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16/03/2011 | FRANCE | N°333860

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16 mars 2011, 333860


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 2009 et 18 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS SOMADIS, dont le siège social est avenue de Paris à Margon (28400) ; la SAS SOMADIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT01554 du 14 septembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 05-2504 du 6 mai 2008 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la restit

ution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujet...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre 2009 et 18 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS SOMADIS, dont le siège social est avenue de Paris à Margon (28400) ; la SAS SOMADIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NT01554 du 14 septembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 05-2504 du 6 mai 2008 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 pour un montant de 340 996 euros, d'autre part, au prononcé de cette restitution ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder la restitution de la taxe en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SAS SOMADIS,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SAS SOMADIS ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision postérieure à l'introduction du pourvoi, l'administration a accordé à la SAS SOMADIS le dégrèvement de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2001 ; que par suite, les conclusions de son pourvoi relatives à cette imposition sont devenues sans objet ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer ;

Sur la taxe sur les achats de viande au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAS SOMADIS, qui exploite un supermarché à Margon (Eure-et-Loir), après avoir déclaré conformément aux dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts alors en vigueur la valeur de ses achats et payé la taxe sur les achats de viande qu'elle estimait en conséquence devoir au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003, en a demandé la restitution par une réclamation du 19 décembre 2003 ; que l'administration lui a accordé le dégrèvement des impositions en litige par une décision du 6 septembre 2004 ; qu'elle a adressé à la société le 7 décembre 2004 une lettre l'informant qu'elle envisageait d'annuler ce dégrèvement et que les taxes ne seraient pas remboursées, avant de rapporter la décision de dégrèvement et de rejeter la réclamation de la société par une décision du 24 mai 2005 ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes rejetant son appel tendant à l'annulation du jugement du 6 mai 2008 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces impositions ;

Considérant que lorsque l'administration, saisie d'une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d'un acte de l'administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d'une simple déclaration du redevable ; que la circonstance que les sommes déjà versées par le contribuable en exécution de ce titre ne lui aient pas été remboursées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ou n'aient pas fait l'objet d'une compensation pour avoir paiement d'autres impositions dues, est sans incidence sur la portée de la décision prononçant le dégrèvement ; qu'il s'ensuit que lorsque l'administration estime ultérieurement avoir consenti un tel dégrèvement à tort, il lui appartient, après avoir averti le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer, d'émettre un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir ; qu'il en résulte qu'en jugeant que l'administration pouvait, sans émettre de nouveaux titres, maintenir à la charge de la société requérante et refuser de lui restituer les taxes ayant fait l'objet d'un dégrèvement aux motifs qu'elle serait revenue sur cette décision et que les impositions en litige procédaient des déclarations de la société, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que la société est dès lors fondée à demander l'annulation de son arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur ses conclusions tendant à la restitution des taxes afférentes à la période du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'en vertu du VI de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, alors en vigueur, la taxe sur les achats de viande est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ; que selon l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions ont ainsi été rendues applicables à cette taxe : Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ; que, lorsqu'une taxe a été déclarée et payée spontanément par le redevable, puis a fait l'objet d'un dégrèvement, cette décision implique, alors même que le paiement a été effectué à la date d'exigibilité, que l'administration émette un avis de mise en recouvrement si elle entend rétablir l'imposition ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que faute d'avoir, après avoir prononcé le dégrèvement des taxes payées par la société au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003, émis un avis de mise en recouvrement correspondant au montant dégrevé, l'administration ne pouvait lui refuser la restitution de ces taxes ; que, par suite, la SAS SOMADIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à leur restitution ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS SOMADIS, au titre des différentes instances, de la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la SAS SOMADIS relatives à la taxe sur les achats de viande qu'elle a versée au titre de 2001.

Article 2 : L'arrêt du 14 septembre 2009 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur la taxe sur les achats de viande au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003.

