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26/01/2011 | FRANCE | N°312470

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 26 janvier 2011, 312470


Vu le pourvoi sommaire, les observations rectificatives et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier, 1er février et 9 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME PPR, anciennement dénommée société Pinault Printemps Redoute, dont le siège est 10 avenue Hoche à Paris (75008) ; la SOCIETE ANONYME PPR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA01361 du 29 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit au recours formé par le ministre de l'économie, des finances et

de l'industrie tendant à l'annulation du jugement n° 9907783 du 13 déce...

Vu le pourvoi sommaire, les observations rectificatives et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier, 1er février et 9 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ANONYME PPR, anciennement dénommée société Pinault Printemps Redoute, dont le siège est 10 avenue Hoche à Paris (75008) ; la SOCIETE ANONYME PPR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA01361 du 29 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit au recours formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'annulation du jugement n° 9907783 du 13 décembre 2005 du tribunal administratif de Paris faisant droit à la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels la société Pinault, aux droits de laquelle la société Pinault Printemps Redoute est venue, a été assujettie au titre de l'année 1992, d'une part, a annulé ce jugement et, d'autre part, a rejeté la demande présentée par la société Pinault Printemps Redoute devant le tribunal administratif de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE PPR,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE PPR ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur en première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par le demandeur en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel ;

Considérant que, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir censuré le motif du jugement du tribunal administratif de Paris qui constituait le soutien nécessaire du dispositif du jugement attaqué devant elle, a fait droit au recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sans répondre au moyen que, ainsi qu'il ressort des pièces de son dossier, la société Pinault Printemps Redoute, devenue la SOCIETE ANONYME PPR, avait soulevé en première instance et tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition au motif qu'elle n'avait pas reçu, outre l'avis de vérification de comptabilité, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié préalablement à l'engagement d'une telle vérification en méconnaissance de l'alinéa 4 de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat n'est pas fondé à soutenir qu'en relevant que la société avait été avisée par une lettre recommandée du 9 juin 1994 et reçue le 13 juin suivant de ce que l'administration engageait la vérification de sa comptabilité au titre des exercices clos au cours des années 1991 à 1993, la cour, qui a répondu au moyen distinct tiré de l'absence de réception de l'avis de vérification de comptabilité, aurait implicitement mais nécessairement jugé que la société avait reçu cette charte ; qu'il ne peut davantage soutenir que ce moyen, qui n'était pas inopérant, devait être regardé comme ayant été abandonné devant les premiers juges ; que, par suite, la SOCIETE ANONYME PPR est fondée à soutenir que la cour a fait une inexacte application des règles rappelées ci-dessus et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : ... 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période... par les associés ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise ; que, si parmi les opérations de la société figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise, qu'il s'agisse des droits et des obligations résultant de leurs stipulations ou des profits et des charges entraînés par leur exécution, doivent être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus, mais ne peuvent l'être dans le bilan précédent ; que, par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité doivent affecter les résultats de la période au cours de laquelle de tels contrats ont été effectivement conclus mais ne peuvent en aucun cas conduire à rectifier ceux de la période précédente ;

Considérant qu'en application de ces règles, pour la détermination des bénéfices imposables de la société absorbante dans le cas de fusion de deux sociétés, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences de la fusion est le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel la convention de fusion a été définitivement conclue ; que si les deux sociétés sont convenues, notamment en raison des délais nécessaires à l'évaluation des apports et à la réunion des organes délibérants des deux personnes morales, de donner effet à la fusion à une date déterminée, antérieure à celle à laquelle la convention est définitivement conclue, mais dont, sur le plan fiscal, seuls les effets postérieurs à l'ouverture des exercices en cours des deux sociétés concernées peuvent être pris en compte, celles-ci sont tenues l'une et l'autre de tirer toutes les conséquences de la date ainsi stipulée, à laquelle les effets de la fusion remontent ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 2 de l'article 221 du même code : En cas ... de fusion,... l'impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l'article 201 (...) ; qu'en vertu des 1 et 3 de l'article 201 du même code, l'impôt est immédiatement établi en raison des bénéfices réalisés et qui n'ont pas encore été imposés et les contribuables doivent adresser à l'administration dans le délai de soixante jours la déclaration de leurs résultats ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dans le cas où la fusion de deux sociétés comporte une date d'effet rétroactif postérieure à l'ouverture de l'exercice en cours, la société absorbée doit acquitter l'impôt qui est immédiatement établi au titre des bénéfices réalisés au cours de la période comprise entre l'ouverture de cet exercice et la date d'effet de la fusion ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si une vente initiée par la société absorbée pendant la période séparant l'ouverture de son exercice en cours et la date stipulée pour l'effet de son absorption ne devient parfaite qu'après cette date, cette opération doit être rattachée non aux résultats de la société absorbée au titre de cette période, mais à ceux de la société absorbante au titre de son exercice en cours ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Pinault, aux droits de laquelle est venue la société Pinault Printemps Redoute, a absorbé le 30 septembre 1992 la société Compagnie Internationale d'Ameublement (Cia) ; que les deux sociétés, dont les exercices correspondaient à l'année civile, ont décidé de fixer la date d'effet de cette opération au 1er avril 1992 ; que la société Cia a rattaché aux résultats qu'elle a déclarés au titre de la période allant du 1er janvier au 31 mars 1992 la plus-value réalisée le 25 février 1992 lors de la cession à la société Générale de Participation et de Financement-Gefip de ses titres de participation dans les sociétés Ordo, Trau et Eguizier ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société absorbante, l'administration a rattaché cette plus-value aux résultats réalisés par cette société dans lesquels devaient être prises en compte les opérations effectuées par la société Cia postérieurement au 1er avril 1992 ; qu'en effet elle a estimé que la cession de ces titres était subordonnée à la condition suspensive résultant de l'autorisation du conseil d'administration de la société Cia et que la réalisation de cette condition était intervenue seulement le 13 avril 1992 ;

