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02/02/2011 | FRANCE | N°323970

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 02 février 2011, 323970


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier et 3 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Gervaise A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 06BX02391 - 06BX02453 du 14 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé les jugements du tribunal administratif de Bordeaux des 4 mai 2005 et 5 octobre 2006 et a rejeté sa requête tendant à la condamnation du centre hospitalier Pasteur de Langon au versement d'indemnités

en réparation des préjudices résultant pour elle de la complicatio...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier et 3 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Gervaise A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 06BX02391 - 06BX02453 du 14 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé les jugements du tribunal administratif de Bordeaux des 4 mai 2005 et 5 octobre 2006 et a rejeté sa requête tendant à la condamnation du centre hospitalier Pasteur de Langon au versement d'indemnités en réparation des préjudices résultant pour elle de la complication survenue lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 3 mai 1999 dans ce centre hospitalier ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Pasteur de Langon la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A, de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier pasteur de langon et de la SCP Didier, Pinet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier pasteur de langon et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a été admise au centre hospitalier Pasteur de Langon afin d'y subir sous coelioscopie, le 3 mai 1999, une adhésiolyse de l'intestin grêle ; que les examens pratiqués, en raison de douleurs persistantes à l'issue de l'opération, ont révélé l'existence d'une perforation accidentelle de l'intestin grêle ; qu'une nouvelle opération a alors été réalisée dès le 5 mai 1999, consistant en une laparotomie par voie médiane destinée à opérer la résection, sur environ cinq centimètres, de la partie endommagée de l'intestin grêle ; que, par jugements du 4 mai 2005 et du 5 octobre 2006, le tribunal administratif de Bordeaux, relevant que le chirurgien ayant réalisé l'intervention du 3 mai 1999 avait négligé de vérifier, à l'issue de celle-ci, l'intégrité des tissus, a jugé le centre hospitalier Pasteur de Langon responsable de la complication survenue, et a condamné cet établissement à verser à Mme A une indemnité de 25 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde une somme de 29 869,07 euros en remboursement des prestations servies à l'intéressée ; que, par un arrêt du 14 novembre 2008 contre lequel Mme A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ces deux jugements et rejeté les demandes de Mme A et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ;

Sur la régularité de l'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative relatif aux opérations d'expertise : Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise (...) / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport (...) ; qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 621-9 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : Le rapport est notifié, en copie, aux parties intéressées. Elles sont invitées à fournir leurs observations dans le délai d'un mois ; une prorogation de délai peut être accordée. ;

Considérant que, pour écarter l'existence d'une faute médicale lors de l'intervention du 3 mai 1999, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est notamment fondée sur le rapport de l'expert qui avait été désigné par une ordonnance du président du tribunal administratif de Bordeaux du 21 décembre 2001 ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'expert a établi son rapport le 10 septembre 2002 et que, après avoir communiqué ce document aux parties présentes à l'expertise, il y a annexé les observations que celles-ci lui ont adressées en réponse, puis a déposé au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2002 le rapport tel qu'il l'avait établi le 10 septembre 2002, sans le modifier ; que, si les parties devaient, comme elles l'ont été, être mises à même de fournir sur le rapport d'expertise enregistré le 4 octobre 2002 les observations prévues par l'article R. 621-9 du code de justice administrative, aucune disposition n'imposait à l'expert de répondre aux observations que lui avait adressées les parties sur le rapport qu'il leur avait communiqué ;

Sur la responsabilité pour faute médicale :

Considérant que la cour administrative d'appel s'est fondée, pour écarter l'existence d'une faute médicale, sur des mentions du compte-rendu opératoire de l'intervention chirurgicale du 3 mai 1999 ; que, si ce document ne figurait pas au dossier soumis aux juges du fond, il résulte en revanche de ce dossier que les mentions en cause étaient citées dans des pièces produites par les parties et que ces dernières en ont débattu ; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel a pu, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure ni commettre une irrégularité, se fonder sur les mentions en cause du compte-rendu opératoire ;

Considérant que la cour administrative d'appel, qui a relevé que le compte-rendu opératoire de l'intervention chirurgicale du 3 mai 1999 mentionne que l'intestin grêle de la patiente a été déroulé sans bride , n'a dénaturé les pièces du dossier ni en prenant en compte cette citation non contestée du compte-rendu opératoire, ni en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que le praticien aurait négligé de s'assurer, dans toute la mesure du possible, de l'intégrité des tissus de la patiente ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en ne prenant pas en compte les préjudices temporaires invoqués par Mme Gallon pour l'évaluation de la gravité des dommages, au sens des principes rappelés ci-dessus gouvernant l'engagement de la responsabilité sans faute du service public hospitalier ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en jugeant qu'en l'espèce, au vu de l'ensemble des préjudices permanents invoqués, il ne résulte pas de l'instruction que les dommages subis par Mme A présenteraient, au sens de ces mêmes principes, un caractère d'extrême gravité ;

Sur la responsabilité pour défaut d'information :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant que, après avoir jugé que le centre hospitalier Pasteur de Langon n'établissait pas que Mme A avait été informée des risques de complication inhérents à l'adhésiolyse sous coelioscopie, la cour administrative d'appel a affirmé que, toutefois, Mme A ne démontre pas, et ne soutient d'ailleurs pas que, si elle avait été informée du risque qui s'est réalisé, elle eût renoncé à l'opération ou opté pour un autre type de chirurgie ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait au juge de rechercher, au vu des pièces du dossier et après avoir ordonné, s'il en était besoin, des mesures d'instruction complémentaires, si la patiente avait subi une perte de chance de se soustraire aux dommages qui se sont réalisés, au regard des risques inhérents à l'acte médical litigieux et des risques encourus par l'intéressée en cas de renonciation à cet acte et, dans l'affirmative, de chiffrer la perte de chance, la cour administrative a commis une erreur de droit ; que Mme A est par suite fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier Pasteur de Langon en raison de la faute commise pour défaut d'information ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier Pasteur de Langon le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 novembre 2008 sont annulés, en tant qu'ils statuent sur les conclusions de Mme A tendant à l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier Pasteur de Langon pour défaut d'information.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel Bordeaux.

Article 3 : Le centre hospitalier Pasteur de Langon versera une somme de 3 000 euros à Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Gervaise A, au centre hospitalier Pasteur de Langon et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 323970
Date de la décision : 02/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2011, n° 323970
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Rapporteur public ?: Mme Lieber Sophie-Justine
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; LE PRADO ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:323970.20110202
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