La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2011 | FRANCE | N°329254

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 02 février 2011, 329254


Vu, 1° sous le n° 329254, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin et 28 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TV NUMERIC, dont le siège est au 19 rue d'Antin à Paris (75002) ; la SOCIETE TV NUMERIC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2009-273 du 28 avril 2009 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a abrogé sa décision n° 2005-478 du 19 juillet 2005 autorisant la société Canal J à utiliser une ressource radioélectrique pour l'

exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous co...

Vu, 1° sous le n° 329254, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin et 28 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE TV NUMERIC, dont le siège est au 19 rue d'Antin à Paris (75002) ; la SOCIETE TV NUMERIC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2009-273 du 28 avril 2009 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a abrogé sa décision n° 2005-478 du 19 juillet 2005 autorisant la société Canal J à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous conditions d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 332499, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 octobre 2009 et 5 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la même SOCIETE TV NUMERIC, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 2009-467 du 20 juillet 2009 relative au différend l'opposant à la société Canal J, en tant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses demandes relatives à la date d'interruption de la diffusion du service Canal J sous condition d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique et a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2011, présentée pour la société Canal J SAS ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 janvier 2011, présentée pour la SOCIETE TV NUMERIC ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCiETE TV NUMERIC et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la société CANAL J SAS ;

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCiETE TV NUMERIC et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE CANAL J SAS ;

Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête n° 329254 :

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la décision n° 2005-478 du 19 juillet 2005, la société Canal J a été autorisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à utiliser une ressource radioélectrique en vue de l'exploitation du service de télévision privé à caractère national dénommé Canal J diffusé, sous condition d'accès, en mode numérique, selon les conditions stipulées dans la convention figurant à l'annexe II de l'autorisation ; que l'article 2 de la même décision disposait que le service devait être exploité jusqu'au terme de l'autorisation accordée pour dix ans à compter du 1er septembre 2005, sur la totalité des fréquences définies dans l'annexe I de la décision, selon un calendrier fixé, fréquence par fréquence, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ; que, toutefois, par une lettre du 29 décembre 2008, confirmée par une lettre du 15 janvier 2009, la société Canal J a fait savoir au conseil supérieur qu'en raison des difficultés rencontrées dans la commercialisation de son service sur la télévision numérique terrestre, elle renonçait au bénéfice de son autorisation à compter du 30 avril 2009, date à laquelle expirait le préavis adressé à ses distributeurs commerciaux pour la résiliation des contrats de distribution du service ; que la SOCIETE TV NUMERIC, qui était liée par un contrat signé le 23 juillet 2007 à la société Canal J pour assurer jusqu'au 31 août 2012 la commercialisation du service Canal J sur la télévision numérique terrestre, et dont le contrat a été unilatéralement résilié par Canal J à compter du 30 avril 2009, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 28 avril 2009 par laquelle le Conseil supérieur a fait droit à la demande de Canal J SAS d'abroger à compter du 30 avril 2009 la décision d'autorisation dont cette dernière bénéficiait ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'il ressort des mentions du procès-verbal de la séance du 28 avril 2009, au cours de laquelle a été adoptée la décision contestée, que sept membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel ont participé à la délibération ; qu'ainsi la règle de quorum fixée par le septième alinéa de l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en vertu de laquelle le conseil supérieur ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents, n'a pas été méconnue ;

Considérant que les délibérations par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel se prononce sur l'octroi d'autorisations pour des services de communication audiovisuelle, ou sur leur abrogation, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen tiré d'une violation de la règle de publicité des audiences posée par cet article est, par suite, inopérant ;

