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02/02/2011 | FRANCE | N°327760

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 02 février 2011, 327760


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 10 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY01545 de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 février 2009 en ce que, après avoir annulé le jugement du 16 mai 2007 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il rejetait son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du préfet de l'Aube du 7 octobre 2002 prononçant la suspension de son permis de conduire pour u

ne durée de quatre mois et annulé cet arrêté, la cour a rejeté sa requê...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 10 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant..., ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY01545 de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 février 2009 en ce que, après avoir annulé le jugement du 16 mai 2007 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il rejetait son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du préfet de l'Aube du 7 octobre 2002 prononçant la suspension de son permis de conduire pour une durée de quatre mois et annulé cet arrêté, la cour a rejeté sa requête tendant à l'annulation du même jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la suspension illégale de son permis de conduire ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 29 196,07 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Desportes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M.A...,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de M. A... ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 224-1 à L. 224-3 et L. 224-7 du code de la route, le représentant de l'Etat dans le département peut prendre des mesures de suspension du permis de conduire à l'encontre des personnes soupçonnées d'avoir commis l'une des infractions visées par ces articles ; qu'il résulte en particulier des dispositions des articles L. 224-1 et L. 224-2 que, lorsqu'un dépassement de 40 km/h ou plus de la vitesse maximale autorisée est établi au moyen d'un appareil homologué et que le véhicule est intercepté, le permis de conduire du conducteur est retenu à..., ; qu'en vertu de l'article L. 224-9, les mesures administratives de suspension du permis de conduire " sont considérées comme non avenues en cas d'ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas effectivement de mesure restrictive du droit de conduire " ;

Considérant qu'une mesure de suspension du permis de conduire, décidée par le préfet sur le fondement de l'article L. 224-2 ou de l'article L. 224-7 du code de la route, est illégale et constitue, en conséquence, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat si elle a été prise alors que les conditions prévues par ces articles n'étaient pas réunies ; qu'il appartient par suite au juge administratif, saisi par le conducteur d'un recours indemnitaire tendant à la réparation du préjudice que lui a causé la décision du préfet de déterminer si les pièces au vu desquelles ce dernier a pris sa décision étaient de nature à justifier la mesure de suspension ; que, dans le cas où l'intéressé a été relaxé non au bénéfice du doute mais au motif qu'il n'a pas commis l'infraction, l'autorité de la chose jugée par la juridiction répressive impose au juge administratif d'en tirer les conséquences quant à l'absence de valeur probante des éléments retenus par le préfet ; qu'en dehors de cette hypothèse, la circonstance que la mesure de suspension doive être regardée comme non avenue, par application du deuxième alinéa de l'article L. 224-9, eu égard à la décision rendue par le juge pénal, est par elle-même sans incidence sur la légalité de cette mesure et, par suite, sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 5 octobre 2002, le véhicule conduit par M. A...a été intercepté par un gendarme sur le territoire de la commune de Buchères (Aube) après qu'eut été relevé à son encontre, à l'aide d'un appareil de contrôle fixe, un dépassement de plus de 50 km/h de la vitesse maximale autorisée ; que, le gendarme ayant immédiatement retenu à..., ; que, par jugement du 20 novembre 2002, le tribunal de police de Troyes a relaxé M. A...du chef de la contravention relevée à son encontre ; qu'après que celui-ci eut saisi sans succès le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral et à la réparation du préjudice résultant selon lui de la suspension illégale de son permis de conduire, l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir, par son article 1er devenu définitif sur ce point en l'absence de pourvoi principal ou incident du ministre de l'intérieur, annulé cet arrêté en conséquence du jugement de relaxe, a rejeté sa demande d'indemnisation ;

Considérant que, pour estimer que la responsabilité de l'Etat n'était pas engagée, la cour administrative d'appel a jugé que l'illégalité d'une décision de suspension du permis de conduire prise en urgence par le préfet en application de l'article L. 224-2 du code de la route n'était susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat que si elle revêtait le caractère d'une faute lourde ; qu'en subordonnant ainsi l'engagement de la responsabilité de l'Etat à l'existence d'une faute lourde, la cour a commis une erreur de droit ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'article 2 de l'arrêt attaqué doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt n° 07LY01545 de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 février 2009 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 327760
Date de la décision : 02/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

