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02/03/2011 | FRANCE | N°315880

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 02 mars 2011, 315880


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mai et 30 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER (85470), représentée par son maire ; la commune requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07NT00338 du 19 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 04-2525 du 5 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes avait annulé, à la demande de la SARL Promo-Sables, la

délibération du 25 mars 2004 du conseil municipal de Brétignolles-sur-Me...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mai et 30 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER (85470), représentée par son maire ; la commune requérante demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07NT00338 du 19 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 04-2525 du 5 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes avait annulé, à la demande de la SARL Promo-Sables, la délibération du 25 mars 2004 du conseil municipal de Brétignolles-sur-Mer décidant d'exercer son droit de préemption urbain sur les parcelles sises aux lieudits La Trévillère et Le Motais , cadastrées à la section AV, sous les numéros 95p et 133p ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Promo-Sables le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER et de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SARL Promo-Sables,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER et à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SARL Promo-Sables ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

Considérant que, pour confirmer l'annulation de la délibération du 25 mars 2004 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER a exercé le droit de préemption urbain sur des parcelles appartenant aux consorts A, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée sur ce que, à la date de la délibération litigieuse, la commune ne justifiait pas d'un projet suffisamment précis et certain ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la réalité du projet que la commune entendait mener n'était pas néanmoins établie, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que, pour annuler la délibération du 25 mars 2004, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur deux moyens, tirés respectivement de l'incompétence du conseil municipal de la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER pour exercer le droit de préemption urbain et de ce que la commune n'établissait pas l'existence d'un projet suffisamment précis et certain à la date de la délibération litigieuse ;

Considérant, en premier lieu, que l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire peut, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (...) ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la définition par le conseil municipal des conditions d'exercice de la délégation ne concerne, en tout état de cause, pas la délégation au maire lui-même de l'exercice du droit de préemption urbain ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le conseil municipal de la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER, qui avait, par une délibération du 13 novembre 2002 prise sur le fondement de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, délégué au maire le pouvoir d'exercer au nom de la commune le droit de préemption urbain, n'était pas tenu de fixer des conditions particulières à cette délégation ; que cette délibération était dès lors, contrairement à ce que soutient la commune, suffisamment précise et ne nécessitait pas de nouvelle délibération du conseil municipal pour permettre à son maire d'exercer le droit de préemption au nom de la commune ; qu'en l'absence de toute délibération ultérieure rapportant cette délégation, le conseil municipal devait être regardé comme s'étant dessaisi de sa compétence ; que c'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif de Nantes a jugé que la délibération litigieuse du 25 mars 2004 était entachée d'incompétence ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme que le droit de préemption urbain peut notamment être exercé pour mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat ; qu'il ressort des pièces du dossier que la commune, qui avait engagé une démarche d'ensemble visant à la réalisation de lotissements communaux afin d'attirer une population de jeunes actifs, et fait dans ce cadre des propositions d'acquisition amiable des terrains des consorts A en vue de les intégrer dans une opération de lotissement, justifiait, à la date de la décision de préemption litigieuse, de la réalité d'un projet entrant dans les prévisions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que la délibération attaquée méconnaissait ces mêmes dispositions ;

Considérant qu'il résulte toutefois de l'ensemble de ce qui précède que la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 25 mars 2004 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Promo-Sables, acquéreur évincé des parcelles en litige qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Promo-Sables au même titre et de mettre à la charge de la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER le versement à cette société de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 février 2008 est annulé.

Article 2 : La requête d'appel de la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER versera à la société Promo-Sables une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BRETIGNOLLES-SUR-MER et à la société Promo-Sables.

Copie en sera adressée pour information à M. et Mme Michel A et à M. Bertrand A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - MAIRE ET ADJOINTS - POUVOIRS DU MAIRE - POUVOIRS EXERCÉS SUR DÉLÉGATION DU CONSEIL MUNICIPAL - EXERCICE DES DROITS DE PRÉEMPTION (ART - L - 2122-22 - 15° DU CGCT) - OBLIGATION - POUR LE CONSEIL MUNICIPAL - DE DÉFINIR LES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA DÉLÉGATION DONNÉE AU MAIRE LUI-MÊME - ABSENCE.

135-02-01-02-02-03-03 L'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que le maire peut, « par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (…) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (…) ». Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la définition par le conseil municipal des conditions d'exercice de la délégation ne concerne pas la délégation au maire lui-même de l'exercice du droit de préemption urbain. Par suite, un conseil municipal qui a, par une délibération prise sur le fondement de ces dispositions, délégué au maire le pouvoir d'exercer au nom de la commune le droit de préemption urbain n'était pas tenu de fixer des conditions particulières à cette délégation. Cette délibération étant suffisamment précise ne nécessitait pas de nouvelle délibération du conseil municipal pour permettre à son maire d'exercer le droit de préemption au nom de la commune. En l'absence de toute délibération ultérieure rapportant cette délégation, le conseil municipal devait être regardé comme s'étant dessaisi de sa compétence.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCÉDURES D'INTERVENTION FONCIÈRE - PRÉEMPTION ET RÉSERVES FONCIÈRES - DROITS DE PRÉEMPTION - EXERCICE PAR UNE COMMUNE - DÉLÉGATION AU MAIRE (ART - L - 2122-22 - 15° DU CGCT) - OBLIGATION - POUR LE CONSEIL MUNICIPAL - DE DÉFINIR LES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA DÉLÉGATION DONNÉE AU MAIRE LUI-MÊME - ABSENCE.

68-02-01-01 L'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que le maire peut, « par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (…) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l'article L 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal (…) ». Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que la définition par le conseil municipal des conditions d'exercice de la délégation ne concerne pas la délégation au maire lui-même de l'exercice du droit de préemption urbain. Par suite, un conseil municipal qui a, par une délibération prise sur le fondement de ces dispositions, délégué au maire le pouvoir d'exercer au nom de la commune le droit de préemption urbain n'était pas tenu de fixer des conditions particulières à cette délégation. Cette délibération étant suffisamment précise ne nécessitait pas de nouvelle délibération du conseil municipal pour permettre à son maire d'exercer le droit de préemption au nom de la commune. En l'absence de toute délibération ultérieure rapportant cette délégation, le conseil municipal devait être regardé comme s'étant dessaisi de sa compétence.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 mar. 2011, n° 315880
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Christine Grenier
Rapporteur public ?: Mme Landais Claire
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET ; RICARD

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 02/03/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 315880
Numéro NOR : CETATEXT000023690714 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-03-02;315880 ?
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