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09/02/2011 | FRANCE | N°331635

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 09 février 2011, 331635


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 3 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE NISSARENAS, dont le siège est 5 boulevard Victor Hugo à Nice (06000), représentée par son président directeur général en exercice, la SOCIETE RIALTO, dont le siège est 4 rue de Rivoli à Nice (06000), représentée par son président directeur général en exercice, la SOCIETE CINEMA CASINO DES VARIETES, dont le siège est 5 et 7 boulevard Victor Hugo à Nice (06000), représentée par son président direct

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 septembre et 3 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE NISSARENAS, dont le siège est 5 boulevard Victor Hugo à Nice (06000), représentée par son président directeur général en exercice, la SOCIETE RIALTO, dont le siège est 4 rue de Rivoli à Nice (06000), représentée par son président directeur général en exercice, la SOCIETE CINEMA CASINO DES VARIETES, dont le siège est 5 et 7 boulevard Victor Hugo à Nice (06000), représentée par son président directeur général en exercice, la A, dont le siège est ..., la SOCIETE PROVENCALE DE GERANCES CINEMATOGRAPHIQUES (SPGC), dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; les requérantes demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 juin 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial, statuant en matière cinématographique, a confirmé l'autorisation accordée le 23 janvier 2009 par la commission départementale d'équipement cinématographique des Alpes-Maritimes à la société EuroPalaces Ciné 1, en vue de la création d'un établissement cinématographique Pathé de 11 salles et 2 400 places à Cannes (Alpes-Maritimes) ;

2°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société EuroPalaces Ciné 1 une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le décret n° 96-1119 du 20 décembre 1996 ;

Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;

Vu l'arrêté du 20 décembre 1996 fixant les modalités de présentation des demandes d'autorisation d'implantation de certains équipements cinématographiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Joanna Hottiaux, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Cannes et de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société EuroPalaces Ciné 1,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Cannes et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société EuroPalaces Ciné 1,

Considérant que, par décision du 23 janvier 2009, la commission départementale d'équipement cinématographique des Alpes-Maritimes a accordé à la société EuroPalaces Ciné 1 l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un établissement cinématographique Pathé de 11 salles et 2 400 places à Cannes (Alpes-Maritimes) ; que la Commission nationale d'aménagement commercial, statuant en matière cinématographique, a confirmé, le 26 juin 2009, l'autorisation ainsi accordée ; que la SOCIETE NISSARENAS et autres demandent l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision ;

Sur l'intervention de la commune de Cannes :

Considérant que la commune de Cannes, sur le territoire de laquelle la création de l'établissement litigieux est projetée, a intérêt au maintien de la décision contestée ; qu'ainsi son intervention en défense est recevable ;

Sur la législation applicable :

Considérant d'une part, que l'article 105 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie modifie les règles applicables à l'aménagement en matière cinématographique ; qu'aux termes du III de cet article : Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2009. / Les demandes d'autorisation présentées avant la date d'entrée en vigueur du présent article sont instruites et les autorisations accordées dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur avant cette date ; que, selon de l'article L. 752-17 du code de commerce, issu de l'article 102 de la même loi : A l'initiative du préfet, du maire de la commune d'implantation, du président de l'établissement public de coopération intercommunale visé au b du 1° du II de l'article L. 751-2, de celui visé au e du même 1° du même article ou du président du syndicat mixte visé au même e et de toute personne ayant intérêt à agir, la décision de la commission départementale peut, dans un délai d'un mois, faire l'objet d'un recours devant la commission nationale. La commission nationale se prononce dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine. / La saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire à un recours contentieux à peine d'irrecevabilité de ce dernier (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 24 novembre 2008 relatif à l'aménagement commercial, publié le lendemain au Journal officiel : Lorsque la Commission nationale d'aménagement commercial statue sur un recours formé contre une décision d'autorisation prise par une commission départementale d'équipement commercial ou une commission départementale d'équipement cinématographique, elle fait application des dispositions relatives à la recevabilité des demandes et aux critères de délivrance des autorisations contenues dans les lois et règlements en vigueur à la date où la commission départementale a pris sa décision. / Lorsqu'elle examine une décision de refus, la commission se prononce en fonction de la législation en vigueur à la date de sa décision ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les demandes d'autorisation présentées avant le 26 novembre 2008 relevaient des commissions départementales d'équipement cinématographique, régies par les dispositions antérieures à celles de la loi du 4 août 2008 et qu'il y est statué par ces commissions en fonction des procédures, critères et objectifs alors applicables ; que, lorsqu'une commission départementale d'équipement commercial, statuant dans les conditions ainsi définies, a accordé, après la publication du décret du 24 novembre 2008, l'autorisation sollicitée au vu d'un dossier déposé auparavant, la Commission nationale d'aménagement commercial, statuant en matière cinématographique, désormais compétente pour connaître du recours préalable obligatoire formé contre les décisions des commissions départementales, doit se prononcer en faisant application des règles antérieurement en vigueur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, la commission départementale d'équipement cinématographique des Alpes-Maritimes s'est prononcée le 23 janvier 2009 au vu d'un dossier de demande déposé le 30 septembre 2008 par la société EuroPalaces Ciné 1 ; qu'il en résulte, d'une part, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que seul le tribunal administratif était compétent pour connaître de la contestation de cette décision et, d'autre part, que le présent litige est régi par les dispositions législatives et réglementaires antérieurement en vigueur ;

Sur la motivation de la décision attaquée :