Considérant que, pour faire droit à la demande de la société Pinault Printemps Redoute tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard correspondants auxquels la société Pinault a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1992, le tribunal administratif de Paris a retenu le motif invoqué par l'administration mais a estimé que le fait générateur de la plus-value réalisée lors de la cession des titres n'était pas intervenu postérieurement à la disparition effective de la société Cia le 30 septembre 1992 ; que toutefois, compte tenu de ce qui précède, les opérations effectuées par la société absorbée entre le 1er avril 1992 et le 30 septembre 1992, date à laquelle sa disparition est devenue effective, devaient être constatées dans les comptes de la société Pinault Printemps Redoute et imposées à son nom et non dans ceux de la société absorbée ; que, par suite, le ministre de l'économie des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que ce motif est entaché d'erreur de droit ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société requérante devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, par lettre recommandée du 9 juin 1994, dont, selon l'attestation du service de la Poste produite par l'administration et non contestée, la société a accusé réception le 13 juin 1994, celle-ci a été avisée de ce que l'administration engageait la vérification de sa comptabilité au titre des années 1991 à 1993 ; que, par suite, la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu l'avis de vérification de comptabilité ;

Considérant, d'autre part, que si la société soutient qu'elle n'a pas reçu la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, elle ne prétend pas que l'enveloppe qui lui a été remise ne contenait que l'avis de vérification de comptabilité ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant justifié de l'envoi au contribuable de ce document figurant en pièce jointe à cet avis selon les mentions mêmes portées sur celui-ci ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, d'une part, que la cession de titres d'une société doit être regardée comme réalisée à la date à laquelle cette vente devient parfaite, le cas échéant, après réalisation de la condition suspensive dont cette vente est assortie ; que si la société Cia et la société Générale de Participation et de Financement-Gefip n'ont pas conclu de convention écrite pour la cession des titres le 25 février 1992, cette circonstance ne suffit pas à établir que cette cession n'a pas été assortie d'une condition suspensive ; que le procès-verbal du conseil d'administration de la société Cia du 13 avril 1992 précise, à propos de la vente des participations détenues par elle dans les sociétés Ordo, Trau et Eguizier, que ces cessions sont effectuées sous la condition suspensive de l'autorisation donnée par ce conseil, eu égard au caractère connexe de cette opération par rapport à la cession Conforama, que cette autorisation n'est demandée qu'à ce jour (...) qu'il paraît logique qu'ayant autorisé la cession de Conforama, le conseil approuve celle des participations... et mentionne qu'après en avoir délibéré, le conseil approuve les termes et conditions proposées pour cette cession ; qu'au surplus, dans ses observations en date du 17 janvier 1996 en réponse à la notification de redressements, la société a elle-même indiqué que cette cession s'était effectuée sous condition suspensive de l'autorisation du conseil d'administration et que la vente a été réalisée le 25 février 1992 avec une condition suspensive qui ne s'est réalisée que le 13 avril 1992 ; qu'elle a développé la même argumentation dans sa réclamation ; que, contrairement à ce que la société soutient désormais devant le juge de l'impôt, même si les parties se sont accordées dès le 25 février 1992 sur l'objet et le prix de la cession, cette vente n'a revêtu un caractère parfait que le jour de réalisation de la condition suspensive dont elle était assortie, soit le 13 avril 1992 ; qu'ainsi cette vente, certes initiée par la société absorbée pendant la période séparant l'ouverture de son exercice en cours et la date stipulée pour l'effet de son absorption, n'a été réalisée qu'après cette date ; que dès lors, le montant de la plus-value réalisée à cette occasion devait être rattaché aux résultats de la société absorbante au titre de son exercice en cours en 1992 ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que, compte tenu de la date de la cession de ces titres, la société absorbée a transmis à la société absorbante les titres correspondant à ces participations et non la créance correspondant à leur valeur ; que, par suite, la société requérante ne peut en tout état de cause soutenir que l'actif net apporté par la société absorbée a été majoré du montant de cette créance ce qui ferait obstacle à ce que la plus-value réalisée lors de la cession des titres fût prise en compte dans la détermination de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 1992 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande présentée par la société Pinault Printemps Redoute ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la SOCIETE ANONYME PPR d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt en date du 29 novembre 2007 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement en date du 13 décembre 2005 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les intérêts de retard correspondants auxquels la société Pinault, aux droits de la quelle vient la société Pinault Printemps Redoute, devenue la SOCIETE ANONYME PPR, a été assujettie au titre de l'année 1992 sont remis à la charge de cette société.

Article 3 : La demande présentée par la société Pinault Printemps Redoute devant le tribunal administratif de Paris et les conclusions présentées par la SOCIETE ANONYME PPR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME PPR et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312470
Date de la décision : 26/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2011, n° 312470
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Patrick Quinqueton
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:312470.20110126
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