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26/01/2011 | FRANCE | N°345240

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 26 janvier 2011, 345240


Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Virginie B, élisant domicile chez ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 26 novembre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Kinshasa lui refusant, ainsi qu'aux en

fants Dadi A et Mpiolani et Mbanzani C un visa d'entrée en France au titre...

Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Virginie B, élisant domicile chez ... ; Mme B demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 26 novembre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Kinshasa lui refusant, ainsi qu'aux enfants Dadi A et Mpiolani et Mbanzani C un visa d'entrée en France au titre du rapprochement familial en faveur d'un réfugié statutaire ;

2°) d'enjoindre aux autorités consulaires françaises en République démocratique du Congo de procéder au réexamen de la demande de visa dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 75 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'elle et ses enfants sont séparés de M. C, son époux et leur père, qui a la qualité de réfugié statutaire ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que le retrait de la décision du 22 septembre 2008 des autorités consulaires de lui accorder ainsi qu'à ses enfants des visas de long séjour, qui était créatrice de droits, a méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relatives aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, faute qu'elle ait été mise en mesure de présenter ses observations ; qu'en estimant que son identité n'était pas formellement établie et qu'elle avait effectué un séjour en France et demandé le bénéfice du statut de réfugié, la commission a entaché sa décision d'une inexactitude matérielle des faits et d'une erreur de qualification juridique ; que la décision attaquée, en lui interdisant de rejoindre son mari avec les enfants de celui-ci, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que le principe de l'unité de famille qui est au nombre des principes généraux du droit applicables aux réfugiés ; qu'en raison de l'état de santé de son mari, la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de celui-ci ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision implicite de cette commission ;

Vu le mémoire en défense, du 14 janvier 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite dès lors que la décision contestée ne préjudicie pas de manière suffisamment grave et immédiate aux intérêts de la requérante ; que l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'est pas applicable en matière de refus de visa dès lors que le législateur a défini une procédure contradictoire spécifique ; qu'il apparaît que la personne qui a produit l'acte de mariage n'est pas la même que celle qui a déposé les demandes de visas auprès de l'ambassade de France à Kinshasa, ainsi que l'attestent les photographies produites ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, les documents établissant la filiation des enfants ne sont pas probants ; que la production d'actes frauduleux ou apocryphes est une circonstance de nature, à elle seule, à justifier le rejet de l'ensemble des demandes de visas ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne sont pas méconnus dès lors qu'un doute subsiste sur l'identité réelle de la requérante et sur le lien qui l'unit à M. C ; que les enfants, dont il n'est pas contesté qu'ils ne sont pas ceux de la requérante, ne disposent que d'attestations de délégation d'autorité parentale de leurs mères à leur père, attestations qui, en l'absence de toute décision d'un juge, ne peuvent légalement donner délégation de l'autorité parentale au père ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Virginie B et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 21 janvier 2011 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B ;

- M. C Manzani, époux de la requérante ;

- les représentants du ministère de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant que la décision par laquelle, le 26 novembre 2009, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme B contre la décision du consul général de France à Kinshasa en date du 21 octobre 2008 retirant les visas qu'il avait délivrés à celle-ci et aux enfants Piolani C, Mbanzanil C et Dadi A pour rejoindre leur mari et père, M. C, admis au bénéfice du statut de réfugié en 2002, s'est entièrement substituée à cette dernière décision ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 21 octobre 2008 aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, faute pour le consul général de France de l'avoir mise à même de présenter ses observations, est, en tout état de cause, inopérant ;

Considérant que pour confirmer le refus de délivrer les visas demandés, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les circonstances que l'identité de Mme B n'avait pu être formellement établie, la photographie présentée pour la demande de visa étant différente de celle fournie dans un dossier de demande d'asile présentée sous le même nom à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qu'elle avait effectué un voyage en France, contrairement à ce qu'elle avait affirmé dans ses déclarations et que le jugement supplétif d'acte de mariage du 23 juillet 2008 mentionnait la présence personnelle de M. C lors du jugement alors que celui-ci était au même moment réfugié en France ; que si Mme B soutient qu'elle a pu être victime d'une usurpation d'identité, ni les pièces du dossier soumis au juge des référés ni les débats lors de l'audience publique n'ont permis d'éclaircir les contradictions relevées par l'administration, alors même qu'il est établi que, sous le même nom et avec la mention d'épouse de M. C, mais avec une photographie différente, une demande de bénéficier du statut de réfugié a bien été adressée à l'OFPRA ; qu'en outre, s'il n'est pas contesté que les trois enfants pour lesquels des visas sont demandés sont les enfants de M. C, mais non ceux de Mme B, les déclarations de délégation implicite de l'autorité parentale à leur père que les deux mères des trois enfants ont signées, ne sont pas, par elles-mêmes, en l'absence de décision d'un juge, de nature à donner au seul M. C l'autorité parentale sur ces trois enfants ;

Considérant que, dans ces conditions, les moyen tirés de ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait entaché sa décision d'une inexactitude matérielle des faits, d'une erreur de qualification juridique et d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que d'une méconnaissance du principe de l'unité de famille qui est au nombre des principes généraux du droit applicables aux réfugiés, ne sont pas, de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le point de savoir si la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite, que la requête à fin de suspension de Mme B ne peut être accueillie ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Virginie B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 345240
Date de la décision : 26/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jan. 2011, n° 345240
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Christnacht
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:345240.20110126
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