Considérant que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commerciale, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en motivant sa décision en se référant notamment à la densité d'équipement cinématographique après la réalisation du projet litigieux dans la zone d'attraction de ce projet, qui présentera un ratio comparable à celui observé dans les agglomérations de même taille, à la conclusion d'un accord avec les exploitants des autres cinémas de la ville de Cannes et à la création d'une vingtaine d'emplois à temps plein, la commission nationale, qui a procédé à un examen complet et suffisant du dossier qui lui était soumis, a satisfait, en l'espèce, à cette obligation ; que le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit donc être écarté ;

Sur la composition du dossier de la demande d'autorisation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 du décret du 29 décembre 1996 : La demande d'autorisation prévue à l'article 36-1 de la loi du 27 décembre 1973 est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire ou à exploiter commercialement l'immeuble. Elle est accompagnée de l'indication de la personne qui demandera l'autorisation d'exercice prévue à l'article 14 du code de l'industrie cinématographique (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société EuroPalaces Ciné 1 avait déposé sa demande d'autorisation en qualité de futur exploitant du projet litigieux ; que les parcelles d'implantation de ce projet constituent la propriété de la commune de Cannes, qui a signé le 4 février 2008 avec la Compagnie de Phalsbourg un bail à construction d'une durée de 80 ans pour l'ensemble des bâtiments à construire dans la Bastide Rouge ; que, par une délibération du conseil municipal du 21 juillet 2008, la commune de Cannes a confié l'exploitation du futur complexe cinématographique à la société EuroPalaces Ciné 1 à la suite d'un appel d'offres ; que le 24 septembre 2008, la Compagnie de Phalsbourg a autorisé la société EuroPalaces Ciné 1 à déposer auprès de la commission départementale un dossier de demande d'autorisation d'exploiter un complexe cinématographique de 11 salles pour environ 2 400 fauteuils ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des prescriptions de l'article 14 du décret du 20 décembre 1996 précité doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, si les sociétés requérantes soutiennent que la société EuroPalaces Ciné 1 n'a pas produit d'engagements contractés avec les exploitants des établissements cinématographiques de la zone d'attraction concernée, à savoir les Arcades et le Star, il ressort des pièces du dossier que la commission nationale a pu prendre suffisamment connaissance du contenu de ces engagements pour pouvoir statuer sur la demande de la société EuroPalaces Ciné 1 ; qu'au demeurant, la société EuroPalaces Ciné 1 a versé ces engagements dans le cadre de la procédure contentieuse devant le Conseil d'Etat ;

Sur l'appréciation portée par la commission nationale :

Considérant que, pour l'application aux demandes d'autorisation de création d'équipement cinématographique des dispositions combinées de l'article 36-1 de la loi du 27 décembre 1973 et de l'article L. 750-1 du code de commerce, il appartenait aux commissions départementales d'équipement cinématographique et, sur recours, à la commission nationale d'équipement commercial siégeant en matière cinématographique, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone d'attraction concernée, l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes d'exploitation cinématographique et, dans l'affirmative, de rechercher si ce déséquilibre est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements cinématographiques et, plus généralement, à la satisfaction des besoins de la population et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la densité d'équipements cinématographiques dans la zone de chalandise est d'un fauteuil pour 75 habitants ; qu'après la réalisation du projet litigieux, cette densité s'élèvera à un fauteuil pour 54 habitants et restera, dès lors, inférieure à la densité moyenne des agglomérations de taille comparable, dont il n'est pas contesté qu'elle se situe à un fauteuil pour 42 habitants ; qu'ainsi le projet litigieux n'est pas de nature à compromettre, dans la zone d'attraction concernée, l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes d'exploitation cinématographiques ; que, par suite, les autres moyens soulevés par les requérantes, tendant à démontrer que les inconvénients du projet excèdent ses éventuels avantages, sont en l'espèce inopérants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société EuroPalaces Ciné 1, la SOCIETE NISSARENAS et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Europalaces Ciné 1 qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent la SOCIETE NISSARENAS et autres au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SOCIETE NISSARENAS, de la SOCIETE RIALTO, de la SOCIETE CINEMA CASINO DES VARIETES, de la A et de la SOCIETE PROVENCALE DE GERANCES CINEMATOGRAPHIQUES (SPGC) le versement, chacune, de la somme de 700 euros à la société Europalaces Ciné 1 en application des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de la commune de Cannes est admise.

Article 2 : La requête de la SOCIETE NISSARENAS, de la SOCIETE RIALTO, de la SOCIETE CINEMA CASINO DES VARIETES, de la A et de la SOCIETE PROVENCALE DE GERANCES CINEMATOGRAPHIQUES (SPGC) est rejetée.

Article 3 : La SOCIETE NISSARENAS, la SOCIETE RIALTO, la SOCIETE CINEMA CASINO DES VARIETES, la A et la SOCIETE PROVENCALE DE GERANCES CINEMATOGRAPHIQUES (SPGC) verseront, chacune, 700 euros à la SA Europalaces Ciné 1 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NISSARENAS, à la SOCIETE RIALTO, à la SOCIETE CINEMA CASINO DES VARIETES, à la A, à la SOCIETE PROVENCALE DE GERANCES CINEMATOGRAPHIQUES (SPGC), à la société Europalaces Ciné 1 et à la Commission nationale d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique.

Copie en sera adressée au médiateur du cinéma et au ministre de la culture et de la communication.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 fév. 2011, n° 331635
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Joanna Hottiaux
Rapporteur public ?: M. Keller Rémi
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Date de la décision : 09/02/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 331635
Numéro NOR : CETATEXT000023663285 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-02-09;331635 ?
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