La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2011 | FRANCE | N°309313

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 14 mars 2011, 309313


Vu l'ordonnance, enregistrée le 11 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par le PREFET DE POLICE ;

Vu le pourvoi, enregistré le 24 août 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté par le PREFET DE POLICE et tendant à l'annulation du jugement du 22 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé s

a décision implicite de refus de communication au comité français...

Vu l'ordonnance, enregistrée le 11 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par le PREFET DE POLICE ;

Vu le pourvoi, enregistré le 24 août 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, présenté par le PREFET DE POLICE et tendant à l'annulation du jugement du 22 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé sa décision implicite de refus de communication au comité français des scientologues contre la discrimination (CFSD) de la lettre du 5 octobre 2000 qu'il a adressée au centre contre les manipulations mentales (CCMM), et, d'autre part, lui a enjoint de communiquer au CFSD cette lettre dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement, après occultation des mentions nominatives contenues dans ce document ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, notamment son article 6 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

Considérant que le comité français des scientologues contre la discrimination a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision implicite du PREFET DE POLICE refusant de lui communiquer la lettre du 5 octobre 2000 que ce dernier avait adressée au centre contre les manipulations mentales ; que, par un jugement du 22 juin 2007, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et enjoint au préfet de communiquer cette lettre au comité français des scientologues contre la discrimination, après occultation des mentions nominatives contenues dans ce document ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement ;

Considérant qu'il résulte du I de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte (...) à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ; que, s'il incombe à l'administration de fournir au juge tous éléments relatifs aux raisons de l'exclusion du document demandé du droit à communication prévu par la loi du 17 juillet 1978, il ne peut être exigé d'elle qu'elle établisse de façon certaine le caractère non communicable de ce document ; qu'il appartient au juge, au vu des justifications produites, d'apprécier si l'état de l'instruction lui permet de déterminer, au regard des moyens invoqués par les parties, le caractère légalement communicable du document et, dans la négative, de se faire communiquer avant dire droit ce document à lui seul ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le PREFET DE POLICE soutenait devant le tribunal administratif que sa lettre du 5 octobre 2000 au centre contre les manipulations mentales décrit le comportement de l'administration et des forces de police en cas de manifestation d'un groupe sectaire sur la voie publique, et relève à ce titre de l'exception au droit à communication prévue par cet article ; qu'en se bornant à relever, pour annuler le refus de communication contesté, que le préfet n'apportait pas la preuve du caractère non communicable de cette lettre, sans rechercher lui-même si les informations contenues dans la lettre étaient ou non susceptibles d'être communiquées, le tribunal a commis une erreur de droit ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre :

Considérant, en premier lieu, que le droit à la communication d'un document administratif reconnu par la loi du 17 juillet 1978 peut être exercé à tout moment ; que, par suite, la décision de refus de communication, née du silence gardé par le préfet sur la deuxième demande de communication de la lettre du 5 octobre 2000 présentée par le comité français des scientologues contre la discrimination, ne constitue pas une décision confirmative que ce comité ne serait pas recevable à contester devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le comité français des scientologues contre la discrimination soit déjà en possession du document dont il demande la communication ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES doivent être écartées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que, si le ministre se prévaut, pour justifier le refus de communication de la lettre du 5 octobre 2000, de motifs tirés des risques d'atteinte à la sécurité publique, alors que cette lettre était adressée à une association dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait qualité pour bénéficier d'informations de cette nature, cette seule allégation ne permet pas, dans les circonstances de l'espèce, de regarder le document demandé comme comportant des éléments susceptibles de justifier, sur le fondement du I de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, qu'il ne soit pas communiqué au comité français des scientologues contre la discrimination ; que, dès lors, ce dernier est fondé à demander l'annulation de la décision du PREFET DE POLICE refusant de lui communiquer la lettre du 5 octobre 2000 adressée au centre contre les manipulations mentales ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que la présente décision implique que le ministre communique au comité français des scientologues contre la discrimination, dans les conditions prévues par le III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, copie de la lettre du 5 octobre 2000 que le PREFET DE POLICE a adressée au centre contre les manipulations mentales ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de procéder à cette communication dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que le comité français des scientologues contre la discrimination n'a pas chiffré ses conclusions tendant à l'application de ces dispositions ; que ces conclusions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 22 juin 2007 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La décision du PRÉFET DE POLICE refusant de communiquer au comité français des scientologues contre la discrimination la lettre du 5 octobre 2000 qu'il a adressée au centre contre les manipulations mentales est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE l'IMMIGRATION de communiquer au comité français des scientologues contre la discrimination, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et dans les conditions prévues par le III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, la lettre mentionnée à l'article 2.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par le comité français des scientologues contre la discrimination devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE l'IMMIGRATION et au comité français des scientologues contre la discrimination.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 309313
Date de la décision : 14/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 mar. 2011, n° 309313
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:309313.20110314
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award