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02/03/2011 | FRANCE | N°322818

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 02 mars 2011, 322818


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés le 1er décembre 2008 et le 21 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Franck A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA03522 du 15 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête de la société Logware Informatique, a annulé, d'une part, le jugement n° 0301608/3-2 du 5 juillet 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de cette société tendant à l'annulation de la décision d

u 9 décembre 2002 de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de l...

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés le 1er décembre 2008 et le 21 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Franck A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA03522 du 15 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête de la société Logware Informatique, a annulé, d'une part, le jugement n° 0301608/3-2 du 5 juillet 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de cette société tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2002 de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de le licencier et, d'autre part, cette décision ;

2°) de mettre à la charge de la société Logware Informatique la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A et de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Logware Informatique,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A et à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de la société Logware Informatique,

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Logware Informatique :

Considérant que la société soutient que le pourvoi de M. A, enregistré le 1er décembre 2008, ne contenait l'exposé d'aucun fait ni moyen et serait, à ce titre, irrecevable ; que, toutefois, M. A a déposé, dès le 28 octobre 2008, avant expiration du délai du pourvoi en cassation contre l'arrêt attaqué, une demande d'aide juridictionnelle ayant interrompu ce délai, laquelle a été rejetée par une décision du bureau de l'aide juridictionnelle dont l'intéressé a reçu notification le 28 avril 2009 ; que le recours régulièrement formé par M. A contre ce refus le 28 mai 2009 devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a eu pour effet de proroger de nouveau le délai pour se pourvoir en cassation ; qu'ainsi, le délai de deux mois qui a commencé à courir à compter du 15 septembre 2009, date de réception par l'intéressé de la notification de la décision du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, n'était pas expiré le 21 octobre 2009, date à laquelle le requérant a présenté un mémoire motivé régularisant son pourvoi au regard des prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir doit être écartée ;

Sur l'arrêt attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du contrat de travail conclu le 1er avril 1999 entre M. A et la société Logware informatique : (...) L'employé devra se considérer comme lié par une obligation de discrétion absolue en ce qui concerne toutes les informations dont la divulgation serait de nature à favoriser des intérêts concurrentiels pour l'employeur ainsi que tous renseignements confidentiels dont il pourrait avoir connaissance. / Tout manquement à cette obligation au cours du contrat constituerait une faute grave pouvant justifier la rupture du présent contrat. (...) ;

Considérant que, pour juger que M. A, bénéficiant de la protection exceptionnelle instituée par le législateur, avait méconnu l'obligation de confidentialité à laquelle il était soumis en vertu des stipulations précitées de l'article 4 de son contrat de travail en produisant, dans le cadre d'une instance prud'homale, des documents en sa possession, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la seule circonstance que ces documents, qui appartenaient au client de l'entreprise auprès duquel l'intéressé avait été mis à disposition pour y effectuer des prestations de services informatiques, portaient tous une mention de confidentialité ; qu'en se bornant à effectuer ce constat, sans rechercher si les informations figurant dans les documents communiqués aux avocats et aux conseillers prud'homaux présentaient bien, par leur contenu, un caractère confidentiel, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, dès lors, M. A est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail dans sa rédaction applicable impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation ; que toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'enquête effectuée par l'inspecteur du travail, le salarié lui a adressé un mémoire contenant des indications sur lesquelles l'autorité administrative s'est fondée pour rejeter la demande d'autorisation dont elle était saisie ; qu'il n'est pas établi ni même soutenu que ce document aurait été porté à la connaissance de l'employeur au cours de l'enquête, ni même que ce dernier aurait été informé de façon circonstanciée de son contenu ; que, dans ces conditions, l'enquête n'a pas été menée contradictoirement, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail alors en vigueur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Logware Informatique est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2002 de l'inspecteur du travail lui refusant l'autorisation de licencier M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Logware Informatique, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Logware Informatique au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 15 octobre 2008 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 juillet 2006 sont annulés.

Article 2 : La décision du 9 décembre 2002 de l'inspecteur du travail refusant à la société Logware Informatique l'autorisation de licencier M. A est annulée.

Article 3 : Les conclusions de M. A et de la société Logware Informatique tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Franck A, à la société Logware Informatique et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-02-01 TRAVAIL ET EMPLOI. LICENCIEMENTS. AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION. LICENCIEMENT POUR FAUTE. EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITÉ SUFFISANTE. - MANQUEMENT À UNE OBLIGATION DE CONFIDENTIALITÉ - CONTRÔLE DU JUGE SUR LE CARACTÈRE CONFIDENTIEL DES INFORMATIONS DONT LA DIVULGATION EST EN CAUSE.

66-07-01-04-02-01 Le juge du fond ne saurait se borner à constater que les documents divulgués par un salarié comportaient une mention de confidentialité pour apprécier le manquement du salarié à son obligation de confidentialité. Il lui incombe de rechercher si les informations figurant dans les documents communiqués présentaient bien, par leur contenu, un caractère confidentiel.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 mar. 2011, n° 322818
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Dumortier Gaëlle
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD

Origine de la décision
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Date de la décision : 02/03/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 322818
Numéro NOR : CETATEXT000023663297 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-03-02;322818 ?
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