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17/03/2011 | FRANCE | N°346961

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 mars 2011, 346961


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Sacha A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet que le Premier ministre a opposée à sa demande d'abrogation des dispositions de l'article 118 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de procéder à l'a

brogation de ces dispositions en tant qu'elles prévoient une incompatibilité q...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Sacha A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision implicite de rejet que le Premier ministre a opposée à sa demande d'abrogation des dispositions de l'article 118 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de procéder à l'abrogation de ces dispositions en tant qu'elles prévoient une incompatibilité qui va au-delà de la région et de ses établissements publics ;

3°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir ;

il soutient qu'il a formulé une demande d'abrogation des dispositions litigieuses dès qu'il a su qu'il serait appelé à siéger au conseil régional ; que la condition d'urgence est satisfaite en raison tant du caractère immédiat et absolu de l'interdiction d'exercice édictée ainsi qu'à l'ampleur de cette interdiction ; que la situation d'urgence est également caractérisée, d'une part, par l'impact économique sur son activité et, d'autre part, par l'exigence d'une bonne administration de la justice ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions dont la suspension est demandée ; qu'en effet le décret litigieux détermine les conditions d'exercice d'un mandat électif et empiète ainsi sur le domaine de la loi ; qu'il porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et d'industrie, à la liberté d'entreprendre et à la liberté d'exercice du mandat électif ; qu'il méconnaît, par son caractère général, le principe de proportionnalité et le principe d'égalité ;

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2011, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que le décret contesté ne crée pas un préjudice grave et immédiat à M. A ; que l'application immédiate du décret ne perturbe pas le bon fonctionnement de la justice ; qu'il appartenait à M. A de demander l'abrogation des dispositions réglementaires de ce décret dès le début de la campagne électorale ; qu'il n'y a pas de doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; que le pouvoir réglementaire est compétent pour définir les conditions d'exercice de la profession d'avocat ; que le décret contesté ne porte atteinte ni au libre exercice des mandats électifs, ni au libre exercice de la profession d'avocat ; que le principe de liberté du commerce et d'industrie ne s'applique pas à la profession d'avocat, qui est une profession réglementée ; qu'au demeurant, à supposer que ce principe puisse s'appliquer, les atteintes qui y seraient portées sont justifiées par des motifs d'intérêt général et sont proportionnées ; que le décret contesté n'est pas contraire au principe d'égalité ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 mars 2001, présenté par M. A, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête et demande en outre au juge des référés du Conseil d'Etat de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le décret litigieux, qui n'oblige pas M. A à choisir entre l'une ou l'autre de ses fonctions et mandat, fixe une restriction à son activité et non pas une incompatibilité ; que le pouvoir réglementaire est compétent pour édicter une telle restriction ;

Vu la note en délibéré présentée le 15 mars 2011 par M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment l'article 34 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. Sacha A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et le Premier ministre ;

Vu le procès verbal de l'audience du 14 mars 2011 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- M. Sacha A ;

- le représentant du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ; que la condition d'urgence posée par ces dispositions n'est satisfaite que dans le cas où l'exécution de la décision dont la suspension est demandée porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ;

Considérant que l'article 118 du décret du 27 novembre 1991 dispose que : L'avocat investi d'un mandat de conseiller régional ou de membre de l'assemblée de Corse ne peut, pendant la durée de son mandat, accomplir aucun acte de sa profession, directement ou indirectement, contre la région ou la collectivité territoriale, les départements et communes qui en font partie ainsi que les établissements publics de ces collectivités territoriales ;

Considérant que M. A, qui exerce la profession d'avocat, s'est présenté en mars 2010 aux élections régionales de Midi-Pyrénées ; que, figurant en dixième position sur une liste qui a obtenu neuf sièges, il a été appelé, comme premier candidat non élu, à siéger au conseil régional en février 2011 à la suite de la démission de l'un des élus de cette liste ; que, s'avisant alors des difficultés que l'application de l'article 118 du décret du 27 novembre 1991 pouvait entraîner pour sa pratique professionnelle, largement orientée vers le contentieux des décisions des collectivités territoriales, il a demandé au Premier ministre d'abroger ces dispositions réglementaires ; qu'il demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du refus implicite opposé par le Premier ministre à sa demande ;

Considérant que les dispositions contestées sont applicables depuis l'entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1991 ; que, même si, après que M. A a été appelé à siéger au conseil régional, elles peuvent avoir des répercussions significatives sur son activité, elles ne le privent pas de la possibilité d'exercer la profession d'avocat, en cherchant, au besoin, d'autres affaires que celles où il interviendrait contre l'une des collectivités territoriales de la région Midi-Pyrénées ou l'un des établissements publics de ces collectivités ; que, dans ces conditions, le refus contesté de les abroger ne porte pas atteinte à la situation du requérant de manière suffisamment grave et immédiate pour constituer une situation d'urgence ; que ce refus ne porte pas davantage atteinte aux intérêts d'une bonne administration de la justice ; que la condition d'urgence ne peut, dans ces conditions, être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de suspension et d'injonction présentées par M. A ne peuvent être accueillies ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Sacha A, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 346961
Date de la décision : 17/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 mar. 2011, n° 346961
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:346961.20110317
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