La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2011 | FRANCE | N°344445

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 17 février 2011, 344445


Vu l'ordonnance n° 1002417 du 16 novembre 2010, enregistrée le 22 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon, avant qu'il soit statué sur la demande de M. A tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme du 13 août 2010 du maire de la commune de Cuers indiquant que le terrain objet de sa demande ne pouvait pas être utilisé pour la construction d'une maison d'habitation et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Cuers de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de certificat d'urbanisme sou

s astreinte de 200 euros par jour de retard, a décidé, par a...

Vu l'ordonnance n° 1002417 du 16 novembre 2010, enregistrée le 22 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon, avant qu'il soit statué sur la demande de M. A tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme du 13 août 2010 du maire de la commune de Cuers indiquant que le terrain objet de sa demande ne pouvait pas être utilisé pour la construction d'une maison d'habitation et à ce qu'il soit enjoint à la commune de Cuers de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de certificat d'urbanisme sous astreinte de 200 euros par jour de retard, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 septembre 2010 au greffe du tribunal administratif de Toulon, présenté par M. Raymond A, demeurant ... en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; il soutient que l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme, applicable au litige, méconnaît les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 130-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Bédier, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Sur l'intervention de l'association France Nature Environnement :

Considérant que l'association France Nature Environnement n'est pas recevable à intervenir devant le Conseil d'Etat à l'occasion de la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Toulon ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme : Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. (...) ; que ces dispositions, qui n'emportent aucune privation du droit de propriété mais se bornent à apporter des limites à son exercice, ne méconnaissent pas l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que les restrictions apportées à l'exercice du droit de propriété sont justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la préservation des espaces boisés ; que ces restrictions, qui ne concernent que les modes d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements et sont accompagnées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de garanties de fond et de procédure prévues pour la procédure d'élaboration des plans locaux d'urbanisme, sont proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'en outre, l'article L. 130-2 du code de l'urbanisme donne la possibilité, dans certaines conditions, au propriétaire d'un terrain classé en espaces boisés d'obtenir un terrain à bâtir contre la cession gratuite de son terrain ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ne méconnaissent pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ;

Considérant que les différences de traitement entre les propriétés foncières, selon qu'elles sont ou non classées en espaces boisés, répondent à la prise en compte de situations différentes ; que le principe d'égalité devant les charges publiques ne saurait être regardé comme méconnu du seul fait que l'article L. 130-1 n'a pas prévu d'indemnisation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'association France Nature Environnement n'est pas admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Toulon.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond A, au Premier ministre, à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à la commune de Cuers et à l'association France Nature Environnement.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Toulon.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 344445
Date de la décision : 17/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

PROCÉDURE - INCIDENTS - INTERVENTION - RECEVABILITÉ - ABSENCE - INTERVENTION PRÉSENTÉE PAR UNE ASSOCIATION DEVANT LE CONSEIL D'ETAT À L'OCCASION D'UNE QPC TRANSMISE PAR UN TRIBUNAL ADMINISTRATIF OU UNE COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL.

54-05-03-01 Une association se prévalant uniquement des intérêts collectifs qu'elle s'est donné pour objet de défendre n'est pas recevable à présenter une intervention devant le Conseil d'Etat à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel.

PROCÉDURE - ABSENCE - INTERVENTION PRÉSENTÉE PAR UNE ASSOCIATION DEVANT LE CONSEIL D'ETAT À L'OCCASION D'UNE QPC TRANSMISE PAR UN TRIBUNAL ADMINISTRATIF OU UNE COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL.

54-10-02 Une association se prévalant uniquement des intérêts collectifs qu'elle s'est donné pour objet de défendre n'est pas recevable à présenter une intervention devant le Conseil d'Etat à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2011, n° 344445
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Laure Bédier
Rapporteur public ?: Mme Vialettes Maud

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:344445.20110217
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award