Article 3 : Il est accordé à la SAS SOMADIS la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a versée au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 octobre 2003.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS SOMADIS une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le jugement du 6 mai 2008 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SAS SOMADIS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 333860
Date de la décision : 16/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - DÉGRÈVEMENT - ANNULATION DU TITRE FONDANT LE PAIEMENT D'UNE IMPOSITION - CONSÉQUENCE - 1) HYPOTHÈSE D'UN DÉGRÈVEMENT PRONONCÉ À TORT - OBLIGATION POUR L'ADMINISTRATION D'ÉMETTRE UN NOUVEAU TITRE EN VUE DE PROCÉDER AU RECOUVREMENT DE L'IMPOSITION QU'ELLE ENTEND RÉTABLIR [RJ1] - 2) IMPOSITION À ACQUITTER SPONTANÉMENT SUR DÉCLARATION PAR LE CONTRIBUABLE - OBLIGATION D'ÉMETTRE UN AVIS DE MISE EN RECOUVREMENT - ALORS MÊME QUE LE PAIEMENT A ÉTÉ EFFECTUÉ PAR LE REDEVABLE À LA DATE D'EXIGIBILITÉ - EXISTENCE.

19-01-03-06 1) Lorsque l'administration, saisie d'une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d'un acte de l'administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d'une simple déclaration du redevable. La circonstance que les sommes déjà versées par le contribuable en exécution de ce titre ne lui aient pas été remboursées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ou n'aient pas fait l'objet d'une compensation pour avoir paiement d'autres impositions dues est sans incidence sur la portée de la décision prononçant le dégrèvement. Il s'ensuit que lorsque l'administration estime ultérieurement avoir consenti un tel dégrèvement à tort, il lui appartient, après avoir averti le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer, d'émettre un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir.... ...2) Lorsqu'une taxe a été déclarée et payée spontanément par le redevable, puis qu'elle a fait l'objet d'un dégrèvement, cette décision implique, alors même que le paiement a été effectué à la date d'exigibilité, que l'administration émette un avis de mise en recouvrement si elle entend rétablir l'imposition.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - DÉCISION DE DÉGRÈVEMENT D'UNE IMPOSITION - CONSÉQUENCE - 1) HYPOTHÈSE D'UN DÉGRÈVEMENT PRONONCÉ À TORT - OBLIGATION POUR L'ADMINISTRATION D'ÉMETTRE UN NOUVEAU TITRE EN VUE DE PROCÉDER AU RECOUVREMENT DE L'IMPOSITION QU'ELLE ENTEND RÉTABLIR [RJ1] - 2) IMPOSITION À ACQUITTER SPONTANÉMENT SUR DÉCLARATION PAR LE CONTRIBUABLE - OBLIGATION D'ÉMETTRE UN AVIS DE MISE EN RECOUVREMENT - ALORS MÊME QUE LE PAIEMENT A ÉTÉ EFFECTUÉ PAR LE REDEVABLE À LA DATE D'EXIGIBILITÉ - EXISTENCE.

19-01-05 1) Lorsque l'administration, saisie d'une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d'un acte de l'administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d'une simple déclaration du redevable. La circonstance que les sommes déjà versées par le contribuable en exécution de ce titre ne lui aient pas été remboursées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ou n'aient pas fait l'objet d'une compensation pour avoir paiement d'autres impositions dues est sans incidence sur la portée de la décision prononçant le dégrèvement. Il s'ensuit que lorsque l'administration estime ultérieurement avoir consenti un tel dégrèvement à tort, il lui appartient, après avoir averti le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer, d'émettre un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir.... ...2) Lorsqu'une taxe a été déclarée et payée spontanément par le redevable, puis qu'elle a fait l'objet d'un dégrèvement, cette décision implique, alors même que le paiement a été effectué à la date d'exigibilité, que l'administration émette un avis de mise en recouvrement si elle entend rétablir l'imposition.


Références :

[RJ1]

Rappr., sur l'obligation d'informer le contribuable, CE, 8 avril 1991, Ministre du budget c/ Mlle Pigeon, n° 67938, p.121; sur l'obligation d'émettre un rôle supplémentaire, CE, 2 mars 1990, Ministre du budget c/ S.A. Becton-Dickinson France, n° 92333, p. 56.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 mar. 2011, n° 333860
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: Mme Legras Claire
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:333860.20110316
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