Considérant que la décision attaquée, si elle abroge une décision créatrice de droits, ne présente pas un caractère défavorable à l'égard de Canal J qui en a fait la demande ; qu'elle n'est, par suite, pas soumise à l'obligation de motivation prévue par l'article 1er de loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'en l'absence de dispositions législatives particulières, il résulte des règles générales applicables aux actes administratifs que l'auteur d'une décision individuelle expresse créatrice de droits peut, à la demande du bénéficiaire de cette décision, procéder à son retrait ou à son abrogation, à la condition de ne pas porter atteinte aux droits des tiers ; que la SOCIETE TV NUMERIC ne tient pas de droits de la décision du Conseil supérieur du 19 juillet 2005 ayant autorisé la société Canal J à utiliser une ressource radioélectrique en vue de l'exploitation d'un service de télévision ; qu'elle ne peut, du fait qu'elle a passé un contrat avec la société Canal J pour assurer la diffusion sur la télévision numérique terrestre du service éditée par celle-ci, se prévaloir davantage de droits auxquels la décision d'abrogation attaquée porterait atteinte ; que le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur, en abrogeant sa décision du 19 juillet 2005, aurait porté atteinte aux droits que la requérante tenait de l'autorisation délivrée à Canal J doit, dès lors, être écarté ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne s'est pas cru tenu de faire droit à la demande de la société Canal J ; qu'il a estimé, ainsi qu'il l'expose dans son mémoire en défense, qu'aucun motif d'intérêt général légitime et suffisant ne lui permettait de contraindre Canal J à poursuivre l'exploitation de son service sur la télévision numérique terrestre payante dans des conditions déficitaires ; qu'il n'a pas commis d'erreur de droit en recherchant, ainsi, si l'atteinte aux droits et principes au respect desquels il doit veiller dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont confiés par la loi pour garantir l'exercice de la liberté de la communication, tels qu'ils sont énoncés notamment à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, n'était pas excessive eu égard aux motifs sur lesquels reposait la demande d'abrogation ; qu'il a, en l'espèce, pu estimer sans erreur d'appréciation que, compte tenu des charges induites par la diffusion du service Canal J sur la télévision numérique terrestre à titre payant, de l'absence de perspective d'équilibre de cette exploitation, de ses conséquences sur les ressources de la société consacrées aux programmes et à leur promotion et, à terme, sur sa viabilité financière et sur le maintien de sa diffusion sur d'autres supports, aucun motif d'intérêt général ne justifiait de s'opposer à la demande de la société Canal J ;

Considérant que la circonstance que la résiliation du contrat qui liait la société requérante à la société Canal J n'aurait pu intervenir que postérieurement à la décision d'abrogation du Conseil supérieur de l'audiovisuel est sans influence sur la légalité de cette dernière décision ; qu'est, de même, sans influence sur sa légalité la circonstance que le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance du 28 avril 2009, ordonné à Canal J de poursuivre la diffusion de son service sous réserve du maintien de l'autorisation par le conseil supérieur ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE TV NUMERIC n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 28 avril 2009 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a abrogé sa décision du 19 juillet 2005 ;

Sur la requête n° 332499 :

Considérant qu'aux termes de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 : Le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou par un distributeur de services, par une des personnes mentionnées à l'article 95 ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de tout différend relatif à la distribution d'un service de radio ou de télévision, y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service, lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, à la sauvegarde de l'ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l'offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services (...) ; qu'en vertu de l'article 42-8 de la même loi, les éditeurs et les distributeurs de services de communication audiovisuelle peuvent former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat contre les décisions prises en application de l'article 17-1 ;

Considérant que, dès lors que le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait, par sa décision du 28 avril 2009, pris parti sur l'abrogation de l'autorisation délivrée à Canal J pour l'utilisation d'une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé sous conditions d'accès par voie hertzienne terrestre en mode numérique, il n'y avait plus matière à un règlement de différends entre la société Canal J et la société requérante sur le fondement de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, par suite, la SOCIETE TV NUMERIC n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 20 juillet 2009 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas accueilli ses conclusions tendant à ce qu'il règle les différends relatifs à la poursuite de la diffusion du service Canal J au-delà du 30 avril 2009 et aux conditions de la résiliation du contrat de commercialisation conclu le 23 juillet 2007 entre la société requérante et la société Canal J SAS ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE TV NUMERIC le versement à la société Canal J SAS de la somme de 6 000 euros au titre des instances n°s 329254 et 332499 ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SOCIETE TV NUMERIC en application de ces même dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes n° 329254 et 332499 sont rejetées.

Article 2 : La SOCIETE TV NUMERIC versera à la société Canal J SAS une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TV NUMERIC, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la société Canal J SAS.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329254
Date de la décision : 02/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

56-01 RADIODIFFUSION SONORE ET TÉLÉVISION. CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL. - 1) POUVOIRS DU CSA, SAISI PAR LE TITULAIRE D'UNE AUTORISATION D'UTILISER UNE RESSOURCE RADIOÉLECTRIQUE D'UNE DEMANDE D'ABROGATION DE CETTE AUTORISATION - 2) CONSÉQUENCE DE L'ABROGATION DE L'AUTORISATION SUR UNE DEMANDE DE RÈGLEMENT DE DIFFÉRENDS (ART. 17-1 DE LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986).

56-01 1) Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), saisi, par le titulaire d'une autorisation d'utiliser une ressource radioélectrique, d'une demande d'abrogation de cette autorisation, n'est pas tenu de faire droit à cette demande et doit d'abord rechercher si l'abrogation ne porterait pas une atteinte excessive à un motif d'intérêt général. 2) Dès lors qu'une autorisation d'utiliser une ressource radioélectrique a été abrogée, il n'y a plus matière à un règlement de différends, sur le fondement de l'article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relatif à la distribution du service de radio effectuée sur le fondement de cette autorisation.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 fév. 2011, n° 329254
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Xavier de Lesquen
Rapporteur public ?: Mme Lieber Sophie-Justine
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:329254.20110202
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award