prescriptions de l'article 17 quater de l'annexe IV au code général des impôts, ne pouvaient, en tout état de cause, prétendre déduire un montant de charges supérieur à 50 % en application des dispositions combinées des articles 41 F et 41 I de l'annexe III au même code ; que le tribunal administratif a rejeté pour ce motif les demandes de M. A par un jugement du 13 mai 2005 ; que, sur appel de M. A, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et accordé la décharge des impositions litigieuses ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a produit devant la cour administrative d'appel de Paris un mémoire enregistré le 1er juin 2007, jour de l'audience publique, soit postérieurement à la clôture de l'instruction qui intervient, en application des dispositions de l'article R. 613-2 du même code, au plus tard trois jours francs avant l'audience ; que ce mémoire qui, eu égard à son contenu, ne justifiait pas la réouverture de l'instruction, n'avait pas à être communiqué au ministre requérant ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction (...) : / II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) / 1° ter. Dans les conditions fixées par décret, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire (...) ; qu'aux termes de l'article 41 E de l'annexe III au même code : Dans la mesure où elles ne sont pas déduites des revenus visés à l'article 29, deuxième alinéa, du code général des impôts, les charges foncières afférentes aux immeubles classés monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire et dont le propriétaire se réserve la jouissance peuvent être admises en déduction du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu dans les conditions et limites définies aux articles 41F à 41 I ; qu'aux termes de l'article 41 F de la même annexe, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : I. Les charges visées à l'article 41 E comprennent tout ou partie des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que des autres charges foncières énumérées aux a à d du 1° et au a du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts. / Ces charges sont déductibles pour leur montant total si le public est admis à visiter l'immeuble et pour 50 % de leur montant dans le cas contraire ; qu'aux termes de l'article 41 I de cette annexe : Pour l'application des articles 41 F et 41 H, un arrêté détermine les conditions auxquelles il doit être satisfait pour que l'immeuble soit considéré comme ouvert au public ; qu'aux termes de l'article 17 ter de l'annexe IV au code général des impôts : Sont réputés ouverts à la visite, au sens de l'article 41 I de l'annexe III au code général des impôts, les immeubles que le public est admis à visiter au moins : / - soit cinquante jours par an (...) / - soit quarante jours pendant les mois de juillet, août et septembre ; qu'aux termes de l'article 17 quater de la même annexe : Le propriétaire est tenu de déclarer, avant le 1er février de chaque année, les conditions d'ouverture de son immeuble au délégué régional du tourisme. / Il en assurera la diffusion au public par tous les moyens appropriés ; qu'aux termes de l'article 17 quinquies de cette annexe : Pour l'application du I de l'article 41 F et de l'article 41 H de l'annexe III au code général des impôts, le récépissé de la déclaration visée à l'article 17 quater est joint à la déclaration de revenus de l'année considérée ;

Considérant d'une part qu'eu égard aux termes des articles 156 du code général des impôts et 41 F de l'annexe III à ce code, les arrêtés dont procèdent les articles 17 quater et quinquies de l'annexe IV au même code ne pouvaient légalement prescrire l'obligation de déclaration et de production du récépissé à peine de refus de l'avantage fiscal sollicité ; qu'ainsi, en jugeant que l'omission de la déclaration d'ouverture au public auprès du délégué régional au tourisme et l'absence de production du récépissé de cette déclaration lors de la déclaration de revenus ne pouvaient avoir pour effet de priver le propriétaire d'un monument historique du droit qu'il tient de l'article 156 du code général des impôts et de l'article 41 F de l'annexe III à ce code de déduire la totalité des charges exposées pour la réparation de l'immeuble, dès lors qu'il établit avoir fait diligences pour ouvrir le monument au public pendant une durée au moins égale à celle exigée, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'elle s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier en estimant que les contribuables apportaient la preuve que le château de Pignol avait été au cours des années en cause ouvert au public pendant cette durée ;

Considérant d'autre part qu'en jugeant que, lorsque l'un des membres d'une indivision propriétaire d'un monument historique dont elle garde la jouissance a supporté des charges foncières relatives à ce monument pour un montant supérieur à sa quote-part dans l'indivision, les dispositions précitées l'autorisent néanmoins à déduire la totalité de la dépense effectivement supportée, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à M. Bruno A.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308519
Date de la décision : 24/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE. CHARGES DÉDUCTIBLES. - MONUMENTS HISTORIQUES - 1) DÉDUCTION INTÉGRALE DES CHARGES SOUS CONDITION D'OUVERTURE AU PUBLIC - DÉCLARATION AUPRÈS DU DÉLÉGUÉ RÉGIONAL AU TOURISME DES CONDITIONS D'OUVERTURE AU PUBLIC (ART. 17 QUATER DE L'ANNEXE IV AU CGI) ET PRODUCTION LORS DE LA DÉCLARATION DE REVENUS DU RÉCÉPISSÉ DE CETTE DÉCLARATION (ART. 17 QUINQUIES DE L'ANNEXE IV AU CGI) - FORMALITÉ NON RESPECTÉE - CONSÉQUENCE - PERTE DU DROIT À DÉDUCTION - ABSENCE - 2) PROPRIÉTAIRE INDIVIS AYANT LA JOUISSANCE DU MONUMENT HISTORIQUE - DÉDUCTION DE LA DÉPENSE SUPPORTÉE POUR UN MONTANT SUPÉRIEUR À SA QUOTE-PART DANS L'INDIVISION - EXISTENCE [RJ1].

19-04-01-02-03-04 1) Eu égard aux termes des articles 156 du code général des impôts (CGI) et 41 F de l'annexe III à ce code, les arrêtés dont procèdent les articles 17 quater et quinquies de l'annexe IV au même code ne peuvent légalement prescrire l'obligation de déclaration d'ouverture au public auprès du délégué régional au tourisme et de production du récépissé de cette déclaration à peine de refus de l'avantage fiscal sollicité.... ...2) Lorsque l'un des membres d'une indivision propriétaire d'un monument historique dont elle garde la jouissance a supporté des charges foncières relatives à ce monument pour un montant supérieur à sa quote-part dans l'indivision, les dispositions précitées l'autorisent à déduire la totalité de la dépense effectivement supportée.


Références :

[RJ1]

Rappr. s'agissant de l'associé d'une société civile immobilière, propriétaire d'un monument historique, CE, 9 juillet 1982, M. X., n° 30897, T. p. 587. Comp. en matière de revenus fonciers, CE, 8 février 1978, M. X, n° 02212, T. p. 785.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 jan. 2011, n° 308519
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Gilles Pellissier
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:308519.20110124
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