La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2011 | FRANCE | N°319614

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 04 février 2011, 319614


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 8 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Kutup A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA02229 du 11 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 10 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé l'arrêté du préfet de police du 22 février 2007 rejetant la demande de titre de séjour de M. A et obligeant ce dernier à quitter le territoire fra

nçais, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A une carte de séjo...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 août et 8 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Kutup A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA02229 du 11 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 10 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé l'arrêté du préfet de police du 22 février 2007 rejetant la demande de titre de séjour de M. A et obligeant ce dernier à quitter le territoire français, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, rejeté les conclusions de la demande de M. A devant le tribunal administratif de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de M. A,

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a formulé une demande de carte de séjour temporaire par lettre reçue par l'administration le 12 juillet 2006, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ; que, dans ces conditions, en estimant que la présentation personnelle de M. A au guichet de la préfecture, le 23 novembre 2006, pour obtenir des renseignements sur le refus implicite du préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, valait dépôt d'une nouvelle demande de séjour de titre de séjour, et en jugeant que la décision attaquée du 22 février 2007 ne pouvait être regardée que comme rejetant cette nouvelle demande présentée le 23 novembre 2006, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que M. A est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Paris a estimé que la demande de titre de séjour de M. A remontait au 12 juillet 2006 ; que les premiers juges ont pu légalement déduire de cette circonstance que l'obligation de visa de long séjour posée par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de l'article 3 de la loi du 24 juillet 2006, ne pouvait être opposée à M. A ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré dans l'espace Schengen le 8 juin 2006, par la République fédérale d'Allemagne, muni d'un passeport avec un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires grecques, valable du 8 juin 2006 au 3 juillet 2006 ; que si le passeport de M. A n'était pas revêtu d'un cachet d'entrée en France, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que contrairement à ce que soutient l'intéressé, celui-ci ne serait entré en France qu'après l'expiration de son visa ; que le tribunal administratif n'a pas, en jugeant cela, indûment fait peser sur l'administration la charge de la preuve des conditions de l'entrée en France de M. A ;

Considérant, en revanche, que si la circonstance que M. A a présenté, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint de lui délivrer une carte de résident en qualité de conjoint d'une ressortissante française, ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal administratif enjoigne au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire, c'est sous la réserve que l'intéressé remplisse toujours, à la date à laquelle les premiers juges se sont prononcés sur les conclusions à fin d'injonction, les conditions posées pour la délivrance d'un tel titre ; qu'il appartient en effet au juge administratif, saisi de conclusions à fin d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ; qu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué, l'obligation de visa de long séjour prévue par l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pouvait lui être opposée ; qu'il n'est pas contesté que M. A ne remplissait pas cette condition ; que par suite, l'exécution du jugement prononçant l'annulation de l'arrêté du 22 février 2007 impliquait uniquement que le préfet de police réexamine la demande de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 février 2007 rejetant la demande de titre de séjour de M. A ; qu'il y a lieu, en revanche, d'annuler le jugement en tant qu'il a enjoint au préfet de police de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire et d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de la demande de M. A dans un délai d'un mois à compter de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

Considérant que, dès lors que la présente décision statue sur la demande d'annulation de l'arrêt attaqué, les conclusions de M. A tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie principalement perdante, le versement à M. A de la somme de 3000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de l'arrêt attaqué.

Article 2 : L'arrêt du 11 juin 2008 de la cour administrative d'appel de Paris et l'article 2 du jugement du 10 mai 2007 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions du préfet de police devant la cour administrative d'appel de Paris et de M. A est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Kutup A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 319614
Date de la décision : 04/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2011, n° 319614
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Pierre Chaubon
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:319614.20110204
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award