POLICE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - PERMIS DE CONDUIRE - SUSPENSION - RESPONSABILITÉ À RAISON D'UNE SUSPENSION ILLÉGALE - 1) APPLICATION D'UN RÉGIME DE FAUTE SIMPLE [RJ1] - 2) CONSÉQUENCES SUR LA RESPONSABILITÉ DE L'ETAT D'UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU OU D'UN JUGEMENT DE RELAXE DU JUGE PÉNAL (ART - L - 224-9 DU CODE PÉNAL).

49-04-01-04-02 1) L'illégalité d'une mesure de suspension d'un permis de conduire prise par le préfet sur le fondement des articles L. 224-1 à L. 224-3 et L. 224-7 du code de la route constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. 2) L'article L. 224-9 du code de la route dispose que les mesures administratives de suspension du permis de conduire sont considérées comme non avenues en cas d'ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas effectivement de mesure restrictive du droit de conduire . Dans le cas où l'intéressé a été relaxé au motif qu'il n'a pas commis l'infraction, l'autorité de la chose jugée par la juridiction répressive impose au juge administratif d'en tirer les conséquences quant à l'absence de valeur probante des éléments retenus par le préfet. Dans les autres hypothèses (notamment en cas de relaxe au bénéfice du doute), la circonstance que la mesure de suspension doive être, eu égard à la décision rendue par le juge pénal, regardée comme non avenue, par application de ces dispositions, est par elle-même sans incidence sur la légalité de la mesure de suspension et, par suite, sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITÉ - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ - RESPONSABILITÉ POUR FAUTE - APPLICATION D'UN RÉGIME DE FAUTE SIMPLE - SERVICES DE POLICE - SUSPENSION DU PERMIS DE CONDUIRE (ART - L - 224-1 ET SUIVANTS DU CODE DE LA ROUTE) [RJ1].

60-01-02-02-02 L'illégalité d'une mesure de suspension d'un permis de conduire prise par le préfet sur le fondement des articles L. 224-1 à L. 224-3 et L. 224-7 du code de la route constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - SERVICES DE L'ETAT - SUSPENSION DU PERMIS DE CONDUIRE - 1) APPLICATION D'UN RÉGIME DE FAUTE SIMPLE [RJ1] - 2) CONSÉQUENCES SUR LA RESPONSABILITÉ DE L'ETAT D'UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU OU D'UN JUGEMENT DE RELAXE DU JUGE PÉNAL (ART - L - 224-9 DU CODE PÉNAL).

60-02-03-01 1) L'illégalité d'une mesure de suspension d'un permis de conduire prise par le préfet sur le fondement des articles L. 224-1 à L. 224-3 et L. 224-7 du code de la route constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. 2) L'article L. 224-9 du code de la route dispose que les mesures administratives de suspension du permis de conduire sont considérées comme non avenues en cas d'ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou si la juridiction ne prononce pas effectivement de mesure restrictive du droit de conduire . Dans le cas où l'intéressé a été relaxé au motif qu'il n'a pas commis l'infraction, l'autorité de la chose jugée par la juridiction répressive impose au juge administratif d'en tirer les conséquences quant à l'absence de valeur probante des éléments retenus par le préfet. Dans les autres hypothèses (notamment en cas de relaxe au bénéfice du doute), la circonstance que la mesure de suspension doive être, eu égard à la décision rendue par le juge pénal, regardée comme non avenue, par application de ces dispositions, est par elle-même sans incidence sur la légalité de la mesure de suspension et, par suite, sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat.


Références :

[RJ1]

Ab. jur. CE, 7 juillet 1971, Ministre de l'intérieur c/ Sieur Gérard, n° 77693, p. 513.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2011, n° 327760
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Desportes
Rapporteur public ?: Mme Lieber Sophie-Justine
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:327760.20110202
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